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La talonnade, par Tony Vairelles

Par Tony Vairelles
4 minutes
La talonnade, par Tony Vairelles

Tony Vairelles fête ses 45 ans aujourd'hui. Et comme Tony est quelqu'un de différent, il a profité de l'occasion pour nous faire un joli cadeau : une déclaration d'amour à la talonnade.

C’est simple. Le foot, pour moi, ça a toujours été : aller vite vers l’avant, ne pas perdre de temps et surprendre l’adversaire. Et la talonnade, c’est un geste qui surprend l’adversaire, tout le temps. Et quand ça surprend tout le monde, même le public, c’est beau. C’est ce qui crée l’engouement, ce qui pousse les gens à venir au stade.

La talonnade, c’était en quelque sorte mon arme secrète.

La talonnade, c’était en quelque sorte mon arme secrète.

Je pense que je l’ai toujours faite. Je la maîtrisais, mes coéquipiers le savaient, car j’en passais pas mal à l’entraînement. Ça demande de la complicité, la talonnade. Je jouais sur l’aile à gauche, j’étais droitier, j’étais à l’angle des dix-huit mètres, je rentrais sur mon pied droit pour faire style que j’allais centrer, mon coéquipier – le plus souvent le latéral gauche – passait dans mon dos, et là je talonnais en direction du poteau de corner. Avec le talon bien sûr.

En me retournant, j’aurais perdu du temps et montré à mon adversaire et à ceux qui étaient dans ma zone mon intention de faire la passe à mon latéral. La talonnade présente l’avantage de ne pas être trop risquée car même si le défenseur intercepte le ballon, il est sur son aile et ne peut pas repartir directement au but avec.

À ce titre, la talonnade est, selon moi, le geste le plus efficace possible. Je n’ai jamais fait de passements de jambes ou tenté de petit pont pour la beauté du geste. Je n’ai jamais fait de petit pont sauf quand je n’avais pas d’autres choix. Mon jeu était fait de feintes de corps, pas de double contact. Je n’ai jamais joué pour faire beau, mais pour faire efficace. Le crochet est plus facile et fait moins perdre de temps que trois passements de jambes. Je me souviens d’un match avec Nancy en fin de saison, contre Sochaux, au début de ma carrière. Jean-Philippe Séchet me fait une passe, je sais que Franck Gava arrive à fond dans mon dos, il est dans le sens du jeu, je fais comme si j’allais la prendre, je la laisse passer entre mes jambes et Frank transperce la défense et but… Même le stade a réagi. On m’en a reparlé après le match, les supporters, mes coéquipiers, même mon coach, Olivier Rouyer… alors que je n’ai pas touché le ballon sur l’action. Quoi de plus efficace ?

J’ai également fait une talonnade décisive avec l’OL. Je me souviens en avoir délivré une pour Sonny Anderson peu après mon arrivée à Lyon. Je sortais d’une saison pleine à Lens, et j’enchaînais bien avec trois buts lors de mes deux premiers matchs. C’était plus compliqué pour Anderson qui arrivait blessé de Barcelone. Septième journée, on va jouer à Bordeaux. Je pars seul au but, je me déporte sur la droite, je vois Anderson dans mon dos, talonnade, il se retrouve seul devant le but et il marque. Il marque un doublé, son premier, et ça l’a lancé.

L’autre souvenir de talonnade, moins heureux celui-là, est lié à l’équipe de France. On joue en Russie, pour la qualif’ de l’Euro 2000. Je m’apprête à entrer pour jouer les quinze dernières minutes, et Roger Lemerre me dit : « Garde le ballon. »

Première action : on me lance dans la profondeur et je vois Zidane qui me suit. Je fais une talonnade, mais avec la fatigue du match, il ne m’a pas suivi…

Première action : on me lance dans la profondeur et je vois Zidane qui me suit. Je fais une talonnade, mais avec la fatigue du match, il ne m’a pas suivi, il a dû se dire que j’y allais seul. La balle revient dans les pieds d’un défenseur. Sur la touche, Lemerre m’a ruiné… Je le prends mal de me faire ruiner, car pour le coup, je la joue collectif. Après, il avait la pression. On menait 3-2. Zidane obtient un penalty, Blanc tape la barre, et à l’arrivée, tu dois faire le dos rond, car tu as un but d’avance. Lemerre s’est finalement excusé.

À l’arrivée, c’est même devenu un surnom : Tonynade ! C’est Vikash qui l’a inventé. Il m’a dit que j’étais le seul joueur qui pouvait centrer en talonnant, tout ça parce qu’il prétend m’avoir vu en faire une de vingt mètres. Ça m’avait bien fait marrer.

Dans cet article :
Lyon : à Textor et à travers
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