- International
- Équipe de France
La zone de turbulences traversée par Antoine Griezmann en équipe de France
Ça n'aura échappé à personne : Antoine Griezmann est dans un creux de sa carrière. Et comme si ses difficultés en club ne suffisaient pas, le voilà qui perd de l'influence en équipe de France. Pourtant, le chemin pour retrouver la lumière semble assez clair et est pavé de plusieurs éléments : le repos, la préparation physique et donc la confiance.
Normalement, tout est une histoire de sabot. 9 millimètres, tout au plus, et la garantie de voire la meilleure version d’Antoine Griezmann. Il suffit de feuilleter les albums de famille pour finir de s’en persuader : le blondinet n’a jamais autant porté le jeu des Bleus que lorsqu’il avait une coupe courte. L’Euro 2016 ou le Mondial 2018 en sont les preuves. Grizou doit certainement le savoir, puisque pour ce rassemblement de juin, comme s’il voulait se donner toutes les chances de se relancer après une saison compliquée, il est passé chez le coupe-tif. Fini la toison à la Forlán ou le catogan zlatanesque, on fait place nette. Problème : la carte de fidélité semble avoir expiré, et le shampooing ne fait plus effet.
Blond patine
78 minutes contre le Danemark plutôt quelconques et durant lesquelles on ne retiendra que la qualité de ses ouvertures vers Benzema. Une entrée en jeu à l’heure de jeu en Croatie, où c’est cette fois son manque d’efficacité devant les cages (d’abord sur un décalage où il bute par deux fois sur Livaković ; ensuite en toute fin de match où un contre favorable le laisse face à un but vide) qui peut lui être reproché au bout de ce match nul. En étant le 1 du système en 3-4-1-2, le garçon est censé être installé dans un fauteuil, derrière l’omniprésent duo Mbappé-Benzema. « Je me suis senti bien au cœur du jeu, j’avais deux attaquants devant moi que je pouvais trouver », assurait-il dans les coursives du Stade de France vendredi dernier, au soir de sa 21e titularisation consécutive.
Pourtant, même si Didier Deschamps semble justement s’être cassé la tête pour ne pas avoir à sacrifier son meneur de jeu, quelque chose semble s’être cassé depuis près d’un an et le retour de KB9 et la mise à l’écart de son pote de pointe Olivier Giroud, avec qui il avait bâti une entente parfaite. Cependant, la baisse de rendement ne s’explique pas uniquement par ce jeu de chaises musicales, mais aussi par ses propres difficultés en club. Alors qu’il était un leader incontesté de l’Atlético lors de son premier passage (2014-2019), ses aventures au Barça et son retour délicat à Madrid l’été dernier ont grignoté la confiance du Mâconnais. Ajoutez à ça une blessure à la cuisse droite qui l’a écarté des terrains pendant une soixantaine de jours, lui qui n’avait jamais connu de pépin physique de toute sa carrière avant ça, vous obtiendrez le cocktail parfait pour douter.
Classe prépa
Dans le rang des Bleus, personne ne l’accablera. « Antoine est avec nous depuis 2014, avec tout ce qu’il a apporté sur le terrain, avec les résultats, sa capacité à marquer et faire marquer, soulignait Didier Deschamps en mars. Humainement, c’est une personne attachante. Beaucoup apprécient sa générosité, son humilité. Il a eu un moment plus difficile avec deux blessures, mais il revient. » Lors de ces passages à vide, Griezmann abordait justement ces parenthèses bleues comme on profiterait d’un week-end à la campagne : c’est en sélection qu’il pouvait se ressourcer, retrouver le sourire et un sens à son jeu. Tant pis si l’attaquant est délesté de la charge exclusive de tirer les penaltys, depuis ses trois échecs consécutifs à onze mètres entre septembre 2019 et septembre 2020. Malgré tout, au cours de ce mois de juin, comme si la pression se faisait de plus en plus ressentir sur ses épaules, le sourire est plus contenu. Pour la première fois depuis 2019, le troisième meilleur buteur de l’histoire des Bleus (avec 42 buts, un de plus que Platini) vient de traverser cinq rencontres internationales sans avoir marqué. Ce n’est pas non plus l’émergence de Christopher Nkunku dans la ligne offensive qui est pour le rassurer. Ses partenaires semblent tout aussi décontenancés, à l’instar d’Hugo Lloris, qui y va de sa maxime : « Antoine, c’est une valeur sûre. Ça arrive à tout le monde de connaître des hauts et des bas. »
Comment faire pour que cette valeur sûre retrouve donc les sommets ? L’intéressé est déjà convaincu d’une chose : tout se jouera cet été, après une (courte) période de repos. « En deuxième mi-temps(contre le Danemark), j’étais un peu à la peine physiquement, avouait Grizi. L’an passé, j’ai fais une présaison au Barça complètement différente de ce qu’on me demandait ensuite à l’Atlético. J’ai envie de bien terminer cette saison pour commencer la suivante avec une bonne préparation. » Comme Diego Simeone sait en réserver. Du cardio pour redevenir le cœur de ses équipes, voilà ce dont a besoin Griezmann, lui qui est devenu indispensable par sa science du jeu, mais également par son activité défensive. C’est d’ailleurs là une des clés de la future réussite des Bleus : les tâtonnements tactiques de Deschamps sont légitimes en cette période pré-Coupe du monde, mais ils se prolongeront tant que l’ensemble du bloc ne s’accordera pas à poser un pressing. Griezmann, au fil du temps, est justement devenu ce meneur de jeu et de chasse. Un baromètre, une boussole, un curseur. Et comme lui ne peut pas être brillant sans une coupe propre, il y a fort à parier que les Bleus ne peuvent espérer ramener de coupe sans un Griezmann propre.
Par Mathieu Rollinger, à Vienne