- Euro 2016
- Quarts
- Allemagne-Italie (1-1, 6 tab 5)
L’Allemagne sort des Italiens tout penauds
La séance de penalty en aura décidé : l'Allemagne se qualifie pour la demi-finale dans une atmosphère totalement irrespirable. L'affiche aura tenu ses promesses, et l'Italie, son rang jusqu'au bout.
Allemagne 1-1 (6 tab 5) Italie
Buts : Özil (65e) pour l’Allemagne // Bonucci (78e, sp) pour l’Italie
Sous le vent frais de Bordeaux, ses cheveux balancent. Épais, bruns, dans un mouvement d’une incroyable rigidité. De bleu vêtue, la belle Italie n’a rien perdu de son charme des tours précédents. Celle qu’on annonçait sans atout révèle une nouvelle fois son charme et son pragmatisme. En effet, si elle n’est pas tombée face à cet Espagnol aux techniques éculées, elle ne va pas plus le faire à cet Allemand qui débarque dans son jardin armé de ses sandales-chaussettes. Car cette Italie a le cuir dur. Alors, longtemps, le concurrent du jour lui aura tourné autour. Tentant l’attaque frontale, le pas de côté, se heurtant à chaque fois au refus d’une ragazza aussi généreuse que retorse. Reste que l’Allemagne sait conclure mieux que personne. Et à force d’insister, a réussi à faire craquer la belle, par l’intermédiaire d’un homme dont les yeux globuleux ne laissent pas présager de telles qualités de tombeur. Le verrou italien a sauté, et à la fin, l’Allemagne a gagné. Tout du moins le pense-t-il. Car si elle peut tendre une joue et se laisser embrasser une fois, cette Italie-là est revêche, fière, et surtout, peu encline à s’offrir sans combat. Un combat finalement perdu au bout de la nuit.
Parolo à la défense
Sur le papier, la rencontre prévoit déjà de faire des étincelles. Seul favori au niveau attendu depuis le début de la compétition, la Mannschaft débarque sur le chemin d’une Italie peu épargnée par le tirage au sort, mais d’une robustesse folle. Ayant senti le coup, Joachim Löw dégaine une nouvelle formation de son caleçon : 3-5-2 avec Kimmich et Hector sur les ailes pour tenter de contourner le trio de fer de la BBC. Sympathique idée de base, moins dans les faits, puisque la première mi-temps va se résumer à un concours de la meilleure défense. À ce jeu-là, la paire Chiellini-Bonucci répond parfaitement à l’impressionnante charnière Boateng-Hummels, qui en plus de couper la moindre tentative, se charge de relancer la machine au-delà de la ligne médiane. Dès lors, rien ou presque. La sortie de Khedira juste après le premier quart d’heure permet au kop allemand de rendre un vibrant hommage à Schweinsteiger, tandis que Gómez et Müller tentent timidement leur chance. Côté italien, la tactique est en place. Rien ne passe, et l’on attend la contre-attaque pour faire la différence. Giaccherini s’y essaie dans le dos d’Hummels, mais c’est le charognard Sturaro qui se donne le droit de faire frissonner tout un stade. La frappe des 20 mètres est tendue, la déviation de Boateng décisive, et la mi-temps finalement déjà en approche. Défense de faire moins de spectacle par la suite.
L’arrêt de Gigi, le vol de Boateng
Si l’Italie n’est pas coutumière du football-champagne, l’Allemagne sait bien que ne pas tenter de forcer le verrou est une erreur face au pragmatisme transalpin. De retour des vestiaires, la bande de Löw accélère. Les centres se multiplient, les contacts aussi (trois jaunes en l’espace de cinq minutes pour l’Italie), jusqu’à ce que les filets se rapprochent. Müller d’abord, profitant d’un bon travail de Gómez, croit battre Buffon, mais aperçoit Florenzi se fendre d’un dégagement de Yamakasi devant sa ligne. Rentrait, rentrait pas, toujours est-il que le couperet est proche. Et va finalement tomber des pieds de Mesut Özil. Trouvé dans la surface, le meneur allemand fusille Buffon et tient la libération germaine. Dans la foulée, le buteur se mue même en passeur pour Gómez, qui, à 4 mètres de Gigi, tire du talon et permet à la légende de briller de nouveau. Une claquette synonyme de tournant du match. Car si l’Italie ne paraît pas en mesure de briser le bloc allemand dans le jeu, la décision va se faire des mains d’un autre. Sur un coup franc anodin, Boateng saute les deux paumes en avant, et ne laisse d’autre choix à l’arbitre du match que de siffler un penalty logique. Incompréhensible geste du défenseur allemand, qui aura sans doute droit au même traitement internet qu’après sa chute face à Léo Messi. Alors, Bonucci s’arrête, regarde Neuer, et envoie l’Italie en prolongation d’un tir dans le petit filet droit. Dans les travées, tout le monde sait que ce penalty en appelle d’autres. Trop fatiguées, trop usées par un match tactique à souhait, les deux équipes ne peuvent échapper à la séance de tirs au but.
Et le temps s’arrête. Parce qu’un combat épique se doit de se terminer dans le sang, les ratés s’enchaînent. Zaza tire au-dessus, puis Müller s’empale sur Buffon. Özil qui touche le poteau, Pellè qui sort du cadre. Bonucci qui perd cette fois-ci son duel avec Neuer, puis Schweinsteiger qui loupe la balle de match en envoyant le ballon dans le kop italien. Non, cette fin de match n’a rien de rationnelle. Le rationnel a de toute façon quitté depuis bien longtemps les travées. Le souffle est court, le kop italien sous lequel se déroule la séance en transe. Gigi pour la gloire ou Neuer pour la succession ? Nul ne sait à mesure que, sans rater, les deux équipes en arrivent jusqu’au 9e tireur. Darmian échoue, Hector transforme, le ballon passant sous le ventre d’un Buffon pourtant héroïque. L’Allemagne a finalement fait craquer l’Italie. Sans doute sa plus belle prise.
Par Raphaël Gaftarnik, au Matmut Atlantique (Bordeaux)