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L’abbé Naismith
Tradition immuable depuis plus d'un siècle, le Boxing Day est historiquement le jour où l'on distribue des cadeaux aux plus pauvres. Si le rite s'est perdu avec le temps au profit d'une fête plus commerciale, certains hommes tentent encore d'offrir de leur temps aux plus démunis tout au long de l'année. Loin des strass, l'attaquant d'Everton Steven Naismith a décidé de tordre lui aussi le coup aux clichés entourant les footballeurs modernes.
Il y a eu les bougies durant l’audience générale hebdomadaire, la digestion du traditionnel verre de maté et un moment de communion devant 13 000 fidèles venus exclusivement pour l’occasion. Le 19 décembre dernier, le pape François fêtait au Vatican son 78e anniversaire. Pour l’événement, un grand tango a même été organisé afin d’offrir au pape une soirée mémorable. En guise de before, François a parcouru durant la soirée la capitale romaine à bord d’un minibus pour distribuer près de 400 sacs de couchage aux SDF romains. Un anniversaire où donner était plus important que recevoir, en somme. Le lendemain, à plus de 1200 miles de Rome, une autre messe se prépare. Au St Mary’s Stadium de Southampton, Everton s’apprête à défier l’équipe locale qui reste sur cinq défaites de rang toutes compétitions confondues. Quatre-vingt-dix minutes plus tard, les Toffees repartiront du Sud de l’Angleterre avec une défaite 3-0 dans les valises et de nombreux doutes après un début de saison en demi-teinte (11e). Sur le chemin menant au couloir des vestiaires, Steven Naismith, l’ailier écossais d’Everton, prend le temps d’un regard vers ses supporters massés dans le parcage visiteur. Des applaudissements nourris, un poing levé pour les remercier, et la tête basse, Naismith quitte la pelouse.
« C’est un petit geste, mais si je peux apporter du bonheur à ma façon. »
L’image pourrait paraître anecdotique. Reste que Steven Naismith apparaît aujourd’hui comme une image, à Liverpool tout d’abord, mais aussi dans tout le royaume depuis quelques mois, à la suite d’un coup médiatique peu commun du footballeur moderne, en août dernier. Everton prépare alors sa saison et Naismith contacte en parallèle de nombreux Jobcenter – équivalent du Pôle emploi français – de Liverpool afin de venir en aide aux nombreux chômeurs de la ville. Dans les colonnes du Guardian, l’Écossais raconte alors avoir « contacté les centres pour savoir s’il pouvait offrir des places aux chômeurs de la ville qui se battaient vraiment pour trouver du travail » .
La galère du marché de l’emploi, l’attaquant l’a vu dans les rues de Glasgow, lorsqu’il jouait aux Rangers, pendant de nombreuses années et dans sa ville natale de Ayrshire, dans l’Ouest de l’Écosse. « Liverpool a une histoire similaire, et j’ai un œil attentif à cette situation. Ce n’est pas toujours de leur faute, mais de nombreux citoyens se battent chaque jour pour trouver du travail et ne peuvent s’offrir une place pour un match de Premier League. C’est un petit geste que j’ai fait, mais s’il peut apporter du bonheur aux gens, alors je suis heureux » , témoigne l’attaquant des Toffees. Soixante ans après l’appel de l’abbé Pierre à l’hiver 1954, la voix du don de soi est donc venue outre-Manche d’un footballeur. À 28 ans, Steven Naismith perpétue cet engagement depuis le début de sa carrière à Kilmarnock en 2006. Passé notamment par les Glasgow Rangers (2007-12), l’attaquant écossais d’Everton s’est attaché à développer son activité associative depuis qu’il s’est installé à Liverpool : aide à la réinsertion des militaires en Écosse, organisation de repas de Noël pour les sans-abris à Liverpool et à Glasgow, et plus récemment un soutien d’ambassadeur à l’association Dyslexia Scotland. Naismith semble sortir de l’espace-temps du footballeur.
« Pour nous, Steven est devenu un modèle »
Ce récent engagement auprès des jeunes écossais dyslexiques fait aujourd’hui la fierté de l’association Dyslexia Scotland. Lena Gillies, la responsable du développement national de l’organisation, voit en Naismith « un modèle, notamment pour les gosses que l’on aide. Vous ne pouvez pas imaginer comme ils l’admirent. Steven leur donne la force de croire qu’ils pourront réussir même avec ce handicap » . Approché par le président de l’association, Sir Jackie Stewart, triple champion du monde de Formule 1, Steven Naismith n’a pas hésité une seconde et avoue « qu’il aurait eu des regrets s’il n’avait jamais pris part à une telle aventure » . Au-delà des dribbles qu’il claque aux clichés depuis des années, Naismith s’est imposé définitivement dans le onze d’Everton depuis l’arrivée de Roberto Martínez. Déjà buteur à quatre reprises cette saison, l’Écossais s’est aussi fait une place de titulaire en équipe nationale et vise plus que jamais l’Euro 2016. L’abbé Naismith a réussi son pari : donner du plaisir, sur et en dehors du terrain, plus que recevoir. Et la sagesse a payé puisque, cette année, « Father Christmas » lui a glissé une prolongation de contrat jusqu’en juin 2019 sous le maillot des Toffees.
Par Maxime Brigand