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La vie en rose de Bafodé Diakité

Par Andrea Chazy
La vie en rose de Bafodé Diakité

De retour début janvier avec un doublé inscrit lors de la claque reçue face à Brest (2-5), Bafodé Diakité a une mission : aider le Téfécé à se sortir du pétrin dans lequel il s'est mis. Quoi de plus normal pour un défenseur polyvalent d’à peine 19 ans, qui n’a jamais quitté Toulouse et qui est aussi considéré comme l’un des espoirs français les plus prometteurs à son poste.

Le samedi 11 janvier, Bafodé Diakité a passé une drôle de soirée. Disons qu’il n’est pas fréquent, lorsqu’on est un défenseur central qui a fêté ses 19 ans cinq jours plus tôt, d’inscrire un doublé de la tête en Ligue 1 tout en perdant avec son club. « Quand il perd, c’est dur de le joindre, explique son copain d’enfance Sofiane Eclancher. Après la défaite contre Brest, c’était impossible d’avoir une réponse. J’ai reçu un premier message de sa part à 5 heures du matin. Il n’avait pas réussi à dormir de la nuit. » Quoi de plus normal quand on dispute sa deuxième saison en Ligue 1 et qu’on revient sur l’herbe cabossée du Stadium trois mois après avoir subi une blessure au mollet. Quoi de plus normal, surtout, quand on est un « Pitchoun », un enfant du Téfécé et de la ville de Toulouse.

Entre les murs

Cette Ville rose, Bafodé Diakité l’arpente depuis son plus jeune âge. Il a grandi dans le sud-ouest de la métropole occitane, à la Reynerie, d’abord à la cité du Parc, avant de déménager à « Tabar », un autre quartier de la ville. Quand il n’est pas à l’école primaire Buffon, il tape dans le ballon. Au centre, après les cours, mais aussi au city.

On jouait Toulouse quatre ou cinq fois par an, avec le TAC. Lorsque je l’avais avec moi, ça m’arrivait de passer à côté des vestiaires des jeunes du Téfécé. Je les entendais, ils murmuraient entre eux : « Oh, y a Bafodé aujourd’hui ! » C’était systématique. De U10 à U13, c’était la superstar de Toulouse et de ses environs. Il terrorisait tout le monde.

Un terrain de jeu en béton – « qui te file un bleu dès que tu tombes » dixit Sofiane – où Bafodé n’hésite pas à mettre au sol des ados qui ont trois ou quatre ans de plus que lui. « Bafodé, c’était un peu le chouchou des grands, confirme Luka Ouedraogo, qui était souvent de la partie. Au city, le premier qu’on voulait dans l’équipe, c’était lui. Même contre ceux qui avaient 14 ans, il gagnait tous ses duels. » Le plus souvent, c’est quand même sur les terrains du TAC (le Toulouse Athlétic Club, un club de quartier fondé en 1931, N.D.L.R.) que sévit le jeune Toulousain. Antony Gimeno, qui deviendra son entraîneur par la suite, se souvient de sa rencontre avec le jeune Diakité : « Bafodé devait avoir 8 ans et il n’était pas au-dessus de la mêlée. C’était un joueur comme un autre. On n’avait pas l’impression que ça allait devenir le garçon qu’il est maintenant. Mais deux ans plus tard, l’année de mes 17 ans, je le récupère en U10 au TAC. Et dès le premier entraînement, on n’a vu que lui. »

Fayçal Gacem, le directeur de l’école de football du Toulouse Athletic Club, aime rappeler que « le meilleur gamin de la région » était pisté par le TFC dès les U10. Mais surtout qu’à dix ans, Bafodé Diakité n’était mentalement plus du tout un petit garçon. « Bafodé venait très souvent à l’entraînement avec quatre-cinq autres joueurs qui habitaient aussi à la Reynerie. C’était des petits du quartier ou ses petits cousins, qui avaient un ou deux ans de moins que lui. À la fin de la séance, les petits attendaient qu’il finisse sa douche pour rentrer chez eux. Pour le chambrer, je lui disais : « Oh Bafodé, il y a tes enfants qui t’attendent ! Dépêche-toi de te doucher et ramène tes gosses chez toi. » Ça le faisait rire quand il m’entendait dire ça, mais c’était le papa. Il avait trois-quatre ans d’avance sur le plan mental par rapport aux autres de son âge. » Un papa, Bafodé l’est aussi sur le pré chaque week-end. Physiquement plus fort, il épate son monde par son intelligence tactique et sa capacité à se montrer infranchissable. Une aisance qui pousse son coach à lui faire repousser ses limites en plein match. Parfois, à l’extrême : « On a fait un tournoi en U11, à Tournefeuille, et on se retrouve à jouer la finale contre eux. Rapidement, du milieu de terrain, il claque un coup franc du droit, côté gauche, en lucarne. Trois minutes plus tard, il y a un nouveau coup franc à la même distance, cette fois côté droit. Je lui demande de taper pied gauche, et sur le coup, il se retourne vers moi, étonné. Finalement, il s’exécute et trouve la lucarne. C’est le seul gamin que j’ai vu qui était capable de faire ça. On a gagné 5-0. » À en croire les propos du dirigeant du TAC, la cote de Bafodé est telle qu’elle inspire parfois la crainte. Même avant le premier coup de sifflet. « On jouait Toulouse quatre ou cinq fois par an, avec le TAC, reprend Gimeno. Lorsque je l’avais avec moi, ça m’arrivait de passer à côté des vestiaires des jeunes du Téfécé. Je les entendais, ils murmuraient entre eux : « Oh, y a Bafodé aujourd’hui ! » C’était systématique. De U10 à U13, c’était la superstar de Toulouse et de ses environs. Il terrorisait tout le monde. » Rien que ça.

Le Téfécé, un véritable club de cœur

À 11 ans, Bafodé se permet même d’offrir un faux espoir à ses adversaires les plus craintifs. Plutôt bon élève, il intègre l’internat d’excellence du collège de Boulogne-sur-Gesse, à une grosse heure de route de chez lui, dans le cadre d’un programme d’égalité des chances.

Bafodé, c’était le genre de copain qui, avec 5 euros, achetait un kebab et laissait tout le monde taper dedans.

Mais, malgré l’éloignement et le seul entraînement collectif du vendredi auquel Bafodé peut participer, le petit bonhomme poursuit sa progression et continue de faire l’unanimité. « Bafodé, c’était le genre de copain qui, avec 5 euros, achetait un kebab et laissait tout le monde taper dedans, note Antony Gemino. Un jour, lors d’un tournoi en salle à Marseille, on avait loué deux appart-hôtels pour la nuit. Il fallait au moins un adulte par chambre, mais on devait, nous les éducateurs, aller manger. En partant, on a laissé un adulte dans une chambre avec des gamins et Bafodé dans une autre. Avant de partir, j’avais expliqué à Bafo : « C’est toi le patron de la chambre, y a pas de problème quand je reviens ». Lorsqu’on est revenu, tout le monde dormait dans sa chambre. Le lendemain, pas un papier par terre. Rien. Dans la chambre d’à côté avec l’adulte, c’était le bordel. »

Après une nouvelle masterclass sur un demi-terrain du Stadium, sous la pluie, le Téfécé ne peut plus attendre et décide d’avancer ses pions pour récupérer le joyau. Avec un beau deal : une intégration au centre de formation un an en avance, alors que Bafodé n’est encore qu’en U13. Durant sa formation, il n’a quasiment aucun obstacle à affronter. Sauf un, et pas des moindres. En 2017, un examen médical lui détecte une anomalie cardiaque. Pendant près d’un an, il est privé de match et ne doit faire que le strict minimum à l’entraînement. « On est restés dans l’ignorance pendant un an, explique Assita Diakité, la grande sœur de Bafodé, dans un mini-documentaire consacré au Pitchoun. Ils cherchaient à savoir si c’était une anomalie héréditaire, ou si c’était seulement dû au fait qu’il pratique le sport à haut niveau, où dans ce cas, c’est visiblement fréquent. » Le club ne lâche pas l’affaire, pousse les examens et autorise finalement le numéro 2 des U17 à reprendre le chemin de la compétition. Avec encore plus de force, plus d’envie, et un horizon qui s’apprête à se dégager encore plus vite qu’il ne le croit.

Au club house du TAC avec Moussa Sissoko, Bafodé porte le kway bleu marine.

« Je pense sincèrement et objectivement qu’il a un bagage suffisant pour faire une très grande carrière »

Lorsqu’Alain Casanova débarque à la tête de l’équipe première du Téfécé, le 20 juin 2018, le coach de 58 ans procède alors à sa traditionnelle revue d’effectif. « Je fais toujours cela avant de prendre quelqu’un à l’extérieur, qui peut potentiellement barrer la progression d’un de nos jeunes, détaille-t-il aujourd’hui.

Maintenant, il va devoir élever son niveau d’agressivité défensive pour passer un autre cap. Parfois, il est encore dans le geste très propre et, en Ligue 1, il faut montrer beaucoup d’engagement et d’agressivité. Avec Todibo, ils auraient pu former l’une des meilleures charnières de France.

J’avais entendu parler de Bafodé, car le pôle médical s’était posé des questions. Mais il avait du potentiel, et je voulais m’en rendre compte, comme pour tous les autres joueurs. » Peu à peu, Bafodé apparaît à plusieurs reprises dans le groupe toulousain et signe même son contrat professionnel au mois d’octobre. Avant de goûter, sous la forme d’une titularisation, à sa grande première chez les pros, le 5 décembre 2018, à Reims. Casanova : « Ce n’est pas évident de lancer un défenseur central de 17 ans dans le grand bain. Comme j’avais des blessés, c’était le moment de le lancer en tant que piston droit. Il pouvait répondre présent, alors je n’ai pas hésité. Il fallait absolument lui enlever cette pression que les jeunes se mettent lors de leur première fois, où ils pensent que c’est un match couperet alors qu’il ne doit pas l’être. »

Treize jours plus tard, à Caen, Bafodé Diakité est une nouvelle fois aligné au poste de latéral droit. Tout se passe comme prévu, jusqu’à ce penalty qu’il concède dans le temps additionnel, qui offre à Fayçal Fajr et aux Caennais les trois points. Une erreur difficile à digérer pour lui, mais pas pour Casanova, qui a encore l’action parfaitement en tête : « Bafodé est toujours quelqu’un qui cherche à jouer et ça me plaît, car je demande toujours à mes défenseurs de ne pas se débarrasser du ballon sans réfléchir. Ce ballon en profondeur, il pouvait le sortir en touche ou en corner, mais il a voulu le garder, le protéger. Malheureusement, il se fait prendre et concède un penalty derrière. C’est un fait de jeu qui l’avait énormément marqué, mais j’avais voulu lui montrer qu’il avait bien fait. Il avait pris une décision, qui n’avait certes pas payé, mais il devait être capable de pouvoir refaire ce choix à l’avenir si le jeu le demandait. » Aujourd’hui, Bafodé Diakité est titulaire indiscutable en charnière centrale à Toulouse et bien présent en équipe de France U19. Un statut qui n’étonne pas Alain Casanova, qui lui prédit même un avenir doré : « Il va devoir maintenant élever son niveau d’agressivité défensive pour passer un autre cap. Parfois, il est encore dans le geste très propre et, en Ligue 1, il faut montrer beaucoup d’engagement et d’agressivité. C’est sûrement son axe de travail le plus important, car dans le reste, il est déjà très bon et polyvalent. Je pense objectivement qu’il a un bagage suffisant pour faire une très grande carrière. Si le Téfécé avait su garder Todibo, ils auraient pu former l’une des meilleures charnières de France. » Preuve qu’aujourd’hui, excepté le classement de son club de cœur, tous les voyants sont au rose pour Bafodé Diakité.

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Par Andrea Chazy

Tous propos recueillis par AC, sauf mentions.

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