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L’âge du Crist
En inscrivant son 118e puis son 119e but en Ligue des champions d’une bicyclette magistrale face à Gianluigi Buffon, Cristiano Ronaldo a écrit une nouvelle ligne de l'histoire de la Ligue des champions et une nouvelle page de son incroyable histoire.
Il y a peu de gens dans l’histoire de l’humanité qui ont fait ou font des miracles à 33 ans. Et encore, là au moins, on a de la chance, on peut les voir et les revoir, au stade, à la télé, sur YouTube, sur Twitter, dans les yeux des enfants. Ouais bon ok, ça va loin là, mais quand même ! Les supporters de la Juventus ne s’y sont pas trompés en acclamant l’homme qui a éteint toutes les lumières de leur ville pour faire briller le Real Madrid. Depuis qu’il s’est remis à marquer après une première partie de saison pour le moins poussive et frustrante pour lui comme pour son club, Cristiano Ronaldo ne s’arrête plus de repousser les limites du temps.
Des pénos, des buts de requin, de loin, à bout portant, des têtes de l’espace, des petits piqués, des volées imparables, des tirs croisés, des frappes contrées, des lunettes, des lucarnes, des petits filets, du gauche, du droit, CR7 marque actuellement dans toutes les positions, de toutes les façons possibles, face à tout le monde, n’importe qui et Gianluigi Buffon. Son deuxième but face aux Turinois mardi soir en quart de finale aller de la Ligue des champions devrait figurer pendant longtemps au classement des buts les plus mythiques de la compétition. N’en déplaise, par exemple, à Mario Mandžukić qui avait pourtant donné de sa personne en marquant une reprise fabuleuse lors de la finale perdue en juin 2017 par la Juventus face au Real Madrid… Par son contexte, son timing et sa beauté, cette bicyclette parfaitement exécutée au milieu de la surface de la Juventus signe une espèce d’apothéose de son incroyable retour à son tout meilleur niveau. Comme une résurrection, ouais. Et à 33 ans, c’est bien plus rare qu’on essaye de nous le faire croire.
On a déjà tout dit, tout écrit, tout entendu et tout lu, en bien comme en mal, sur le champion d’Europe 2016, quintuple Ballon d’or et quadruple vainqueur de la Ligue des champions, dont il est le plus grand artificier. Qu’il avait laissé ses dribbles et ses chevauchées à Manchester, qu’il avait travaillé comme un chien là où Messi – qui ferait quand même bien de gagner le Mondial pour s’assurer de récupérer son Ballon d’or – bénéficiait d’un talent inné, qu’il avait su se réinventer, qu’il avait changé son jeu, qu’il était moins influent, mais plus efficace, qu’il était de nouveau très loin de son rival argentin, qu’il marquait contre des petits clubs – quelle connerie, ça, hein ! –, qu’il ne faisait pas assez de passes décisives, qu’il manquait d’émotion(s), mais qu’il avait un mental d’exception porté par un physique hors normes, et cetera.
Reste que le constat est là : s’il n’est pas, pour beaucoup, le meilleur joueur de notre monde, difficile de nier qu’il en est le meilleur buteur. Mais bon, quoi qu’il fasse, Cristiano Ronaldo divisera toujours. Il y aura les esthètes d’un côté, les comptables de l’autre. Sauf que mardi soir, Cristiano Ronaldo a réuni les deux : ceux qui aiment la beauté du jeu et ceux qui se laissent impressionner par les chiffres. En s’élevant au milieu de la défense turinoise avant d’envoyer un ciseau parfait dans le but de la Juve, Cristiano Ronaldo a marqué encore un peu plus l’histoire de la Ligue des champions. Et la sienne. Parce que le Portugais continue, encore et encore, de faire des miracles. À 33 ans, donc. L’âge du Crist.
Par Pierre Maturana