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La vie de chien de Bernie Slaven

Par Gabriel Cnudde
5 minutes
La vie de chien de Bernie Slaven

Légende de Middlesbrough, où il a évolué entre 1985 et 1993, et international irlandais ayant participé à la Coupe du monde de 1990, Bernie Slaven a toujours tenu à concilier sa carrière de joueur professionnel avec son amour indescriptible pour tous les individus de la gent canine.

« Tout chien devrait avoir à ses côtés une personne bien élevée qui, la nuit venue, lui remette sa couverture, ou lui serve son dîner quand il revient à la maison fatigué comme un homme » , souhaitait Corey Ford, humoriste américain du XXe siècle, sans se douter que quelques années après avoir publié Every Dog Should Have A Man naîtrait Bernie Slaven. Si les points communs entre un humoriste et un footballeur sont rares, ces deux-là partagent au moins une chose : un attachement à la race canine dépassant l’entendement. Durant sa carrière longue de douze ans, le natif de Paisley, dans les lowlands écossais, s’est frayé un chemin dans le cœur des supporters de Middlesbrough et a même réussi à gagner sa place en équipe nationale d’Irlande, grâce à son grand-père, qui venait, lui, de l’autre côté de la mer d’Irlande. Partout où il est passé, Bernie Slaven a laissé derrière lui deux souvenirs précis. Celui d’un attaquant hors pair, doté d’une qualité de finition remarquable et d’un sens du but incroyable, et celui d’un homme simple, un peu étrange par moment, qui ne pensait qu’à promener ses chiens.

La légende de Boro

Après un début de carrière timide dans son Écosse natale, avec l’Airdrieonians F.C., les Queens of the South et les Albion Rovers, Bernie Slaven tape dans l’œil de Willie Maddren et se retrouve à Boro pour une poignée de livres sterling en octobre 1985. « Je dois tout à Willie. Il m’a donné une chance quand personne d’autre ne voulait le faire. Sans lui, je n’aurais pas eu cette carrière à Boro » , expliquait le principal intéressé dans une interview donnée à Come on Boro en 2005. Avec ses nouveaux partenaires, Bernie survit à la liquidation financière du club et participe à l’incroyable remontée de Boro dès la saison 1986-1987. De Division Three à Division Two, puis de Division Two jusqu’en First Division, Boro rafle tout sur son passage, et Bernie Slaven enfile les buts comme on enfile les perles. Malgré quelques saisons passées à faire le yo-yo entre les divisions inférieures, les joueurs de Middlesbrough figurent parmi la liste des participants à la Premier League pour la saison 1992-1993, la dernière de Bernie.

Avec son numéro 7 sur les épaules, Bernie Slaven a disputé 381 matchs avec Boro, marquant à 146 reprises. Si, sur les bords de la mer du Nord, on se souvient de lui sous le surnom de Wolfman (en français, le loup-garou), ce n’est sans doute pas uniquement dû à ses buts. Un jour, alors qu’il jouait sous les ordre de Colin Todd, Bernie n’a pas supporté d’être remplacé. « Aujourd’hui encore, je regrette un match. Celui lors duquel Colin m’a remplacé à la mi-temps, quand j’ai jeté mes affaires par terre et que j’ai quitté le terrain pour aller promener mes chiens tranquillement. Je voyais les lumières du stade et j’entendais la foule crier de là où je promenais mes chiens » , expliquait-il en 2005. Et puis il y avait ses célébrations folles à l’Ayresome Park, lorsqu’après chaque but, il se ruait en direction de la barrière, puis sautait dessus pour se retrouver happé par les supporters déchaînés. Comme il l’a lui-même expliqué quelques années après la fin de sa carrière, il a tenu à récupérer un morceau de cette barrière lors de la démolition du stade, en 1996. Aujourd’hui, elle trône dans son jardin. Peut-être pour que ses chiens puissent sauter par-dessus, qui sait ?

La Coupe du monde 1990

Le plus gros coup d’éclat canin de Bernie Slaven, il l’a sans aucun doute réalisé en 1990, lors de la Coupe du monde en Italie. Titulaire pour le match de préparation face au pays de Galles, quelques jours avant le début de la compétition, Wolfman n’a pourtant disputé aucune rencontre avec l’équipe de Jack Charlton, se contentant de regarder la belle épopée des siens depuis le banc de touche. « Je suis devenu celui dont on se moquait pendant ce voyage » , raconte Bernie dans son autobiographie. « Quand les autres téléphonaient à leur femme, moi je décrochais le téléphone et je demandais à parler à mon chien. » De quoi étonner ses coéquipiers, Tony Cascarino en premier : « J’étais sur mon lit à côté du sien et Bernie aboyait comme Lassie tout près de moi. Woof woof, aru, woof ! Il embrassait ses chiens au téléphone ! « Hello Lovey Dovey » qu’il disait. La première fois qu’il a fait ça, j’ai failli me pisser dessus ! » Quelques années plus tard, Bernie en personne le reconnaîtra dans son autobiographie : lors du huitième de finale contre la Roumanie, il espérait que l’Irlande perde pour pouvoir rentrer à Middlesbrough promener ses chiens. « C’était un long voyage, bien sûr. Mais on représentait notre pays, nos familles, et si vous ne pouvez pas vous passer de vos chiens pendant quelques semaines… Je ne sais pas, je ne comprends pas » , témoignait son coéquipier, David Kelly, dans les colonnes de The42.

Aujourd’hui retraité, mais toujours actif dans le monde du football anglais et après avoir présenté sa candidature à la mairie de Middlesbrough en 2002, Bernie peut pleinement se consacrer à ses chiens. D’ailleurs, ses profils sur les différents réseaux sociaux sont bien souvent mis à jour avec des photos ou des vidéos de ses amis à quatre pattes. Mieux, Bernie Slaven se plaît aujourd’hui à récompenser ses semblables. Ainsi, la saison passée, quand il a lu l’histoire émouvante de Paul Dorsey, qui avait sauvé un chien de la noyade en sautant dans un lac gelé, Bernie n’avait pas hésité une seule seconde. « Bravo Paul Dorsey. Tu as sauvé ce chien. En récompense, je voudrais t’inviter à un match de Boro » , avait-il immédiatement publié sur Twitter. Maintes fois interrogé sur son amour pour les chiens, Bernie Slaven avait finalement répondu dans son autobiographie : « C’est très simple. Ce que me dit mon chien a plus de sens que ce que me disent les autres. » Une sacrée vie de chien.

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