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La Supercoupe d’Espagne, ça dégage !

Par Jérémie Baron
4 minutes
La Supercoupe d’Espagne, ça dégage !

Cette semaine s'ouvre une nouvelle ère pour la Supercoupe d'Espagne, disputée sous forme de Final Four en Arabie saoudite. Et même si plus grand-chose ne nous surprend aujourd'hui, tout ce cirque est bien triste.

Copier sur ses voisins n’a pas toujours que du bon. En 2018, la LNPA italienne décidait, après déjà de nombreux écarts aux États-Unis, au Qatar ou en Chine, de définitivement délocaliser la Supercoppa italiana en Arabie saoudite : résultat, Juve et Lazio sont venues rafler les deux derniers trophées à Djeddah puis Riyad, et chaque édition a ramené son lot de polémiques. Il en fallait bien plus pour décourager Luis Rubiales et la RFEF. De l’autre côté des Pyrénées, on a également cédé aux sirènes d’une monarchie saoudienne moins concentrée sur les coups de pression de l’ONU qu’à soigner son image à l’international via les paillettes que peut lui amener le sport mondial (coucou le Dakar 2020) : pour les trois prochaines saisons, la Supercopa de España se tiendra à Djeddah, à 4500 kilomètres de Madrid. Côté espagnol, ce choix couplé au lancement d’un nouveau format représente une grosse rupture avec ce qui se faisait depuis 1994, à savoir la tradition de la double confrontation pour lancer la saison.

Des millions, mais par pour tout le monde

Déjà que la cuvée 2018 et ce match simple au Maroc avaient fait jaser… Les instances n’ont pas tremblé au moment de signer cet accord avec le pays des droits de l’homme du kebsa, et n’ont pas fait les choses à moitié en matière de bouleversement. Ce n’est pas un, pas deux, mais bien trois matchs que le stade Roi-Abdallah s’apprête à accueillir, avec demi-finales et finale. C’est comme ça que le Real et l’Atlético, qui sortent d’une saison blanche, mais ont accompli l’exploit d’accrocher le podium de Liga, se retrouvent dans le coup. Alors que le contrat italien – un match par an – ne rapporterait que 7 millions et demi d’euros par édition, celui signé par la Fédération espagnole devrait permettre de faire rentrer plus 30 briques dans les caisses cette année, à répartir entre la RFEF et les clubs participants. Forcément du côté transalpin, on plancherait déjà sur une Supercoupe à quatre têtes dans le futur.

Voir la TV publique espagnole boycotter l’appel d’offres pour la diffusion de la compétition (pour ne pas participer au « blanchiment » du régime saoudien, a-t-on pu lire) n’a pas ému grand monde parmi les décideurs. Et tout ça pour offrir le plus beau des spectacles aux aficionados de l’élite espagnole, qui seront bien sûr les premiers à profiter de tout ça. La preuve : selon El Mundo, pas moins de 9% des 12 000 places réservées aux clubs auraient trouvé preneur, soit 700 pour le Real, 300 pour le Barça, 50 pour l’Atléti et très exactement 26 pour Valence. Pour l’anecdote, du côté des Matelassiers et du club à la chauve-souris, on a décidé de carrément offrir les billets aux courageux qui se sont dévoués pour claquer 3000 balles et voir leurs idoles à l’œuvre sur un autre continent : quel pied ! Au moins, contrairement au modèle italien, pour lequel certaines tribunes du King Saud University Stadium étaient inaccessibles à la gent féminine cette année, celui de la RFEF promet « l’accès sans restrictions des femmes aux rencontres » .

Pour la répartition du pactole, puisque c’est surtout de cela dont il s’agit, ce n’est pas non plus joli joli. Le FC Valence, qui peut lui se targuer d’avoir raflé la coupe nationale en mai dernier contre le Barça (2-1), a dû taper du poing sur la table : dans le deal, moins de trois millions sont censés lui revenir dans les primes de base, pendant que les Blaugrana et les Merengues en toucheraient chacun huit (et les Colchoneros six), tout simplement en raison d’une « section qui est distribuée en fonction de l’histoire du club » , s’était justifié Rubiales. Au bon souvenir des énormes inégalités de revenus des droits TV qui sévissaient en Liga avant la mutualisation. Depuis, la Fédé a promis d’augmenter la part revenant aux Chés, mais rien d’officiel n’est sorti. Voilà : dans un pays où, au contraire notamment de la France et son Trophée des champions, la Supercoupe avait encore un peu de saveur sportive et n’était pas encore essentiellement devenue une tentative de vitrine du championnat local que l’on exporte de pays en pays, on a décidé qu’il était temps de rattraper le retard.

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