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L’affiliation à la Fifa, comment ça marche ?

Par Clément Chaillou
L’affiliation à la Fifa, comment ça marche ?

Ils s'appellent Tahiti, Macao, Ecosse ou Montserrat. Tous sont des territoires qui ne sont pas indépendants mais qui possèdent pourtant des sélections nationales affiliées à la Fifa, et donc autorisées à disputer les compétitions organisées par Zurich. Pour comprendre comment fonctionne la reconnaissance des fédérations, petite plongée dans un joyeux bordel administratif.

Il y a eu le festival Neymar, le coup franc de Pirlo, et l’impressionnante démonstration de force espagnole. Mais l’attraction de cette première semaine de Coupe des Confédérations était ailleurs. Cachée derrière un sobre maillot rouge, un accent qui fleure bon le sable blanc, et une humeur radieuse. Même après un 10-0. L’équipe nationale de Tahiti attire. Et intrigue, aussi. Parce que bon, Tahiti, c’est un petit bout de France. Alors comment un territoire français peut-il avoir une sélection et une fédération nationale, autre que la FFF, reconnue par Zurich ?

La Fifa compte 209 associations membres, l’ONU 197 états

En feuilletant les statuts de la Fédération internationale de football, l’article 10.1 est pourtant clair : « Peut devenir membre de la FIFA toute association responsable de l’organisation et du contrôle du football dans un pays. Par  »pays », on entend dans ce contexte un État indépendant reconnu par la communauté internationale. » Or Tahiti, île de la Polynésie française, elle-même collectivité d’Outre-mer, ne répond pas à cette définition d’un pays. Et ce n’est pas la seule dans ce cas. Depuis l’affiliation de la fédération du Sud-Soudan au 1er janvier 2012, la Fifa compte 209 associations membres. L’ONU, elle, ne reconnaît l’indépendance que de 197 états. À côté de Marama Vahirua et ses potes, une vingtaine de contrées dont la Nouvelle-Calédonie, Montserrat, Honk-Kong ou encore le Pays de Galles et l’Ecosse sont ainsi membres de la Fifa sans être des états indépendants. Pour comprendre ce mystère, il faut se référer aux alinéas 5 et 6 du même article. Le premier règle d’office la question de nos amis d’Albion en affirmant que « chacune des quatre associations britanniques est reconnue comme membre individuel de la FIFA » . Le second, lui, dissipe un peu le flou autour des autres fédérations : « Avec l’autorisation de l’association du pays dont elle dépend, une association d’une région n’ayant pas encore obtenu l’indépendance peut également demander l’admission à la FIFA » . En clair, Tahiti, comme la Nouvelle-Calédonie, ont dû demander une lettre de sortie à la FFF pour pouvoir balancer leurs candidatures en Suisse. Voilà pourquoi aujourd’hui, la Catalogne – par exemple – ne peut prétendre à son affiliation, bloquée par l’Espagne. « À partir du moment où vous ne dérangez personne, vous pouvez rejoindre la Fifa, analyse Jean-Luc Kit, fondateur du NF-Board, qui regroupe les équipes non reconnues par Sepp Blatter et ses sbires. Mais dès qu’il y a un enjeu politique ou un enjeu économique, forcément, ça se complique… »

Gibraltar frappe à la porte

Une fois la question de l’indépendance – ou de l’autorisation de la fédération d’origine – réglée, d’autres critères entrent en jeu. D’abord, la fédération candidate doit bien entendu posséder un stade aux normes Fifa. Parce qu’une pelouse, des lignes blanches et un but, c’est toujours utile pour jouer un match officiel. Ensuite, la fédération doit également organiser au moins une compétition sur son sol. « Il faut démontrer qu’on est le patron du football sur le territoire que l’on représente » explique Jean-Luc Kit. Et quand tout est au point, reste encore une dernière étape avant de pouvoir faire sa demande à Monsieur le secrétaire général de la Fifa, comme le précise l’alinéa 2 : « Une association ne peut être admise comme membre qu’à condition qu’elle soit déjà membre d’une confédération » . C’est ce qu’a fait Gibraltar il y a quelques semaines. Avec son stade, son championnat, et son mot d’excuse de la fédération anglaise, le petit caillou de la péninsule ibérique est devenu le 54e membre de l’UEFA, et ce malgré les plaintes des Espagnols. « Normalement, maintenant, rien n’empêchera Gibraltar d’être intégré à la Fifa lors du prochain congrès » , assure Jean-Luc Kit. Et donc de participer aux éliminatoires de la Coupe du monde 2018. On tremble déjà en imaginant un Gibraltar-France. Un match fou où Gibraltar va adopter la technique « bus devant le but » et où les Bleus ne l’emporteraient que grâce à un CSC d’un défenseur gibraltarien dans les arrêts de jeu…

Trop fou pour le Vatican

Voilà pour le processus d’affiliation. Mais une dernière observation prête à confusion : des fédérations représentant des états indépendants et répondant aux critères évoqués, comme Monaco, le Vatican, ou encore Kiribati, ne sont toujours pas reconnues par la Fifa… Pourquoi ? « Parce qu’en général, elles n’en ont pas fait la demande, répond Jean-Luc Kit. À Monaco, tout est en règle, mais la direction du club a mis la pression sur le Prince en lui disant que si la fédération monégasque rejoignait la Fifa, l’AS Monaco ne pourrait plus disputer le championnat de France. Ce qui est totalement faux. Regardez au Liechtenstein : il y a une fédération, une sélection nationale, et ça n’empêche pas les huit clubs du pays de participer au championnat de Suisse… » Concernant le Vatican, outre un petit problème d’éligibilité des joueurs, la non-affiliation à la Fifa s’explique surtout par le fait que les autorités papales ont fait machine arrière, jugeant qu’une participation à des compétitions internationales était un peu trop farfelue. Et pour les îles du Pacifique, les fédérations locales n’ont généralement pas envoyé leur candidature faute de moyens, de temps et d’organisation. En attendant de jouer dans la cour des grands, ces « exclus » du système footballistique peuvent toujours disputer la Viva World Cup, organisée par le NF-Board. Un monde parallèle où la Padanie et le Kurdistan irakien sont les équipes à battre.

Par Clément Chaillou

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