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La vie rêvée de Walter Ayoví
Capitaine de la sélection équatorienne à trente-sept piges, numéro 10 sur le dos, Walter Ayoví est l’un des arrières gauches les plus réguliers du continent. Retour sur la carrière de l’idole d’un pays, qui trafiquait ses papiers pour disputer des tournois de jeunes.
Mars 1999, en Uruguay, se dispute le Sudamericano des moins de dix-sept ans. Une compétition marquée par la victoire 5-0 du Brésil en finale, face au Paraguay. Mais pas seulement. La sélection équatorienne, qui n’a pas même pas passé les poules, restera dans les annales. La raison ? Huit joueurs de l’équipe avaient trafiqué leurs papiers pour disputer ce Sudamericano. Parmi eux, des cas incroyables comme celui de Paúl Díaz Medina, qui utilisait l’identité d’un enfant mort noyé cinq ans auparavant. Walter Ayoví, aujourd’hui capitaine de l’Équateur et modèle de longévité, a fait bien plus simple. À dix-neuf piges, armé de faux documents d’identité, il intègre la sélection des moins de dix-sept ans pour le tournoi en Uruguay. Officieusement, il a dix-sept ans, et se nomme Walter Corozo Alman. Son manège est simple : fils de la cousine d’un préparateur physique de la sélection U17, il reniait son père et utilisait le nom de famille du membre du staff. Alors qu’une enquête prouve que le registre civil et la Fédération équatorienne sont mis en cause dans cette affaire de corruption, les sanctions tombent. Walter Ayoví écope d’une suspension de six mois. Une escroquerie qui aurait pu mettre en danger sa carrière. Mais aujourd’hui, à trente-sept ans, le natif d’Esmeraldas est le capitaine emblématique de la Tricolor. Et porte merveilleusement bien le numéro 10 malgré son poste d’arrière gauche.
Ayoví, le Mexicain
Paradoxalement, cette affaire va lancer la carrière de Walter Ayoví. Une fois la sanction arrivée à son terme, Emelec, géant du football local, recrute le jeune joueur. Formé au milieu de terrain, il impressionne, et sera même du voyage en Corée du Sud et au Japon, en 2002, pour la Coupe du monde. Il a alors vingt-trois ans, deux titres de champion national avec Emelec, et rejoint le Barcelona SC, club qu’il supporte. L’aventure se termine pourtant par un départ pour l’appétissant club d’Al Wasl, aux Émirats arabes unis. Si le début de carrière est plutôt sinueux (il revient vite au Barcelona SC, avant de signer au Club Deportivo Nacional), Ayoví va trouver une certaine stabilité au Mexique, à partir de 2009. Devenu latéral gauche, l’international équatorien pose enfin ses valises aux Rayados de Monterrey. Histoire d’y amasser quelques titres – deux tournois d’ouverture et trois Ligue des champions de la CONCACAF consécutives – et de s’y trouver une seconde patrie. Naturalisé mexicain (pour ne pas occuper une place d’étranger en Liga MX), Ayoví est aujourd’hui le patron de la sélection équatorienne. À trente-sept ans, le latéral gauche à la frappe surpuissante a vu les sélectionneurs se succéder, est devenu l’Équatorien le plus capé en Copa América, ainsi que le capitaine et leader incontesté d’une sélection instable qui s’en est longtemps cherché.
@Rayados 6 vs @Chiapas_FC 0 Jornada 13, @LIGABancomerMX El sexto del partido.GOLAZO de Walter Ayoví pic.twitter.com/NaEZCWP4dV
— Territorio Rayado (@_LaAdiccionMTY) 13 avril 2016
Alors qu’il semblait avoir atteint le climax de sa carrière, Ayoví amorce un retour au Barcelona SC lors de l’été 2015. Malgré un accord, il opte pour deux dernières piges mexicaines, d’abord au Dorados de Sinaloa, puis au Rayados de Monterrey. Un choix « pour la stabilité de mes enfants, qui ont grandi au Mexique » , comme il expliquera à la presse équatorienne. Une longue infidélité à sa nation qui lui sera évidemment pardonnée tant son statut d’idole nationale est indiscutable.
Direction la Russie ?
Après un très bon début de campagne de qualification au Mondial 2018, l’Équateur squatte la quatrième place du groupe. Une Coupe du monde que souhaite disputer Walter Ayoví, qui aura alors trente-neuf printemps. L’intéressé livre le secret de sa longévité, dans un entretien accordé à Andes : « Une des bases pour maintenir de bonnes performance, c’est l’alimentation. Ma femme m’aide énormément et s’inquiète pour moi. J’accorde aussi énormément d’importance au travail physique. » Son sélectionneur, Gustavo Quinteros, souligne l’importance d’Ayoví, au bout du fil et en pleine séance vidéo : « Si on se qualifie pour la Coupe du monde, je pense que Walter Ayoví y participera. Il prendrait sa retraite lors d’un Mondial, c’est beau. Je ne sais pas s’il pourrait jouer tous les matchs, mais il viendra si on se qualifie. Il joue dans un championnat qui est très compétitif, où il vient de jouer une finale. Il apporte autant au poste de latéral qu’au milieu. C’est un joueur qui m’offre plusieurs variantes, et personne n’est meilleur que lui à son poste. »
Il poursuit : « Pour moi, c’est un joueur qui a encore deux ou trois ans devant lui. C’est un immense professionnel, qui fait attention à lui. C’est pour cela qu’il joue encore à ce niveau à cet âge. C’est un capitaine charismatique, qui a toujours les mots justes. » L’Équateur, qui a subi le festival de Gabriel Jesus à domicile (0-3 pour le Brésil), affronte le Pérou, dans la nuit de mardi à mercredi, pour rester parmi les quatre pays qui iront directement en Russie. Comme d’habitude, Gustavo Quinteros alignera le nom de son capitaine de trente-sept ans sur la feuille de match : « C’est le numéro 10, on ne peut pas s’en passer. »
Par Ruben Curiel
Propos de Gustavo Quinteros recueillis par RC.