S’abonner au mag
  • International
  • Suisse

La Suisse pleure Köbi Kuhn

Par Quentin Jeannerat
La Suisse pleure Köbi Kuhn

Élégant meneur de jeu du grand FC Zurich des années 1960 et 1970 et sélectionneur de l'équipe de Suisse entre 2001 et 2008, Köbi Kuhn est décédé mardi à l'âge de 76 ans, des suites d'une longue maladie. Derrière son regard doux de grand-papa apaisé et sans histoire, celui qui a remis la Nati à flot cachait pourtant des blessures à vif, entre agression sexuelle dans le club de son enfance et mouron permanent pour sa fille unique, décédée l'an dernier après des années à se débattre dans l'enfer de la drogue.

Noyée par les polémiques sur la VAR à retardement ou les débats sur l’état de forme de Neymar, la nouvelle est passée presque inaperçue de ce côté-ci du Jura. Mais de l’autre côté du mont d’Or, la nouvelle a fait l’effet d’une petite bombe : Köbi Kuhn est décédé mardi à l’âge de 76 ans, des suites d’une longue maladie pulmonaire. Provoquant une vague d’émoi peut-être bien sans précédent en Helvétie pour une personnalité issue du monde du football.

Alex Frei : « On nous a donné et repris un ange »

« On nous a donné et repris un ange. » Ces paroles d’Alex Frei, relayées par le Blick mardi soir, résument parfaitement le sentiment qui règne dans la patrie de Guillaume Tell. Il est impossible de trouver un Helvète, même parmi ceux pour qui le foot n’existe qu’au mois de juin des années paires, à qui Köbi Kuhn inspirait autre chose qu’une immense bouffée d’affection. Pour le grand public comme pour les fans de foot de moins de 30 ans, Köbi Kuhn est ce « grand-papa » apaisé et flegmatique, au regard d’une douceur infinie, et paradoxalement associé à des moments d’extase nationale pas loin d’être inédits.

Pour les plus anciens qui ont connu le Jakob Kuhn en crampons, il est même bien plus que cela. Meneur de jeu du grand FC Zurich et unanimement décrit comme étant « d’une rare élégance » , il atteint des hauteurs exceptionnelles pour le football suisse avec son club de toujours : deux demi-finales de C1, perdues face au Real Madrid (1964) et Liverpool (1977). Avec la Nati, il est l’un des cadres de l’équipe à la Coupe du monde 1966, le dernier grand tournoi pour la sélection à croix blanche avant… 1994.

Enfer d’Istanbul et arcade de Philippe Senderos

Après une longue pige – terminée sur une faillite – dans le monde des assurances suivie de plusieurs années à la tête d’équipes de jeunes, il reprend l’équipe de Suisse en août 2001. Le Mondial 2002 s’est déjà envolé, et l’équipe est à nouveau dans un brouillard qui semble aussi tenace que celui qui enveloppe le plateau suisse en plein hiver. Le premier rayon de soleil à percer la brume prend la forme d’une frappe victorieuse de Fabio Célestini à Dublin à l’été 2002, lançant la Nati sur la route de l’Euro 2004. La première d’une jolie liste d’explosions de joie mêlées de gros plans sur le sourire pétillant de grand-papa Köbi : le face-à-face remporté par Marco Streller dans l’hostilité d’Istanbul qui envoie la Suisse au Mondial 2006 et le visage ensanglanté de Philippe Senderos après son coup de casque gagnant envoyant la Nati en huitièmes de ce même Mondial étant sans doute les plus mémorables.

Malgré ces succès, le natif de Zollikerberg, bien plus meneur d’hommes que tacticien – il avait notamment les stats en horreur – est aussi le symbole du sempiternel complexe d’infériorité helvétique. De ce vertige qui s’empare systématiquement des montagnards au moment où les projecteurs du monde entier se braquent sur eux. En témoigne ce huitième de finale face à l’Ukraine le 26 juin 2006, où le coach décide, dans l’incompréhension générale, de sortir son meilleur buteur et tireur attitré Alexander Frei… à trois minutes d’une séance de tirs au but qui se transformera en véritable cauchemar : trois échecs sur trois tentatives, une première historique. Cette décision inexplicable est le symbole des prestations de la Nati en huitièmes de finale depuis lors (trois autres échecs à ce stade de la compétition en 2014, 2016 et 2018) : une équipe paralysée et qui perd carrément les pédales dans le money time.

Carrière sportive bénie, vie familiale maudite

Le visage enfantin et l’image de Suisse allemand débonnaire, mais presque ennuyeux de la légende du FCZ ne résistent pourtant pas longtemps lorsqu’on gratte un peu. Côté pile, on peut citer la « nuit de Sheffield » , qui avait vu la jeune pépite et deux partenaires être suspendus par le staff pour le match face à l’Allemagne lors du Mondial 1966. La raison ? Les trois acolytes avaient déclenché un joli scandale en ne regagnant leur hôtel qu’au petit matin, après avoir passé la nuit à écluser des pintes et taquiner les minettes locales.

Côté face, une scoumoune assez invraisemblable, et sur laquelle il n’a levé le voile qu’il y a quelques mois dans son autobiographie. L’ancien milieu de terrain y révèle notamment qu’il a été victime d’abus sexuels par un joueur plus âgé dans son club d’enfance, un traumatisme jamais refermé. Il décrit également le calvaire de sa fille unique Viviane, décédée l’an dernier à l’âge de 46 ans après une vie à plonger et replonger dans la drogue et l’alcool, causant un mouron quotidien à ses parents qui finira par emporter Alice, l’épouse de Köbi. Victime d’une crise d’épilepsie juste avant l’Euro 2008, la Suissesse ne s’en remettra jamais, décédant en 2014, veillée par son mari durant 49 ans.

Un psy en guise de plume

« D’un côté, il y avait mon succès professionnel, de l’autre, les problèmes familiaux, écrit Köbi Kuhn dans son autobiographie, véritable confession publique écrite avec l’aide d’un psychologue peu après le décès de sa fille. À l’extérieur, je donnais une impression de bonheur et de réussite. Au fond de moi, j’étais brisé. On peut qualifier cela de tragédie personnelle. Les obsèques ont eu lieu le 23 mai 2018. Viviane a été ensevelie aux côtés de sa maman, dans le caveau de famille du cimetière de Sihlfeld. Avec la même pasteure que pour Alice en 2014. » Köbi Kuhn avait décidé d’accompagner l’avis mortuaire de sa fille d’une citation de l’écrivain autrichien Rainer Maria Rilke : « Lorsque vous pensez à moi, pensez à l’heure à laquelle vous m’aimiez le plus. » Nul doute que les Helvètes n’auront aucune peine à la mettre en pratique pour leur grand-papa Köbi.

Dans cet article :
La Suisse et le Danemark dos à dos
Dans cet article :

Par Quentin Jeannerat

À lire aussi
Articles en tendances
12
Revivez Belgique-France (1-2)
  • Ligue des nations
  • J4
  • Belgique-France
Revivez Belgique-France (1-2)

Revivez Belgique-France (1-2)

Revivez Belgique-France (1-2)
Logo de l'équipe Belgique
Les notes des Bleus
  • Ligue des nations
  • J4
  • Belgique-France (1-2)
Les notes des Bleus

Les notes des Bleus

Les notes des Bleus
42
Revivez la victoire du PSG contre Strasbourg  (4-2)
  • Ligue 1
  • J8
  • PSG-Strasbourg
Revivez la victoire du PSG contre Strasbourg (4-2)

Revivez la victoire du PSG contre Strasbourg (4-2)

Revivez la victoire du PSG contre Strasbourg (4-2)

Votre avis sur cet article

Les avis de nos lecteurs:

Dernières actus

42
Revivez la victoire du PSG contre Strasbourg  (4-2)
Revivez la victoire du PSG contre Strasbourg (4-2)

Revivez la victoire du PSG contre Strasbourg (4-2)

Revivez la victoire du PSG contre Strasbourg (4-2)

Nos partenaires

  • Vietnam: le label d'H-BURNS, Phararon de Winter, 51 Black Super, Kakkmaddafakka...
  • #Trashtalk: les vrais coulisses de la NBA.
  • Maillots, équipement, lifestyle - Degaine.
  • Magazine trimestriel de Mode, Culture et Société pour les vrais parents sur les vrais enfants.
  • Pronostic Foot 100% Gratuits ! + de 100 Matchs analysés / semaine

Suisse