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L’Algérie se donne en spectacle
Depuis l’élimination de l’Algérie par le Cameroun le 29 mars dernier en qualifications pour la Coupe du monde, il s’est passé beaucoup de choses. Notamment un recours déposé à la FIFA pour faire rejouer le match pour des questions d’arbitrage, et la vraie-fausse démission de Charaf-Eddine Amara, le président de la Fédération algérienne de foot.
Les journalistes algériens qui suivent le football local ont eu de quoi s’occuper ces derniers jours. L’oisiveté ne les menace pas, même si la sélection nationale ne s’est pas qualifiée pour la Coupe du monde au Qatar à cause d’un but encaissé à dix secondes de la fin du temps additionnel de la prolongation face au Cameroun, à Blida, le 29 mars dernier (1-2, 1-0 à l’aller). Depuis cette défaite, il ne se passe pas une journée, ou presque, sans qu’ils aient à relater les conséquences de cette défaite vécue comme un traumatisme national, quelques semaines après une CAN calamiteuse. Pour le côté folklorique, lors du tirage au sort de la phase finale du Mondial 2022, vendredi dernier à Doha, un supporter algérien s’est filmé en train de haranguer Samuel Eto’o et Rigobert Song, respectivement président de la Fédération camerounaise de football (FECAFOOT) et sélectionneur national, en les accusant d’avoir acheté le match. Les deux anciens Lions indomptables n’ont pas réagi, au contraire de quelques témoins de la scène, choqués par l’attitude un rien provocatrice de l’individu.
Amara ne part plus… pour l’instant
Mais ce n’est pas cet épisode finalement anecdotique qui a le plus nourri l’actualité. Le dernier en date en dit long sur le climat qui règne actuellement dans les hautes sphères du football algérien. Le 31 mars, Charaf-Eddine Amara, élu président de la Fédération algérienne de football (FAF) en avril 2021, annonçait sa démission et celle de l’intégralité de son bureau, et désignait Mohamed Maouche, premier vice-président et accessoirement ancien joueur de l’équipe historique du FLN, pour lui succéder et organiser une nouvelle élection dans les deux prochains mois. Seulement, Maouche est âgé de 86 ans, et cela a suffi pour que des critiques s’abattent sur Amara. Ce dernier a fini par rétropédaler ce dimanche face à ces réactions, mais aussi après avoir constaté qu’aucun membre du bureau ne l’avait suivi. Son départ est cependant acté puisqu’il remettra prochainement sa démission au secrétariat général de la FAF. Très vite, les premiers prétendants au fauteuil présidentiel ont annoncé leur intention de se présenter, dont Walid Sadi, un ancien membre du bureau fédéral entre 2009 et 2014 qui fut également directeur des équipes nationales.
Avant d’annoncer sa première démission, l’ancien président du CR Bélouizdad et boss du Holding Madar, la société publique des industries et des manufactures du tabac et des allumettes, avait pris le temps d’annoncer que la FAF avait déposé un recours auprès de la FIFA pour faire rejouer le match retour face au Cameroun. L’arbitre gambien Bakary Gassama, par ailleurs menacé à l’aéroport d’Alger par quelques supporters toujours pas calmés, est au centre de la démarche de l’instance, qui a dénoncé « un arbitrage scandaleux ayant faussé le résultat du match Algérie-Cameroun », et également demandé l’ouverture d’une enquête par les organes de la FIFA afin de faire « toute la lumière sur l’arbitrage. La FAF usera de l’ensemble des voies légalement permises pour se faire rétablir dans ses droits et rejouer la rencontre dans des conditions garantissant l’honnêteté et l’impartialité de l’arbitrage ». Un recours qui a très peu de chances d’aboutir, le règlement de la FIFA rappelant que « les décisions de l’arbitre, sur des faits en relation avec le jeu, sont sans appel, y compris la validation d’un but et le résultat d’un match ». C’est également ce que pense Ali Fergani, l’ancien milieu de terrain (72 sélections) et ex-sélectionneur des Fennecs : « En tant que supporter de l’Algérie, j’aimerais que le match soit rejoué, bien sûr. La FAF a le droit de déposer une requête, mais il ne faut pas trop y croire, sauf si elle parvient à prouver qu’il y a eu corruption. » La FIFA aurait accepté d’étudier la requête algérienne, en promettant de rendre son verdict le 21 avril.
Belmadi, c’est pour quand ?
L’autre principal dossier concerne évidemment Djamel Belmadi (46 ans). Le sélectionneur des Fennecs, qui avait pourtant clairement laissé entendre qu’il viderait son bureau du Centre technique national de Sidi Moussa en cas d’élimination, pourrait finalement rester, si l’on en croit Amara. « Pas facile de croire quelqu’un qui démissionne le jeudi et change d’avis le dimanche, ricane un dirigeant d’un club algérien. D’autant plus que Belmadi et Amara n’ont pas des relations de grande proximité. C’est poli, sans plus. Il n’y a pas la même complicité qu’entre Belmadi et Kheireddine Zetchi, le prédécesseur d’Amara. » Belmadi est actuellement en pleine phase de réflexion, et l’ancien milieu de terrain de Marseille devrait annoncer sa décision dans les prochains jours. « Il reste très populaire. C’est celui qui a permis à l’Algérie de gagner la CAN 2019 alors que personne ne s’y attendait. Il a fait du bon travail, et moi, je suis favorable à ce qu’il reste. Il est capable de redresser la situation. Djamel est un bosseur, il reste sur deux échecs et je pense qu’il n’a pas envie de partir là-dessus. Mais en a-t-il envie ? C’est la question », s’interroge Nordine Kourichi, l’ex-défenseur international et ancien adjoint de Vahid Halilhodžić (2011-2014), alors que Fergani penche plutôt « pour son départ ».
Belmadi, qui est rentré à Doha, où il vit, devra rapidement se prononcer, puisque les qualifications pour la Coupe d’Afrique des nations 2023 en Côte d’Ivoire débuteront en juin prochain, avec quatre matchs au programme (le tirage au sort des groupes sera effectué prochainement). « Il n’en fait pas nécessairement une affaire d’argent, même s’il a un très bon salaire (des rumeurs évoquent un salaire mensuel, plusieurs fois à la hausse, supérieur à 150 000 euros, hors primes, NDLR), mais il peut gagner autant et même plus ailleurs. Djamel est en train de faire le bilan. Il n’est pas impossible qu’il reste, mais il sait aussi qu’il y a beaucoup de travail avec cette équipe. Des joueurs vont prendre leur retraite internationale, d’autres vieillissent et jouent assez peu en club. Est-ce qu’il va se contenter, pendant plus d’un an, de six matchs qualificatifs pour la CAN et des amicaux ? Pas sûr », soupire un proche de la FAF.
« Ce qui est incroyable, c’est que la FAF n’a visiblement pas encore pris langue avec lui pour discuter, grogne Yazid Ouahib, chef du service des sports du quotidien El Watan. S’il part, il va falloir trouver un remplaçant rapidement, qui devra former une équipe, sachant qu’on ne connaît pas les intentions de certains joueurs quant à leur carrière en sélection. C’est un peu de l’amateurisme, il n’y a pas de vision, même à court terme. » Salah Bey-Aboud, le chargé de communication de la FAF, a assuré mardi sur El Bilad TV que le sélectionneur était « toujours en pleine réflexion ». À peine le temps de le dire qu’un journaliste algérien de beIN Sports Mena s’empressait de tweeter que Belmadi « avait décidé de rester ». Bref, the show must go on.
Par Alexis Billebault