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- Serbie-Suisse (1-2)
La Suisse renverse la Serbie
Quel match ! La Suisse renverse la Serbie au terme d'une rencontre aussi ouverte qu'un Carrefour en période de fêtes. La Nati rejoint le Brésil en tête du groupe E. Pour la Serbie, trop de facilité va peut-être précipiter son éjection... à moins qu'elle ne s'offre le scalp de la Seleção.
Serbie 1-2 Suisse
Buts : Mitrović (5e) pour la Serbie // Xhaka (53e) et Shaqiri (90e) pour la Suisse
Un match à bascule. C’est de cette manière que l’on désigne en général les rencontres liquides, où l’écoulement des secondes semble ne plus correspondre aux sacro-saintes règles établies par un type nommé Chronos. En gros : quand les minutes deviennent des secondes, c’est que l’on passe un bon match. On a donc à peine eu le temps de compter : une, deux, trois passes, et voilà Xherdan Shaqiri qui glissait le ballon de la gagne entre les jambes de Stojković au bout du temps réglementaire et d’une course de cinquante mètres. Malheur aux vaincus, qui auraient dû assommer la rencontre en première période, gloire aux vainqueurs, qui s’avanceront contre le Costa Rica dans cinq jours avec le destin entre leurs mains.
Ić, expert en séduction
Si l’on part du postulat que dix des onze titulaires de la Serbie ont un nom qui rime en « Hitch » , rien d’étonnant à ce qu’elle soit séduisante dès l’entame. Premier coup d’œil, c’est le coup de foudre : Mitrović bute sur Sommer, qui résiste pour la forme avant de se laisser séduire sur un coup de tête du même bonhomme dans la minute qui suit (1-0, 5e). C’est souvent comme ça qu’on craque, d’ailleurs, sur un coup de tête. En bord de plage ou sur un terrain de foot, avec cette fille au T-shirt blanc qui ne fait semblant de vous être insensible que pour mieux vous embrasser plus tard. À ce jeu-là, donc, les Serbes ont autant l’avantage de la taille que celui des crânes, et insistent sur ce qui fonctionne. Tadić, poison sur patte et déjà passeur décisif, multiplie les centres et les arrondis, courbant ses trajectoires de balle autant que les dos des défenseurs suisses sous la domination aérienne de Mitrović.
La Serbie domine, mais démine, aussi, notamment dans sa surface de réparation. La Suisse est un pays neutre de réputation, mais a tout de même assuré son arsenal en petites bombes. Car lorsque Matić et Milivojević perdent la maîtrise du milieu de terrain, ce sont les souris qui dansent, ou plutôt les chats qui rient, ou Shaqiri qui rit, on ne sait plus trop. Džemaili manque d’égaliser par trois fois (10e, 30e, 33e), et l’on se dit que cela n’aurait pas été volé, tandis que la défense suisse jette complètement l’éponge sur corner en laissant Matić louper un but tout fait (43e). Ne partez pas, le bel étranger a encore un argument dans son maillot avant la baignade de mi-soirée : Mitrović, encore lui, voit sa bicyclette frôler la barre transversale de Sommer, tandis que Tadić faisait de même avant une volée aérienne avant la mi-temps. Bref, une belle partie de jambes en l’air.
Quand c’est le Shaqiri, les souris dansent
Et puis c’est aussi ça, le plaisir d’un jeu de séduction. On croit avoir ferré la belle prise, elle remue à peine, il suffirait simplement de se pencher avec l’épuisette… et puis la sirène se dégage d’un coup de nageoire. Granit Xhaka égalise contre le cours du jeu d’une des plus belles frappes du Mondial et remet la Suisse à hauteur, quelques secondes seulement après avoir cru que la partie était définitivement terminée sur un nouveau corner mal geré par les Helvètes (1-1, 53e). Mieux, le beau gosse paniqué peine à prévoir les réactions de sa belle, oubliant que l’anonyme Shaqiri de Stoke City se réveille une fois tous les quatre ans pour un but à faire trembler les morts. Or, à l’heure de jeu, on n’en était pas loin, d’un coup de rein pour se retourner avant de buter sur le poteau. Pas tout de suite.
Le coup de rein, tiens, puisqu’on y vient. Important lors de tout coït, et donc bien utile pour la mettre au fond, à en croire cette occasion manquée par Mitrović sur un centre au cordeau du nouvel entrant Ljajić (68e). Manquait quelques centimètres, toujours un désavantage. La Suisse pose le pied sur le ballon, provoque, contre, pousse, étonnant au regard du calendrier serbe, qui affrontera le Brésil dans cinq jours. Et logiquement, au bout de ce qui était autorisé, le coup de massue de Shaqiri (2-1, 90e). Stojković s’endormira ce soir avec les abdominaux de son bourreau en persistance rétinienne, et peut trembler avant son prochain match contre le Brésil. Au jeu de la fameuse hypothétique yougoslave, une partie pourrait sauter avant les huitièmes.
Serbie (4-2-3-1) : Stojković – Kolarov, Tošić, Milenković, Ivanović – Matić, Milivojević (Radonjić, 80e) – Kostić (Ljajić, 64e), Milinković-Savić, Tadić – Mitrović. Sélectionneur : Mladen Krstajić
Suisse (4-2-3-1) : Sommer – Rodríguez, Akanji, Shär, Lichtsteiner – Xhaka, Behrami – Zuber (Drmić, 93e), Džemaili (Embolo, 72e), Shaqiri – Seferović (Gavranović, 45e). Sélectionneur : Vladimir Petković
Par Théo Denmat