- International
- Amical
- Allemagne-Espagne
L’âge de Per
À 33 ans, Per Mertesacker a décidé de mettre un terme à sa carrière à l’issue de la saison. Certainement le bon moment pour celui qui ne supporte plus la pression du footballeur et qui va devenir directeur du centre de formation d’Arsenal.
L’annonce, pourtant importante, a été quasiment ignorée. À l’intérieur des frontières françaises, en tout cas. En ce mois de mars 2018, Per Mertesacker a choisi les colonnes de Der Spiegel pour officialiser la nouvelle : au terme de la saison actuelle, il raccrochera définitivement les crampons. Pourquoi ? Parce qu’il est fatigué du football, tout simplement. « Je sais que nous sommes des privilégiés, mais je me suis rendu compte il y a quelques jours que tout est un poids, autant sur le plan physique que sur le plan mental, a expliqué le défenseur, dans un bel élan de sincérité. Je suis arrivé à la limite. Tout le monde me dit que je devrais faire une saison supplémentaire, jouer le plus possible et prendre tout ce qui vient. Mais je préfère être sur un banc ou, encore mieux, en tribune. En ayant plus de trente ans, après le match d’adieu, je me sentirai enfin libre. »
Dégueuler du foot
La liberté. Voilà donc ce que recherche Mertesacker, qui s’est visiblement emprisonné avec le temps dans le côté obscur du ballon rond en s’enchaînant inconsciemment à la perversité de la compétition, à un âge où ses confrères surfent au contraire généralement sur leur expérience pour gérer cet univers assez particulier. Car au lieu de savourer ces derniers instants de joueur ou de kiffer les dernières semaines de son métier, le défenseur souffre psychologiquement. Lui-même le reconnaît : si son boulot est l’un des plus beaux du monde, il n’arrive plus à l’apprécier, des envies de vomir lui tordant l’estomac avant les rares matchs qu’il dispute encore (352 minutes en cinq rencontres de Premier League depuis cet été, plus 480 en six parties de coupes nationales ou européennes).
La faute à la pression, ce stress moteur devenant parfois angoisse négative que l’arrière central ne cherche plus à comprendre, et avec laquelle il n’a plus envie de partager sa vie. « Il a eu une longue carrière et il se met la pression à chaque session d’entraînement. Il ne joue jamais une seule minute sans être totalement concentré et cela demande beaucoup d’efforts. C’est la raison pour laquelle il a fait cette carrière, a réagi Arsène Wenger face à la presse. Cette annonce n’était pas une surprise pour moi. Être footballeur professionnel nécessite un haut degré d’exigence.(…)Cela peut engendrer du stress. Il y a aussi beaucoup d’attente de la part de leur environnement.(…)Pour jouer au niveau auquel ils évoluent, vous avez besoin d’une énorme résistance au stress. »
Une histoire terminée ? Pas vraiment
À 33 ans, Per a perdu cette barrière, et il l’accepte. « J’ai dit à Wenger que je me sentais fatigué, épuisé mentalement, prévenait-il déjà à Sport1 en juin dernier, après avoir tenu la baraque durant 90 minutes lors de la finale de FA Cup remportée contre Chelsea. Pour la première fois de ma carrière, j’ai pensé que ça n’avait plus de sens, que j’allais prendre ma retraite. À Arsenal, tu es très vite remplaçable, je ne veux pas me dresser sur le chemin d’un joueur plus jeune. » Mais contrairement à ce qu’il laissait entendre à l’époque, Mertesacker ne se tournera finalement pas vers « un poste dans les opérations commerciales » . Ce qui l’attend, c’est une autre pression, celle de l’éducateur cette fois, puisque l’arrière central sera le prochain directeur du centre de formation d’Arsenal. Une reconversion qui pourrait l’aider à retrouver un peu d’amour à l’égard de sa profession.
Il serait en effet dommage que l’histoire se termine sur ce dégoût du haut niveau. Mertesacker et le foot, c’est un mariage qui dure depuis quinze ans et qui a connu Hanovre comme lune de miel (de 2003 à 2006) avant de s’installer à Brême (de 2006 à 2011) et de s’offrir une douceur étrangère à Londres (depuis 2011). C’est aussi un couple qui a donné quelques beaux bébés (trois FA Cup, une Coupe d’Allemagne, une Coupe de la Ligue allemande, une finale de Coupe UEFA) et qui, par son sérieux et son professionnalisme, a toujours su défendre la nation qui l’a uni (104 capes avec la sélection dont cent titularisations, une Coupe du monde et deux podiums dans la compétition, une finale d’Euro). Voilà ce que retiendront, en premier lieu, les fans de la Mannschaft, les supporters du Werder et ceux d’Arsenal. Bien avant sa légendaire lenteur.
Par Florian Cadu