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La Vieille Dame et ses vieux messieurs
Heureux braqueurs lorsque Andrea Pirlo a signé gratuitement en provenance de l’AC Milan en 2011, les dirigeants de la Juventus songeraient à retenter l’expérience avec Andrés Iniesta, 34 ans l’été prochain. Osé, dans un football qui fait de moins en moins la part belle aux tempes grisonnantes.
Les cinéphiles le savent : le remake n’est pas toujours une bonne idée. Alors quand le quotidien turinois Tuttosport, le mercato à peine terminé, titre « Iniesta, vuoi fare il Pirlo ? » , c’est un peu plus que « l’americano » de Renato Carosone qui donne des maux de tête aux amoureux de la Vieille Dame et des vieux messieurs. En fin de contrat en 2018, Andrés Iniesta tarde à se mettre d’accord avec ses dirigeants concernant une éventuelle prolongation de son bail. À bientôt 34 ans, l’homme qui a offert la Coupe du monde 2010 à l’Espagne vit peut-être sa dernière saison dans son club de toujours, et ça, ça excite la Juventus. Du genre à faire de l’excellente confiture dans des vieux pots, le directeur sportif turinois, Beppe Marotta, est de ceux qui n’ont pas peur de faire confiance aux briscards.
Le capitaine était déjà à la barre en 2011 quand, après dix ans de bons et loyaux services, Andrea Pirlo décide de quitter le Milan. « Le club avait décidé que je n’étais plus utile. Allegri préférait d’autres joueurs à ma place » , raconte l’élégant italien dans son autobiographie. Le directeur sportif des Rossoneri, Adriano Galliani, a précisé la pensée de son coach de l’époque, Max Allegri : « Andrea, notre coach pense que tu ne peux plus jouer devant la défense. Il aimerait que tu aies un rôle différent, au milieu, mais à gauche. Et puis à partir de cette année, on a changé de politique. Ceux qui ont plus de 30 ans n’auront plus que des contrats de 12 mois. » Ont suivi quatre longues et belles années, 164 matchs, quatre titres de champion d’Italie et une finale de Ligue des champions. Coup magistral, la signature d’Andrea Pirlo a ouvert la porte à d’autres « bonnes idées » turinoises. Andrés Iniesta en sera-t-il une ? Possible.
La plus belle maison de retraite d’Europe ?
La Juve est un grand club. Un club qui jette rarement l’argent par les fenêtres et mesure les risques. Se protéger d’un éventuel échec, c’est ce que l’on fait lorsque l’on signe un joueur en fin de contrat. En ne payant pas d’indemnité de transferts, le club verse généralement une plus grosse prime à la signature, mais a plus de facilité à prendre des paris sur le marché des transfert. À Turin, ce fut le cas avec Andrea Pirlo, mais également avec Sami Khedira et Dani Alves avec la réussite que l’on connaît. La force de la Juventus dans ces dossiers-là, c’est de proposer à des joueurs compétitifs et reconnus l’exact contraire d’une maison de retraite dans un football où l’obsession de la jeunesse est grandissante. Souverains à l’échelle nationale et brillants en Ligue des champions depuis quelques années, les Turinois ont le profil parfait pour séduire des trentenaires de talent avec un véritable nouveau challenge qui n’a rien d’une régression.
Dans le cas d’Andrés Iniesta qui, à bientôt 34 ans, a déjà tout gagné avec le club de son cœur et sa sélection, la perspective d’aller briller à la Juve a franchement une meilleure gueule qu’un exil américain, qatari ou chinois, surtout quand on sait ce que l’Espagnol peut encore donner par séquences. Non, en cas de venue à Turin, Iniesta n’aura pas le même rôle que Pirlo. Oui, l’Espagnol aura deux ans de plus que l’Italien en 2011 l’été prochain. Mais à ceux qui pensent que le numéro 8 catalan n’a plus la caisse nécessaire pour jouer au plus haut niveau, il faut rappeler que Pirlo a, de longues saisons durant, pu bénéficier du travail défensif d’Arturo Vidal et de la présence à ses côtés de Paul Pogba. Finalement, le problème que poserait l’éventuelle arrivée d’Andrés Iniesta à la Juve est un problème de fond pour les Turinois. S’il y a franchement plus honteux que d’apparaître comme une « maison de retraite pour trentenaires brillants » comme Iniesta, Dani Alves ou Pirlo, les Bianconeri devront continuer à draguer les jeunes pépites de Serie A tout en restant actifs sur le marché des transferts pour perdurer dans le gratin européen.
Parce qu’un coup qui a marché une fois ne marchera pas toujours. Parce qu’il y aura la nécessité pour un « grand club » d’avoir des grands joueurs dans la force de l’âge. Parce que se renouveler, c’est aussi exister. Club a l’identité forte, la Juve devra donc choisir entre Andrés Iniesta ou les autres jeunes loups en fin de contrat dont on parle à Turin, comme Emre Can ou Leon Goretzka. Et pendant que les tifosi se battent pour savoir ce que leur club doit faire, regardons Andrés Iniesta tant qu’il joue. Parce que c’est quand même grandiose.
Par Swann Borsellino