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L’Allemagne toujours immaculée
Alors que tout le monde s’inquiétait de la solidité défensive de l’Allemagne avant le début de la compétition, la NM n’a toujours pas encaissé le moindre but. Entre retours en forme et découverte.
À quelques encablures de l’Euro, le 29 mai dernier, la Slovaquie faisait voler en éclats les maigres certitudes défensives allemandes en annihilant l’ouverture du score de Mario Gómez (son premier but depuis une éternité avec la NM) pour finalement s’imposer 3-1. Certes, les circonstances atténuantes se trouvaient facilement : une pelouse d’Augsburg complètement détrempée, deux gardiens pas au top (Leno puis Ter Stegen) et l’absence de l’axe fort Boateng-Hummels habituel. Néanmoins, les inquiétudes affleuraient tout autant. En l’absence d’un Hummels qui devait rater les deux premiers matchs de poule, ni Rüdiger, ni Höwedes n’avaient pas apporté la stabilité attendue, d’autant plus que le capitaine de Null-Vier venait lui-même tout juste de reprendre la compétition. Et Jérôme Boateng, s’il était de retour depuis plus longtemps, allait-il pouvoir tenir ? Quid du poste de latéral droit, sinistré depuis la retraite de Lahm ? Löw avait répondu Sebastian Rudy, le plus souvent milieu défensif dans le redoutable équipe d’Hoffenheim. Et à gauche, en l’absence inexplicable au vu de sa saison de Schmelzer, que valait vraiment ce Jonas Hector, titulaire indiscutable des éliminatoires, mais finalement simple joueur de Cologne, sans expérience des grandes rencontres ? Pire encore, Joachim Löw lui-même ne semblait pas savoir, tentant un schéma bâtard pendant une mi-temps avec une défense à trois, souvent testé ces derniers temps, avant d’abandonner en faisant remonter Kimmich d’un cran. Le flou était total.
Possession et stabilité
À peine un mois plus tard, le 26 juin, tout était pardonnée. La même Slovaquie était balayée 3-0, et la défense n’accusait toujours aucun but contre. Remontons le fil des inquiétudes. Tout d’abord, après des mois d’éliminatoires quelconques faits de schémas tactiques mouvants, Jogi Löw s’est posé sur une valeur sûre: le 4-2-3-1 qui a – presque – toujours été le sien. La paire Khedira-Kroos orchestre le milieu de terrain : le premier a récupéré un corps et amène tout son impact, le deuxième s’est un peu habitué à jouer 6 au Real, même s’il semble toujours mal à l’aise lorsque son équipe souffre et que ses dernières performances madrilènes l’ont été avec Casemiro derrière lui. Toujours est-il que l’Allemagne possède suffisamment bien et souvent le ballon – surtout grâce à Toni – pour que le manque d’un Kramer ne se fasse pas trop sentir. Tout comme la déchéance du physique de Schweinsteiger, devenu simple remplaçant honorifique.
À gauche, Jonas Hector tient finalement son rang. Il n’est jamais tout à fait mauvais, et même s’il est globalement le joueur le moins talentueux du 11, il ne fait pas de vague et répond toujours présent, un peu comme un Arbeloa ou mieux (pire, c’est selon) Capdevila. De l’autre côté, la situation a mis plus de temps à se décanter. Rigolo, Löw n’a pas emmené Rudy outre-Rhin après avoir fait souffrir les supporters pendant des mois. Il a préféré parler de la polyvalence de Rüdiger, out de dernière minute, de celle de Can, autre milieu considéré défenseur, de Höwedes, de Mustafi. Ce dernier avait d’ailleurs tenu ce poste en urgence au Brésil avant que Lahm et tout rentre dans l’ordre, alors que Benedikt tenait l’autre côté en dépannage dans une défense 100% DC pas adepte des débordements. La vérité d’il y a deux ans n’étant pas celle d’aujourd’hui, le joueur de Valence s’est retrouvé dans l’axe pour le premier match face à l’Ukraine, et celui de Schalke à droite.
Le Bayern en force
La qualification en poche, Löw pouvait desserrer son inquiétude et délivrer Höwedes de ses tourments face à l’Irlande du Nord. Place à Joshua Kimmich. 21 ans, des sélections qui se comptent sur le doigt d’une main, une seule saison de Buli dans les jambes – baladé entre milieu de terrain et défenseur central – après avoir connu la 3. et la 2. avec Leipzig. Sauf que Kimmich est un joueur du Bayern, où il a brillamment suppléé Boateng dans l’axe sur une idée de Guardiola si on tient compte de son inexpérience, et que son physique semble plus le porter vers un poste de latéral. Satisfaisant pour son baptême nord-irlandais, JK a été reconduit en 8e, et ne devrait plus bouger. S’il manque encore d’habitude sur les centres et le placement, il compense avec son sens du duel et de l’interception et sa qualité technique au-dessus de la moyenne. De quoi en deux matchs faire naître les rêves d’une réincarnation de Lahm, avec qui les parallèles sont nombreux.
Enfin, il y a des hommes forts, ceux sur qui on peut compter quand tout va de travers. Mats Hummels n’aura tenu qu’un match sur le flanc avant de revenir étaler sa classe sur les pelouses. Plus physique et imposant que son futur coéquipier au Bayern, Jérôme Boateng a fait oublier son Vine messiesque avec un sauvetage dantesque sur la ligne et un boulet de canon pour ouvrir le score contre la Slovaquie. Difficile de trouver plus complémentaire. En phase défensive, Boateng s’occupe des duels et de rattraper les intrigants qui oseraient partir dans le dos (et globalement tout le reste en pompier), Hummels coupe les lignes de passe et presse. Lorsque l’Allemagne a le ballon, les deux, positionnés très haut, souvent dans le rond central, dirige la relance. Jerome alerte de ses transversales (bizarrement imprécises lors du premier match) et Mats transperce au sol. Sinon, il y a Manuel Neuer, dit Jamais Peur (ou Neuyah). Un arrêt massif à faire par match pour maintenir son équipe, et des relances qu’aucun jugerait dangereuse. Neuer s’en occupe. Alors, qui tâchera ce beau tableau?
Par Charles Alf Lafon