Lâcher « l’Affaire Santos » !

Il y a certains documentaires où le matériau préexistant au film est presque trop riche. On pense au mythique “When We Were Kings” de Leon Gast où la personnalité éclatante d’Ali, le lieu même du championnat du monde de boxe des lourds (Kinshasa), le drame shakespearien qui se noue (l’inattendue défaite de Foreman) ou l’ombre maléfique de Mobutu transforment un film somme toute moyen en une référence mondiale du genre. L’affaire Santos ne survole pas les mêmes sommets, mais le destin d’un capo, d’un des plus anciens groupes de supporters de l’OM (le Commando ultra 84), qui bascule dans l’absurde kafkaïen, valait qu’on s’y attarde. Sujet passionnant mais raté. Le film de Gilles Perez et Gilles Rof échoue à restituer et à comprendre les enjeux et les rendez-vous de l’histoire de Santos Mirasierra.

Comment en dire du mal alors que l’émotion et la douleur de la famille et des proches sont omniprésentes, qu’un drame se joue devant nos yeux mais on ne fait pas du cinéma d’envergure à coups de bons sentiments. Cela se saurait… Les émotions faciles et les douleurs viscérales l’emportent ici sur la mise en perspective du sort d’un symbole, celui d’un quasi-martyr, victime de l’aveuglement policier et de l’absurdité de la justice espagnole. A chaque tournant qui menace d’être intéressant, les deux réalisateurs ratent le coche et ignorent les bonnes questions. Le documentaire commence, par exemple, avec les images de la tribune de Vicente Calderon où les supporters marseillais se trouvaient en cette soirée du 1er octobre 2008, où l’OM affrontait l’Atletico. En dépit d’un flot d’images considérable, on ne saura jamais ce qu’il s’est réellement passé ce soir-là ; on ignorera les motivations des policiers à vouloir retirer à tout prix la banderole du Commando ultra 84. Aucune interview des flics locaux (à l’exception d’un représentant syndical national qui récite la litanie convenue en pareilles circonstances). Même chose avec les autres membres de la délégation phocéenne. Stadiers, membres du CU 84 ou supporters des autres groupes présents : personne n’est interrogé.

Tout au long des cinquante-sept minutes du film, la douleur familiale l’emporte sur toutes les interrogations qui pourtant ne manquent pas. On ne saura rien des tractations diplomatiques entre les deux pays et de l’attitude équivoque de l’ambassade de France en Espagne ; on ignorera tout du rôle de Gilbert Collard alors que l’avocat espagnol paraît “faire le job” avec une belle efficacité ; l’attitude des dirigeants de l’OM, pourtant exemplaires en l’occurrence, sera soigneusement éludée : on aurait aimé entendre Diouf et Anigo sur le sujet ; le comportement très limite (voire xénophobe) de la presse ibérique et la stratégie à géométrie variable de la justice espagnole sont pareillement passés par pertes et profits ; l’indifférence des joueurs phocéens ou la solidarité des ultras du Rayo Vallecano (qui avanceront la caution) seront à peine mentionnées. Même les amis de Santos, ses collègues du Commando ultra comme ceux des autres associations de supporters, n’ont pas voix au chapitre. Leur éclairage aurait pourtant été salutaire pour comprendre la trajectoire brisée d’un fan dont la passion ne peut plus être la même aujourd’hui.

Aujourd’hui, pour Santos Mirasierra, c’est le lien indéfectible avec le foot qui est remis en cause. Il expliquait il y a peu dans L’Equipe-Magazine en avoir ras la casquette de cette notoriété “malsaine” qui lui vaut de signer des autographes à tour de stylo. Pire : les menaces de mort et cette épée de Damoclès au-dessus de sa tête (trois ans et demi à purger) l’ont conduit à péter les plombs en avril dernier et à agresser un supporter adverse, vêtu d’un maillot du PSG, le croyant responsable d’appels téléphoniques à répétition. Magnanime, le juge a fait preuve cette fois de mansuétude (3 mois avec sursis et travail thérapeutique avec un psy). L’incident ne l’a pas complètement grillé mais a quelque peu entamé sa crédibilité. Comme pour le reste, “L’affaire Santos” ne dit rien du nouveau… Santos. De sa paranoïa, de son rapport à l’Espagne désormais (il a la double nationalité), de son futur pourtant essentiel. Depuis, il a appris que la justice espagnole a entériné sa peine et qu’il devra la purger. Lui et tous les siens vont se battre pour que cela se passe de ce côté-ci des Pyrénées. Quelque chose s’est définitivement cassé…

“L’affaire Santos”, un film documentaire de Gilles Perez et Gilles Rof (57′)

Diffusions sur Planète Justice

L’affaire Santos – Jeudi 05 novembre (18:30)

L’affaire Santos – Samedi 07 novembre (17:00)

L’affaire Santos – Mardi 10 novembre (18:30)

L’affaire Santos – Lundi 16 novembre (18:30)