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« La suite de Sensible Soccer sortira début 2017 »

Propos recueillis par Nicolas Jucha
8 minutes
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En 1992, Sensible Soccer débarquait sur les ordinateurs et s'imposait comme le meilleur jeu de football de son époque, à la place du mythique Kick Off. Plus de deux décennies ont passé, et l'un des pères du jeu, Jon Hare, travaille à une nouvelle version qui s'intitulera Sociable Soccer. Entretien.

Début janvier 2015, vous avez lancé sur Twitter un mini-sondage quant à l’opportunité de créer une suite à Sensible Soccer. Quelles ont été les réactions ? Les réactions étaient positives, tout le monde voulait ce jeu, mais personne ne le voulait sur la même plateforme. On a eu 7 ou 8 différentes plateformes proposées par les gens qui ont répondu : Mac, Vita… Sur ordinateur ou sur téléphone, payant ou gratuit, en ligne ou non, il y a beaucoup de questions à prendre en compte. Le marché du jeu vidéo est fractionné depuis plusieurs années. Dès lors qu’un éditeur veut installer une nouvelle franchise, il doit choisir minutieusement pour quelle plateforme il développe le jeu. C’est peut-être la question la plus importante.

Le projet en est où aujourd’hui avec Sociable Soccer (le nom du nouveau jeu, ndlr) ? Le jeu devrait sortir d’ici un an, probablement dans le premier tiers 2017. On a lancé une campagne de financement sur Kick Starter, ce qui nous permettra d’avoir plus de libertés dans le développement. Cela fait 7 ans que je veux faire ce jeu, un jeu pour les fans de football qui puisse se jouer en ligne. Un jeu où on participe comme les supporters d’un club contre les supporters d’autres équipes. Ces dernières années, j’ai été consultant pour d’autres jeux vidéos de football, notamment sur un jeu en ligne où chaque joueur humain contrôlait un joueur virtuel sur le terrain. Donc au total 20 joueurs humains. C’est très dur à réaliser, donc j’ai choisi de faire un jeu où chaque joueur humain contrôle l’ensemble de l’équipe, mais où il puisse s’affirmer comme représentant d’un club ou d’une équipe nationale qu’il veut défendre.

Aujourd’hui, quand on veut développer un jeu vidéo de football, comment exister face aux deux monstres que sont FIFA et PES ? Au niveau réalisme, ils sont au-dessus… Très bonne question. Je pense que FIFA et PES font plus ou moins la même chose, ils se copient mutuellement depuis 15-20 ans, ils se disputent le même territoire, le même marché. Face à la domination de FIFA, PES est en train d’explorer le marché du « free to play » , ce qui est un gros risque pour eux. Mais cela veut dire quoi ? Visiblement, il y a de la place pour un jeu de football « différent » , alternatif. Pour le moment, on a quoi ? Deux types de jeux : les simulations photo réalistes comme FIFA et PES, et les jeux de management comme Football Manager. Mais aucun n’est positionné sur le mode arcade que Sensible Soccer occupait dans le passé. Je pense que le public veut quelque chose de différent, de pas forcément axé sur le photo réalisme, mais plutôt sur l’amusement qu’il peut générer. C’est pour cela que Sociable Soccer ne sera pas photo réaliste même si en 3D. On aura un angle de caméra semblable à celui de Sensible Soccer, ainsi que d’autres plus familiers aux joueurs de FIFA et PES. Cela ressemblera plus à un dessin animé graphiquement, avec l’esprit de Sensible Soccer en 3D. Tout sera customisable : les noms, les apparences… Le but, c’est que les gens puissent par exemple s’incorporer dans le jeu.

Dino Dini, le père d’un autre jeu mythique, Kick Off, travaille sur Kick Off Revival qui doit sortir en 2016. Comment expliquez-vous les attentes de jeux vintage ? Je ne connais pas en détails le travail de Dino sur le remake de Kick Off, qui était un grand jeu selon moi. Ce sera a priori une adaptation moderne du jeu. Mais ce qu’il faut voir, c’est la place existante dans le marché. Ce que nous allons reprendre de Sensible Soccer, c’est avant tout la jouabilité. Dans notre cas, on reprend le mode arcade, un game play ancien, mais ce sera modernisé, mis au niveau technique actuel. On organisera beaucoup de compétitions en ligne, dont des championnats avec relégation et promotion, en offrant la possibilité aux joueurs de représenter les équipes qui comptent pour eux.

De son côté, Dino Dini estime que les grands jeux d’aujourd’hui n’ont plus l’esprit de ceux des années 90. Ils sont moins « créatifs » , car plus issus de la scène « indie » … 
Je suis d’accord avec Dino, il a raison. La passion des créateurs imprégnaient les jeux de l’époque. Dino Dini a créé son jeu quasiment seul. Un travail incroyable, et sa passion a fait de Kick Off un jeu extraordinaire. Sensible Soccer, c’était pareil. On était deux à faire le jeu, soutenu ensuite par des personnes en charge du son, des graphismes et design… C’étaient de petites équipes qui donnaient vie aux jeux. Il faut de petites équipes de base pour contrôler le tout. Dans l’environnement des gros studios qui produisent des jeux comme FIFA, c’est dur d’atteindre le même niveau de créativité, car le travail est moins personnel. Il y a de grosses équipes, donc trop de management. Je ne dis pas que cela ne permet pas de faire de très bons jeux, certains sont vraiment de qualité, mais pour avoir de la créativité, il faut que le noyau créatif soit limité et qu’il interagisse plutôt avec des prestataires extérieurs. Dans les trop grandes compagnies, il y a une dimension politique, une gestion qui dépasse le cadre du jeu. Il y a beaucoup de process à maîtriser, mais avec tous ces process, la « narration créative » se perd entre les différents membres de l’équipe. Il y a trop de personnes différentes qui ne peuvent donc partager la même vision du jeu, les mêmes idées. Cela prend de l’énergie créative. Ce que Dino Dini a dit à propos des jeux de football des années 90 concerne en fait l’ensemble de l’industrie, qui avait beaucoup de petits studios à l’époque.

Dino Dini a conçu Kick Off de chez lui. Pour Sensible Soccer, c’était la même chose ou le fonctionnement était plus « professionnel » ? Beaucoup de gens ne comprennent pas qu’une vraie entreprise, c’est du business, et que le business consiste à faire du profit. Dans le jeu vidéo, on fait de l’argent avec des royalties. Être professionnel, c’est faire de l’argent, point barre. Dans une grosse compagnie, les coûts de fonctionnement sont plus importants. OK, quand cela génère de l’argent, c’est bien, mais dans le cas du jeu vidéo, je ne pense pas que cela soit un modèle si viable, car s’il y a des difficultés, le modèle du gros studio tourne rapidement en désastre. Sensible Software, quand on a fait Sensible Soccer, on n’était pas nombreux, mais on travaillait tard. Souvent, on s’arrêtait à 6h du matin. Souvent. C’est ce qu’il faut faire pour réussir. Même maintenant, j’ai des partenaires en Finlande, quand je suis allé les voir, on travaillait jusqu’à 7h du matin. C’est ainsi que l’on fait les meilleurs jeux.

Sortir du schéma « classique » de l’entreprise, c’est donc avoir plus de souplesse ? Sur le plan financier, la charge de travail… tout est plus simple ? Cela marche. Cela permet d’avoir plus d’énergie positive. Bien sûr, on le sait qu’on aura besoin de faire intervenir plus de personnes spécialisées par la suite pour finaliser le jeu, l’adapter à certaines plateformes, le promouvoir aussi. Cette étape sera sûrement gérée dans un mode plus conforme au « travail de bureau » , mais l’étape créative fonctionne mieux en petit groupe. Surtout que financièrement, cela permet d’impliquer les gens de manière plus forte. Dans une très grande structure, est-ce que tout le monde ressent le besoin de voir le jeu réussir ? Est-ce que chaque personne a un intéressement sur les ventes du jeu ? Quand on a fait Sensible Soccer, certains d’entre nous gagnaient 100 000 livres de royalties par an, ce qui était énorme. C’est à cause de notre structure que chacun pouvait gagner des royalties. C’est le meilleur moyen d’obtenir une implication de chacun.


Sensible Soccer, c’était aussi une aventure humaine entre Chris Yates et vous. Vous étiez partenaires sur le jeu, mais aussi deux passionnés de musique. Cela ressemble à de l’amitié plus qu’à une relation de travail… On était amis depuis l’école, on s’est connus quand on avait 15 ans. Rapidement, on a commencé à faire de la musique ensemble, à écrire des chansons. Nous étions des partenaires artistiques, et notre priorité, c’était de faire de la musique. Mais quatre ans après, on a fondé Sensible Software. À la base, on a fait de la musique pendant 4 ans ensemble avant de songer à créer des jeux vidéo. Pour nous, le jeu vidéo a juste été un nouveau médium pour exprimer notre créativité. Chris a toujours été le plus « technique » de nous deux, et moi le plus « créatif » ou « artistique » . On a combiné nos talents, et Sensible Soccer n’a été qu’une extension de notre créativité. On a créé ensemble pendant 17-18 ans, que ce soit de la musique ou des jeux vidéo. Un bon bout de temps…

Vous avez indiqué vouloir permettre aux futurs joueurs de Sociable Soccer de représenter leurs équipes favorites dans des tournois en ligne. Quelle est votre équipe ? Je suis un supporter de Norwich, en Premier League, mais aussi en besoin de quelques bons résultats prochainement pour se mettre à l’abri. Je les supporte depuis que j’ai 10-11 ans. J’aime le jaune, et ils portent un maillot jaune, ce n’est pas plus compliqué que cela. Bon, aujourd’hui, mon père vit là-bas, mais j’ai commencé à être derrière eux à cause de la couleur de leur maillot… Je suis d’ailleurs régulièrement invité sur l’antenne locale de la BBC lors des débats d’après-match de Norwich. Je suis aussi impliqué dans le football amateur, j’ai sponsorisé via Sensible Software une équipe à Cambridge. J’ai vu mon premier match avec une finale de Coupe entre Arsenal et Liverpool en 1971, un match célèbre. J’ai alors commencé à supporter Arsenal, car ils avaient un maillot jaune, je n’avais pas compris que c’était leur tenue extérieure. Mais depuis ce jour, je suis le football, je m’intéresse aux supporters, aux personnages, à l’histoire…

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Propos recueillis par Nicolas Jucha

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