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  • Français de l'étranger – Yohann Lacroix

Lacroix : « À Belfast, un match a été annulé par des extrémistes religieux »

Propos recueillis par Régis Delanoë
8 minutes
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En Irlande du Nord aussi, c'est l'heure de la rentrée. Avec dans les rangs des Crusaders FC, prétendant au titre, un Français : Yohann Lacroix. Après avoir bourlingué en Grèce et en Asie, le gardien de but a posé ses valises à Belfast, où il entame en parallèle un Master dans le business du sport. « Merci, c'est sympa de s'intéresser à moi », annonce-t-il en préambule. Mais c'est un plaisir mon gars, on t'écoute.

Depuis quand es-tu installé à Belfast ?Depuis janvier de cette année. J’ai donc réalisé une première demi-saison ici, qui s’est très bien passée, aussi bien sur le plan personnel que collectif. Pourtant je pensais vraiment pas que j’allais rester au début. J’avais signé que 6 mois, je savais pas trop où je mettais les pieds… Puis finalement c’est parfait, à tel point que j’ai signé pour un an supplémentaire, malgré des sollicitations venant d’Écosse. Sportivement, c’était sûrement plus intéressant mais j’ai l’occasion ici de pouvoir mener en parallèle mon projet de reconversion professionnelle.

Comment nous décrirais-tu le championnat nord-irlandais ?C’est très, très physique, comme tu peux l’imaginer ! Au début, j’étais un peu choqué par le style de jeu pratiqué car c’est vachement offensif. Il y a souvent des résultats fleuves. Tactiquement c’est… disons que c’est très différent par rapport à ce que j’ai pu apprendre en France par exemple. L’état d’esprit n’est pas le même non plus. C’est vraiment du jeu direct, avec énormément d’actions au cours d’un même match. Dans cette configuration, les gardiens ont un rôle vraiment important, je touche beaucoup de ballons, je suis énormément mis à contribution. En France, l’équipe va chercher à garder le ballon, ici ça part direct, d’un but à l’autre ! Etre autant sollicité, ça fait qu’il m’est déjà arrivé de prendre des valises, mais dans l’ensemble c’est hyper agréable, je prends beaucoup de plaisir, on ne s’ennuie pas.

Ton club, Crusaders FC, joue le haut de tableau ?Oui, c’est un bon club qui se développe bien et gagne régulièrement quelques titres, même si on n’a pas encore gagné le championnat dans sa configuration actuelle. C’est clairement l’objectif de la nouvelle saison qui débute ce week-end. La saison dernière c’est pas passé loin, même si on craque un peu sur la fin (Crusaders a terminé deuxième, 8 points derrière le champion Cliftonville, NDR).

C’est pro comme championnat ?Oui, même si certains clubs de bas de tableau ne le sont pas vraiment. Ils sont plus semi-pros. En fait, c’est un peu comme le championnat National en France. Nous, notre club est entièrement pro.

Et tu t’y retrouves financièrement ?C’est pas ici qu’on vient pour s’enrichir, c’est sûr, mais oui ça va. Et puis le plus important pour moi c’était de trouver un endroit en Europe où je pouvais continuer à pratiquer mon sport tout en commençant à songer à ma reconversion. Trouver la bonne ville et le bon club pour m’offrir de telles conditions, c’était pas facile. Là du coup c’est parfait pour moi.

Quel est ce projet de reconversion ?J’entame à la rentrée un Master spécialisé en business du sport dans une école de commerce de la ville. Dans ma promo, il y aura d’autres sportifs professionnels comme moi : des joueurs d’Ulster Rugby notamment, des golfeurs, un sport très populaire ici… On peut bénéficier d’horaires aménagés pour continuer à pratiquer notre sport en parallèle.

« Le Téléfoot local est l’émission la plus regardée du pays »

Il y a de l’engouement pour le foot local à Belfast ?Oui, c’est un pays anglo-saxon et le foot c’est tout pour eux. Tu vas dans la rue, tu prends un taxi, les gens te reconnaissent. Avant, je jouais à Singapour, c’était vraiment pas le cas ! Ils suivent aussi pas mal la Premier League anglaise et le championnat écossais, mais tout le monde connaît les résultats du championnat local ainsi que les joueurs. Tous les résumés passent à la télé… Pour te dire, le Téléfoot local est l’émission la plus regardée du pays. Ici en plus, il y a le contexte historique et religieux, les clubs sont mêlés à ça, ce qui crée des rivalités spécifiques et un engouement particulier.

Et alors, tu es tombé de quel côté ?Crusaders est un club protestant anglican mais pas extrême. De ce point de vue, la grosse rivalité se joue entre le champion en titre Cliftonville (catholique, NDR) et le plus gros club du pays, Linfield, qui est très protestant. Eux sont plus en rivalité par rapport à cette question religieuse. Nous à côté, c’est relativement paisible, le club est ouvert. Moi qui suis de confession catholique, j’y ai été très bien accueilli, ce qui n’aurait pas forcément été le cas partout ailleurs…

Mais il y a du monde au stade ?Ouais ça dépend de l’affiche. Il y a quatre clubs à Belfast, qui sont les quatre plus gros clubs du championnat : Cliftonville, Crusaders, Linfield et Glentoran. Un derby entre deux de ces quatre équipes ramène du monde. Les autres matchs, moins. Dans notre stade par exemple, je dirais que l’affluence normale tourne autour de 3000 personnes.

C’est sympa Belfast ?Super sympa. J’ai habité à Lille pendant 5 ans, ça m’y fait vraiment penser. Les gens sont très gentils, très ouverts, l’architecture est un peu similaire. Par contre le temps… Le temps c’est pas ça ! C’est encore pire que le nord de la France. Mais bon, c’est sympa, il y a pas mal étudiant. De toute façon j’avais pas le niveau pour jouer en Premier League, donc pouvoir connaître quand même le football anglo-saxon, avec cette ambiance unique, l’esprit british, c’est chouette.

Reste-t-il des stigmates du conflit nord-irlandais ?Oui il y en a. Je dirais pas que ça craint niveau sécurité, là-dessus aucun problème. Mais tu sens que c’est encore très ancré. Il y a pas longtemps, on a eu un match qui devait avoir lieu face à Cliftonville. C’était un choc, le premier du championnat contre le deuxième. Mais il a été annulé car il y a eu des affrontements en dehors du stade avant le coup d’envoi. Pas des supporters hein, juste des extrémistes qui ont profité du contexte. Faut savoir que le stade de Cliftonville et le nôtre sont séparés de seulement 500 mètres. Mais a priori ça faisait longtemps que c’était pas arrivé.

Venant de l’extérieur, tu arrives à saisir ce contexte si particulier ?Il y a un musée en ville qui retrace l’histoire du pays, j’y suis déjà allé trois ou quatre fois, histoire d’essayer de bien comprendre l’histoire complexe du pays et du conflit religieux. Je trouve que c’est important de s’imprégner de ça parce que c’est quelque chose de profondément ancré dans les mentalités et dans la culture. En tant qu’étranger, il faut que je comprenne de quoi on parle, car ça discute encore pas mal de ça. Nous par exemple en France, la Seconde Guerre mondiale, ça commence à dater, des générations sont passées. Ici, les gens qui ont vécu activement le conflit sont encore en vie. Tu sens que ça reste vivace comme truc…

« Avoir mon Master en juin prochain, c’est la priorité »
Revenons à tes débuts : formé à Auxerre, puis à Lille, c’est ça ?Oui c’est ça. À Lille j’ai disputé un seul match pro, en Coupe Intertoto. Mais après j’ai été prêté en National. En fait, je suis arrivé à un moment vraiment charnière du LOSC. Quand j’ai débarqué, c’était encore le petit club familial, avec des petites structures et des jeunes vite lancés dans le grand bain. Puis dès ma deuxième année là-bas, l’équipe se qualifie pour le Ligue des champions et là tu sens que ça change de dimension. Quand t’es un jeune comme Cabaye ou Debuchy, tu peux percer car ça se voyait qu’ils étaient au-dessus du lot, mais pour nous les autres jeunes qui avions signé pro avant cette métamorphose et pour qui c’était déjà limite, ça devenait impossible de percer dans un gros club comme ça. Disons que j’ai pas pu progresser aussi vite et aussi bien que le club. Mais ça reste une super expérience d’avoir vécu ça de l’intérieur.

Après le National avec Sannois Saint-Gratien, qu’as-tu fait ?Je suis parti en Grèce dans un petit club (Thrasyvoulos). Là pour le coup, ça a été beaucoup plus compliqué. J’étais jeune, je pense que j’étais pas prêt à partir à l’étranger, d’autant que c’était un autre monde. Je venais de Lille, où c’était très pro, et j’arrive en Grèce où… ça ne l’était pas ! C’était un choc, j’ai pas su m’adapter. C’était quand même formateur, même si j’ai un peu connu le chômage en France par la suite.

En Grèce, as-tu été témoin de la crise ?Oui, j’y étais à un moment charnière (saison 2008-2009). Je sais pas si tu te souviens des premiers moments de la crise, les premières manifestations de grande ampleur de gens qui se retournaient contre l’État et les banques, c’est pile le moment où j’étais là-bas. Moi je n’ai jamais été concerné personnellement mais on sentait dans le pays que la crise allait mal tourner. La façon dont ce pays est géré… C’est particulier. Les ressources sont pourtant énormes mais il y a la Mafia, des détournements… Tout le monde le sait là-bas. Avec les ressources présentes sur place, la Grèce devrait être au niveau de la France quasiment. Au lieu de ça tout est en train d’être racheté par des compagnies étrangères…

Après la Grèce, direction l’Asie ?Oui, même si au départ je voulais rentrer en France. Mais on m’a proposé ce projet de partir à Singapour rejoindre la fameuse franchise française Étoile FC, et ça a été une expérience sportive et humaine géniale. La première année, on gagne le championnat avec l’Étoile, puis je suis transféré dans un gros club local, avec qui je gagne un deuxième titre. En tout, j’y suis resté trois ans. J’avais des touches après pour rester en Asie, mais l’éloignement de la famille commençait à me peser. D’où ce retour en Europe. Là à Belfast je suis à 2h de la France, c’est top.

Des projets d’avenir ?Avoir mon Master en juin prochain, c’est la priorité. Après, sportivement, on verra. L’idéal serait que je puisse trouver une structure où je peux rester pro et peut-être entamer un travail à côté dans le marketing sportif. Là déjà en ce moment j’occupe mes temps libres grâce à un stage avec la fédé locale de foot. Le projet est là, ça peut éventuellement se faire en Angleterre ou en Écosse… On verra. Je suis encore jeune.

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