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La Superligue européenne fait de la résistance
Alors que tout avait été prévu lors du comité exécutif de l’UEFA pour officialiser la nouvelle mouture de la Ligue des champions, la réunion a été annulée par les gros clubs qui exigent encore et toujours plus. Un retournement de situation qui signe le retour du spectre de la Superligue européenne.
Ce devait être la date fatidique. Le mardi 30 mars, tout le monde annonçait l’intronisation de la nouvelle Ligue des champions, officialisée par l’UEFA et acceptée par l’European Leagues (le syndicat des championnats européens). Cette C1 new look devait être lancée lors de la saison 2024-2025, et regrouper 36 clubs. Avec un format inédit d’une phase de poules unique lors de la première partie de saison, avec dix matchs par participant (cinq à domicile, autant à l’extérieur) suivis de play-offs d’accession en janvier et d’un Final 8 à partir du mois de mars.
Nouvelle Ligue des champions vs Superligue
Ce format devait révolutionner la C1, booster sa visibilité, accroître sa popularité, augmenter sa rentabilité et soutenir les portefeuilles des clubs déjà bien atteints par la crise économique. Cela faisait plusieurs mois que l’UEFA avançait ses pions, inquiétée par l’avancée du projet de Superligue défendu par les présidents du Real Madrid, de Manchester United, de la Juventus et du FC Barcelone. Elle avait accéléré l’idée d’une réforme, et modelé ce « système suisse » . L’instance avait même réussi à obtenir l’aval des championnats, à travers l’European Leagues et son directeur général Lars-Christer Olsson. Ce dernier, lors de leur assemblée générale du vendredi 26 mars, s’était déclaré « en faveur d’un nouveau format de Coupe d’Europe tant que les ligues nationales seraient défendues et mises en avant ».
En France, on applaudissait et on attendait avec impatience cette nouvelle mouture qui allait offrir quatre places de C1 aux clubs de Ligue 1. Depuis maintenant trois ans, la FFF – par la voix de son président, Noël Le Graët – continuait son fort lobbying auprès des instances afin de récupérer cette place supplémentaire, quitte à en oublier le mérite sportif. Le plan allait donc fonctionner et la Superligue, comme depuis vingt ans, resterait lettre morte, un doux serpent de mer agitateur de changements et de débats. La perspective d’un championnat privé, indépendant, fermé et d’inspiration américaine allait être évitée. Sauf que… Patatras, le plan ne s’est pas du tout déroulé comme prévu. Ce mardi, à la veille de la réunion qui devait officialiser et introniser la nouvelle Ligue des champions, le vice-président exécutif de Manchester United Ed Woodward et le directeur général de Manchester City Ferran Soriano ont en effet fait capoter le processus. La réunion a tout simplement été annulée et reportée, pour l’instant au 19 avril.
Soit on reste avec tout l’argent, soit on part
Selon le Times, qui cite des sources présentes ce mardi lors de la visioconférence entre les membres de l’ECA, « les plus grands clubs européens ont refusé de valider le changement tant qu’ils n’obtiendront pas des garanties de plus de contrôle sur les droits commerciaux et la distribution financière ». Autrement dit, ils souhaitent récupérer l’intégralité de la gestion économique et financière de la compétition. Actuellement, c’est la société commerciale UCC SA qui gère ces prérogatives. Elle est contrôlée conjointement par l’UEFA et l’ECA, avec un droit de veto de l’instance européenne. C’est elle qui décide seule combien, finalement, est donné aux équipes et combien est redistribué en faveur de celles qui ne se seraient pas qualifiées. Les grands clubs aimeraient donc retirer ce pouvoir à l’UEFA et en récupérer l’usufruit total, quitte peut-être à accaparer l’intégralité des recettes.
« L’ECA fait tout son possible pour avoir le contrôle sur les questions commerciales et financières, elle utilise le nouveau format de vote comme monnaie d’échange », précise Martyn Ziegler, journaliste au Times. Actuellement, un véritable jeu politique se trame donc. Les grosses équipes ont, malheureusement, compris qu’elles étaient la source de la puissance financière de la C1. Que sans elles, la compétition ne valait plus rien et n’attirait plus les foules. Elles demandent, ainsi, rétribution. Après avoir exigé un changement afin de multiplier les rencontres et les sources de revenus, voilà qu’elles réclament maintenant la gestion de l’intégralité des prérogatives économiques. Et si elles ne sont pas entendues, le projet de Superligue devrait rapidement revenir sur la tapis.
Par Pierre Rondeau