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La Vieille Dame et Sarri, virage à 180 degrés

Par Maxime Renaudet
4 minutes
La Vieille Dame et Sarri, virage à 180 degrés

En engageant Maurizio Sarri pour trois ans, la Juventus a voulu faire plaisir aux supporters bianconeri qui reprochaient à Max Allegri son culte du résultat et son conservatisme tactique. Pourtant, le choix de l’ancien entraîneur du Napoli ne semble pas faire consensus. Trop tard, le pari osé du Sarri-ball est lancé.

En entrant dans l’enceinte du Juventus Stadium, assis à côté du chauffeur de bus, Maurizio Sarri tend son majeur en direction des supporters bianconeri tel un adolescent mal éduqué. Cette scène, qui remonte à l’époque où Sarri et le Napoli tentaient de voler sa couronne à la Vieille Dame, revient en pleine face des fans turinois depuis que l’arrivée du coach napolitain a été confirmée par la Juventus.

Après avoir fait mieux qu’Antonio Conte lors de sa dernière saison à Chelsea – avec une troisième place en Premier League et une Ligue Europa glanée –, Sarri débarque dans le Piémont pour trois ans avec un statut de fétichiste du jeu de possession. Doux rêveur pour certains, entêté et inflexible pour les autres, le professeur Sarri sait que ses débuts seront scrutés. Qu’importe, la possibilité de revenir en Italie par la grande porte était trop belle. Avec lui, la Vieille Dame a décidé d’entamer un vrai virage à 180 degrés. Mais est-elle vraiment prête ?

Cap sur le jeu

À l’été 2014, à la suite du départ d’Antonio Conte pour la Squadra Azzurra, Andrea Agnelli confie les rênes de l’équipe à Max Allegri. Viré six mois plus tôt par l’AC Milan, l’ancien de Sassuolo jouit alors d’une bien faible réputation aux yeux des supporters bianconeri. Vu comme un loser à l’époque, le technicien italien les emmènera pourtant jusqu’en finale de Ligue des champions dès sa première saison et glanera cinq championnats d’Italie. Mais l’échec en finale de C1 en 2017, puis l’élimination cette année contre l’Ajax ont conforté Agnelli dans l’idée que la Juventus avait besoin de changements, d’un souffle nouveau.

Après la signature de Conte à l’Inter, la Vieille Dame a donc décidé de confier les clés du bus à Sarri, alors que les supporters attendaient secrètement Guardiola ou Pochettino. Moins clinquant que l’Espagnol et l’Argentin, l’ancien Napolitain est pourtant une belle prise de risques. Et le boxon de la presse britannique, critiquant cette saison son passage sur le banc de Chelsea, ne doit pas faire oublier les superlatifs dont il a fait l’objet quand il était à Naples. Homme du Sud rustre et têtu, Sarri rompt avec la tradition des Mister en costard. Mais l’entraîneur de soixante ans n’a pas été nommé pour ça : il a été choisi pour réanimer l’enthousiasme des supporters à l’égard du jeu déployé par les Bianconeri. Et comme l’a dit Buffon au Corriere dello Sport, « Sarri n’est pas une révolution, ni un pari. C’est un nouveau voyage, une autre histoire » .

Gitanes et café noir

Aussi atypique et cinglé tactiquement que Zdeněk Zeman ou Marcelo Bielsa, le fumeur de gitanes ne colle pas tout à fait à l’image ultra-moderne déployée par l’institution turinoise à l’international. S’il apparaît avant-gardiste dans sa manière d’être et dans son management, Sarri fait surtout partie de la nouvelle vague des entraîneurs transalpins audacieux. Il est ainsi un des rares à s’être acclimatés à l’ère du 4-3-3. Bien plus intrépide qu’Allegri, il débarque à Turin avec des certitudes concernant la manière de jouer de son équipe. Et à l’heure où elle piétinait, la Juventus en avait sûrement besoin.

Évidemment, ce tournant n’est pas gagné d’avance. Il sera notamment intéressant de voir si l’entraîneur de soixante ans va parvenir à répondre rapidement aux exigences de résultats. Le recrutement sera aussi à scruter de près. Ramsey a déjà signé, Cancelo serait en partance pour City et Pjanić resterait pour occuper le poste de regista tant chéri par le nouvel entraîneur de la Juventus. Reste la question épineuse de Dybala, que Sarri pourrait relancer de la plus belle des manières. Sans oublier Cristiano Ronaldo qui pourrait retrouver Gonzalo Higuaín, homme providentiel du Napoli de Sarri avant que l’attaquant argentin ne rejoigne en traître la Vieille Dame. Si les supporters de la Juventus devraient vite être convaincus par Sarri, ceux du Napoli sont d’ailleurs verts de rage contre leur ancien gourou. Au bout du virage, le rendez-vous au San Paolo s’annonce déjà brûlant.

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