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La vague Cowley

Par Maxime Brigand
5 minutes
La vague Cowley

Après Ipswich, Brighton et Burnley, Lincoln (D5) a rendez-vous samedi à Londres pour défier Arsenal en quart de finale de la FA Cup. Un club amateur à ce stade de la plus vieille compétition du foot, l'Angleterre attendait ça depuis plus d'un siècle. Derrière le tableau, l'histoire d'une famille et d'un homme principalement : Danny Cowley.

Ce soir-là, Danny Cowley fera comme d’habitude. Il ne se rasera pas, discutera encore quelques minutes avec son frère, Nicky, et enverra un message à ses joueurs. Quatre mots, rien de plus. « Dormez bien, soyez prêts. » Ce texto, Steve King s’en souvient parfaitement. « Chaque vendredi soir, tu recevais ce message et ça te motivait immédiatement pour le lendemain, explique-t-il. Danny avait cette faculté à unir les joueurs entre eux, sans mettre de barrière avec lui, mais surtout une capacité à te prendre par les tripes. Je peux te l’assurer, quand il te regardait dans les yeux, deux minutes après, tu étais sur le terrain et tu avais envie de te dépouiller pour lui. » Steve King était le capitaine de Cowley à Concord, un lieu où le second a débarqué en 2007, alors que les Beach Boys fêtaient leur quarantenaire. S’il fallait placer un repère dans la vie de Danny Cowley, ce serait sans aucun doute celui-ci, car en 2007, à la suite de nombreuses blessures, l’homme est obligé d’arrêter sa carrière de joueur amateur. Son objectif est simple : il veut vivre du foot, rien d’autre. Son frère, Nicky, joue alors à Concord et discute des envies de Danny à son président, Antony Smith : « Il m’a immédiatement impressionné et j’ai rapidement eu envie de lui donner sa chance. C’est simple, après chaque match, on discutait pendant des heures de chaque détail. Pour lui, ce n’était pas du football amateur et il aimait dire que chaque pourcent était un pourcent de plus. » Ce premier chapitre du Danny Cowley costumé va durer huit ans, trois promotions et quelques trophées. Le mariage a pris. Comme partout ailleurs, comme à Braintree, comme à Lincoln. Aujourd’hui, le technicien a trente-huit ans et est déjà l’un des plus grands espoirs britanniques de sa profession. En 2007, pour son premier match dirigé, il y avait 62 personnes. Dix ans plus tard, le voilà prêt à se retrouver devant 60 000 têtes intriguées pour disputer un quart de finale historique de FA Cup contre Arsenal.

Le mec normal

Au fond, Danny Cowley, c’est l’histoire d’un mec normal, passionné de foot, dingue du Non-League Paper – sa mère collectionne tous les numéros – et qui rêvait de passer un jour à Match of the Day. Ce rêve, il l’a réalisé le 18 février dernier après avoir retourné Burnley (1-0) dans la forteresse de Turf Moor en huitièmes de finale de la FA Cup. Pour l’occasion, Cowley s’était rasé au moment de venir parler de son exploit, aux côtés de son frère, devenu au fil du temps son assistant. « Je ne l’avais pas fait pour mon mariage, mais pour Match of the Day, je n’avais pas le choix » , s’est-il marré en plateau. Aujourd’hui, la paire, qui alternait encore l’an passé avec un boulot de prof de sport en primaire, intrigue, fascine et n’est plus anonyme. Car voilà Lincoln City, un club qu’ils ont récupéré en mai 2016 dans une « situation de deuil » , au sommet. « Notre premier objectif a alors été de donner une nouvelle vision à ce club. On s’est battus pendant trente-huit ans pour vivre pleinement du foot, donc on est arrivés avec notre enthousiasme et notre fraîcheur. Ce qu’on aime, c’est bosser et ici, on a rencontré des joueurs qui avaient envie de bosser. Moi, je suis supporter de West Ham depuis toujours, donc on voulait aussi faire renaître une connexion forte entre les joueurs, les coachs et les supporters. C’est notre premier succès » , racontait-il au Guardian il y a quelques semaines.

La chance sur 1000

Son autre succès, c’est la première place des Imps en Conference National (D5), alors que le club n’avait pas dépassé la treizième place depuis 2011. L’objectif était alors de remonter rapidement en Football League tout en appuyant avec le groupe sur le passé d’une institution qui a notamment vu Graham Taylor écrire quelques succès dans les années 70. Le premier jour, les frères Cowley balancent sur un écran les images de la relégation de Lincoln City cinq ans plus tôt après une défaite à domicile contre Aldershot Town (0-3). Tout ça, il faut l’oublier et maintenant écrire une nouvelle histoire avec un gros caractère, une volonté de travail affirmée et l’idée que tout est toujours possible. C’est dans cet état d’esprit que va débarquer Danny Cowley samedi à l’Emirates Stadium pour se friter avec des Gunners qui ont la gueule en vrac. Les Imps peuvent-ils encore défoncer tout ce que la FA Cup avait jusqu’ici connu ? Cowley en est convaincu : « Oui. On a une chance sur 1000, mais on peut le faire. Contre Burnley, on avait une chance sur 100. Je crois que si on refait le match cent fois à Turf Moor, on fera quatre nuls et on les battra une fois. Mais c’était notre jour. Cette fois, contre Arsenal, je veux voir Sánchez d’entrée, voir tous les meilleurs joueurs, car c’est une opportunité formidable pour nous de savoir ce qu’il nous manque pour atteindre ce niveau.(…)S’il faut être sûr d’une chose, c’est qu’on ne fera pas que défendre. » La vie de Danny Cowley a déjà changé de dimension, lui qui devrait recevoir de nombreuses propositions pour aller voir à l’étage supérieur. Dans son entourage, on affirme qu’il souhaiterait rester encore un peu à Lincoln où il se plaît à « inculquer une mentalité Premier League dans un club qui ne veut pas se laisser attraper par le business » . L’Angleterre n’avait pas vu une équipe amateur atteindre les quarts de finale de la FA Cup depuis 103 ans. Et alors ? Pour l’instant, il suffit de bien dormir et d’être prêt.

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Par Maxime Brigand

Propos de Steve King recueillis par MB, ceux de Danny Cowley issus du Guardian et ceux d'Antony Smith tirés du Bleacher Report.

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