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La toile de Tuchel

Par Maxime Brigand, à Manchester
La toile de Tuchel

Entré à Old Trafford avec précipitation, le PSG aura mis une demi-heure pour prendre le contrôle du temps de la rencontre. La suite aura été une leçon de maîtrise tactique, de gestion défensive et de mise au pas du milieu mancunien. Voilà Tuchel en grand gagnant du soir et Paris avec une première manche référence dans les poches.

Avant de repartir de Lyon, il y a neuf jours, Thomas Tuchel s’était fait une promesse en pensant à ce huitième de finale aller. Tout sauf ça, se répétait-il, tout sauf ce « match de tennis » joué lors de la première mi-temps au Groupama Stadium, où le PSG a glissé pour la première fois de la saison en Ligue 1 (2-1). « Cette première période a été très compliquée, car on a perdu beaucoup de ballons faciles et on a pris beaucoup de mauvaises décisions, spécialement dans les moments où on partait en contre-attaque et où l’on pouvait avoir de grandes occasions, avait alors expliqué le technicien allemand après la partie. C’est le moment le plus difficile : quand tu perds le ballon lors des phases de contre-attaque. Pour avoir des occasions, il faut avoir le ballon. Là, on en a perdu trop vite et on a été contrés. On aime contrôler le ballon. C’est une question de possession. J’ai vu quelque chose que je voulais améliorer. »

En l’absence de Neymar, garant de l’animation offensive parisienne et sans qui le PSG peine à construire ses circuits dans le camp adverse depuis fin janvier, Tuchel avait une large partie de sa stratégie à repenser avant un choc pour lequel le bonhomme avait annoncé la couleur lundi soir : « Je réfléchis encore, mais nous avons notre identité de jeu et ce n’est pas facile d’en changer. Je ne pense d’ailleurs pas que ce soit le bon moment pour ça. On a l’habitude de jouer offensivement, c’est dans notre ADN.(…)Je souhaite que l’on joue en équipe, que l’on soit prêt à souffrir, à se battre. On vient ici pour marquer. » Résultat ? Mardi soir, à Old Trafford, Tuchel a vu tout ça à la fois et le PSG est devenu la première équipe française de l’histoire à faire disjoncter Manchester United dans son stade. La première équipe à faire plier MU par deux buts d’écart en compétition européenne tout court.

Le contrôle du temps

Par son observation lyonnaise, Thomas Tuchel indiquait surtout vouloir contrôler le tempo de la rencontre : ce que le PSG a réussi à faire avec autorité mardi soir à partir de la demi-heure de jeu. De la vingt-huitième minute plus exactement, soit le moment où l’Allemand a piqué une énième colère dans sa zone technique contre Marco Verratti, auteur d’une transmission imprécise pour Ángel Di María. Dans la foulée, Nemanja Matić foire la sortie de balle mancunienne, Dani Alves temporise, décale Kehrer et c’est parti, sur deux-trois touches, mais avec patience : Kehrer-Draxler, Draxler-Marquinhos, Marquinhos-Verratti, Verratti-Draxler (passe qui élimine tout le milieu à trois de MU), Draxler-Mbappé. Sur l’instant, le PSG comprend que la solution est là : dans le « contrôle » du temps. « Au départ, on a perdu beaucoup de ballons faciles parce qu’on cherchait la solution trop vite dans le camp adverse, a débriefé Tuchel après la rencontre. On a voulu forcer la solution et ça nous a mis dans des situations de contre-attaque dangereuses. C’est difficile de jouer comme ça. » Et contre-nature quand on est ce PSG.

Surtout quand on se pointe face à un Manchester United aussi explosif dans les phases offensives. Point majeur : mardi soir, MU n’a jamais vraiment explosé, car Paul Pogba n’a jamais vraiment eu la possibilité de bander son arc pour la triplette Martial-Rashford-Lingard. Cela s’explique notamment par le rôle de Marquinhos, posé aux côtés d’un excellent Verratti et qui a prouvé qu’il était finalement possible de « stopper » l’international français. Le même Marquinhos qui a rendu une copie brillante dans l’utilisation du ballon (62 passes tentées, 90,3% de réussies, un jeu long parfait dont une transversale folle pour Di María en seconde période) et dont la mission était centrale dans la conquête de Tuchel : « Nos deux milieux doivent donner le rythme, nous aider à contrôler le match, à être plus patient. Le premier objectif était d’entrer dans le camp adverse et de jouer. Ensuite, et seulement ensuite, il fallait jouer dans le camp adverse avec patience. » Au total, Marquinhos et Verratti ont échangé 31 passes à Old Trafford, dont la majorité dans le camp adverse, et ont ensuite (enfin) réussi à trouver Draxler dans le dos de Pogba. « On n’a jamais réussi à mettre la main sur le jeu » , a avoué un Ole Gunnar Solskjær tactiquement dans les cordes, qui a connu sa première défaite sur le banc de MU et qui n’a jamais su répondre au défi stratégique imposé par Tuchel. La blessure de Lingard, longtemps précieux via son pressing sur Kimpembe, a fini de mettre en l’air une approche qui a confirmé une tendance : cet United sait piquer, mais ne sait pas dominer et asphyxier.

Le défi défensif, le symbole Kimpembe et le message

Avec cet argumentaire, l’Allemand a surtout poussé sur les faiblesses de United, dont une centrale : son repli défensif mal coordonné où les couloirs sont vite exposés à la perte du ballon. Bernat et Dani Alves se sont alors offert quelques balades pendant que le PSG prenait confiance au rythme du chrono, ce qui a été validé par l’ouverture du score sur corner de Kimpembe consécutive à un marquage individuel terrible de Matić, pourtant seul Mancunien avec De Gea à la hauteur du combat mardi soir. Pouvait-on faire plus gros symbole qu’un type comme Presnel Kimpembe buteur à Old Trafford juste en dessous du bordel tenu pendant quatre-vingt-dix minutes par les quatre mille supporters parisiens ? Pas sûr.

D’autant que le Français incarne aussi l’autre satisfaction du soir, ce que Tuchel dessine comme une « marche franchie » dans son processus : « Défensivement, on avait un défi, on l’a tenu en fermant les espaces et les distances grâce aussi au travail de nos ailiers intérieurs (Manchester United a réussi à peine 50% de ses passes tentées dans la surface parisienne, le PSG en a réussi 8/10), et en étant très solide sur les centres adverses. » Le deuxième but parisien vient d’ailleurs de l’une de ses « fermetures » d’espace (une prise à deux Alves-Marquinhos sur Pogba) et d’une sortie de balle modèle qui mêle tout : le contrôle, la patience, la cassure des lignes adverses, la maîtrise du temps de passe (Di María) et la finition (Mbappé).

Alors, comment le PSG a-t-il finalement pris le dessus sur l’équipe de Solskjær ? Lors de la première phase de la rencontre, en observant et se précipitant, avant de comprendre que, pour toucher Mbappé, il faudrait être patient. Derrière, Paris a fait ce qu’on attendait de lui, mais dont on ne le pensait pas forcément capable sans Neymar. Forcément, c’est une réponse et un message. Un message que Kylian Mbappé a voulu tourner en leçon dans les couloirs d’Old Trafford, à raison : « Il faut arrêter de vendre la peur. Le foot, ça se joue sur un terrain. Neymar et Cavani sont ultra-importants, mais les gens doivent nous soutenir. Il faut arrêter d’avoir peur. » Chaque élimination en C1 est la fugue d’un rêve : aujourd’hui, ce PSG tient la moitié d’une qualification dans la main et raconte à tout le monde qu’il a appris de ses erreurs et qu’il ne connaît que trop bien la saveur en bouche d’une chute vertigineuse. Il lui reste maintenant cette autre promesse à tenir.

Dans cet article :
Amorim à Manchester United : par amour du coût
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