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La Serie A perd-elle ses galons ?

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La Serie A perd-elle ses galons ?

Avec les départs d'Alexis Sanchez et de Javier Pastore, l'Italie se retrouve face à un fait accompli. Au moment où leur carrière explose, les meilleurs joueurs partent à l'étranger. Ainsi, la Serie A est reléguée au rang de tremplin, ou de lieu de rachat pour stars en quête de second souffle. Analyse.

« Je suis venu. J’ai vu. Je suis parti » . C’est la triste loi des talents. Qui viennent. Qui brillent. Et qui s’en vont. C’est un fait : les départs d’Alexis Sanchez et de Javier Pastore font mal à l’Italie. Mal, parce que ces deux joueurs sont arrivés tout jeunes sur la péninsule italienne. Mal, parce l’Italie les a vus grandir et passer de promesses à stars internationales. Mal, parce qu’une fois arrivés à maturité, ils ont fui. Au lieu de chercher la consécration finale dans les grands clubs du pays, ces pépites ont préféré aller voir ailleurs. Là où l’on peut gagner des titres (Barcelone). Là où il y a beaucoup d’argent (Paris). Et l’Italie ? On la considère aujourd’hui comme un tremplin, et c’est bien là ce qui fait le plus mal. Il y a une dizaine d’années, l’Italie représentait l’eldorado du glamour pour un joueur de football. Zidane, Ronaldo, Batistuta, Crespo, Schevchenko, Nedved (pour ne citer que les plus récents). Les plus grands venaient exploser et resplendir en Italie. Aujourd’hui, la donne a changé. La Serie A compte toujours dans ses rangs des joueurs appartenant au Top 10 international (Eto’o, Sneijder, Ibrahimovic), mais la liste pourrait devenir de plus en plus mince. Et les raisons sont multiples.

L’orgueil des Milanaises

Première constatation : l’Italie est actuellement dans un cercle vicieux qu’il va être difficile d’interrompre. La baisse du niveau global du championnat a entraîné l’inévitable chute au ranking UEFA, qui signifie la perte d’un club en Ligue des Champions à compter de la saison prochaine. Or, cette dégringolade n’incite plus les meilleurs joueurs du monde à venir jouer en Serie A, ce qui engendre ladite baisse du niveau global. Et vice versa. Reste à savoir pourquoi. Pourquoi les clubs italiens, autrefois patrons sur la scène européenne et mondiale, n’y arrivent plus ? Certes, le Milan AC a remporté la Ligue des Champions en 2007. Et l’Inter l’a imité en 2010.

Mais ces deux exploits ressemblent plus à des performances isolées qu’à la consécration d’une suprématie. Il suffit de regarder les statistiques. Exceptés le Milan 2007 et l’Inter 2010, qui sont allés au bout, rares sont les clubs italiens qui ont passé les huitièmes de finale de la C1. Et encore, mieux vaut-il ne pas parler de l’Europa League, où le parcours des clubs transalpins est une catastrophe depuis deux saisons. Il faut se résoudre à l’évidence : Messi et Cristiano Ronaldo ne jouent pas en Italie, Xavi et Iniesta non plus, Rooney et Luis Suarez non plus. Au meilleur moment de leur carrière, pour régner sur la scène mondiale, les meilleurs choisissent désormais l’Espagne ou l’Angleterre. Et même, pied-de-nez suprême pour l’Italie, la France.

Crise de la trentaine

De fait, la tendance se précise : la Serie A va devoir se contenter des restes. Ce mercato 2011 semble en être la confirmation. Des très bons joueurs ont signé en Italie depuis l’ouverture du marché des transferts, certes. Seul problème : il s’agit soit de trentenaires qui souhaitent donner un nouvel élan à leur carrière (Cissé, Klose, Heinze), soit de joueurs qui n’ont pas su s’affirmer dans un grand club (Bojan, Borini), soit de promesses qui, si elles explosent au cours des prochains mois, finiront par partir ailleurs (Alvarez, Vidal, Lamela, Neuton, Castaignos). Et les vraies stars ? Elles sont ailleurs. Agüero, longtemps annoncé à la Juve, a fini à Manchester City. Coentrao, contacté par l’Inter, a filé au Real Madrid. Et Giuseppe Rossi, sur la liste prioritaire de la Juventus, de Naples et du Milan AC, va vraisemblablement rester en Espagne.

Même les jeunes joueurs français, qui rêvaient autrefois de signer dans n’importe quel club italien dès leur plus jeune âge, préfèrent aujourd’hui l’Espagne, l’Angleterre, ou même la Russie. Une Russie où a notamment fui Domenico Criscito, latéral de l’équipe d’Italie, qui a préféré rejoindre Luciano Spalletti à Saint-Pétersbourg plutôt que de s’engager avec le Milan AC. D’ailleurs, Spalletti est l’exemple type de celui qui est allé chercher meilleure fortune sous d’autres cieux. Lui, comme Mancini, Capello, Trapattoni ou encore Ancelotti. Les entraîneurs les plus titrés et brillants du pays ont tenté l’exode à l’étranger. Ils ont ouvert la voie. Alors si eux, symboles de la réussite à l’italienne, le font, comment retenir les autres ?

« En Italie, c’est compliqué »

Évidemment, toutes ces constatations ne remettent pas en cause les émotions et l’intensité d’une Serie A qui, l’an dernier encore, a fait vibrer les foules. Les Cavani, Hernanes, Pato et autres Eto’o ont régalé, offrant un spectacle de qualité et des rencontres renversantes. L’essentiel est sauf, donc. Mais l’arbre ne doit pas cacher la forêt. L’Italie est un pays en crise, politiquement, économiquement, et les conséquences sur son football sont inévitables. Les jeunes Italiens, pour trouver du travail, sont souvent obligés de partir à l’étranger. De plus, le pays, de par la politique menée par ses dirigeants, se referme petit à petit sur lui. Il suffit d’allumer la télévision un soir, sur les chaînes de la Rai ou de Mediaset, pour se rendre compte que le temps est resté bloqué dans les années 90.

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les « nouveaux riches » , Qataris, émirs, Indiens et autres Russes, ont investi partout en Europe (Manchester City, Blackburn, Malaga, Santander, PSG) mais pas en Italie. Pourquoi ? Parce que « en Italie, c’est trop compliqué » , justifiait il y a quelques semaines le mythique journaliste Gianni Mura, au moment où explosait l’affaire des paris clandestins. Une citation qui résume tout. Et que l’on pourrait interpréter par « en Italie, rien ne doit évoluer » . Or, lorsqu’Aurelio De Laurentiis pète un plomb en plein tirage au sort du calendrier, et lance : « Vous êtes des merdes » à l’assemblée, c’est ce malaise qu’il tente, maladroitement, d’exprimer. Et c’est bien en ça que l’arrivée de l’Américain Di Benedetto à la tête de l’AS Roma est une bonne chose, même si elle est encore pleine de zones d’ombre. Au moins, quelque chose bouge. Et évolue.

Ciao Italia

Pastore et Sanchez, donc. Mais aussi Sirigu, Felipe Melo, Muslera, Milanetto, Menez, Sosa, Yebda, Riise, Doni, Zapata, Goian, Kasami, Coulibaly ou encore Salihamidzic. Ils ont tous dit « ciao » à l’Italie. Ils ont tous préféré aller voir ailleurs, pour des raisons sportives, économiques ou personnelles. D’autres sont arrivés. Mais personne n’a coûté 45 millions d’euros. D’une part, parce que personne n’a voulu (pu ?) les sortir, de l’autre, parce qu’aucun joueur d’un tel calibre, en pleine maturation, n’a accepté les offres italiennes. Des faits symboliques qui valent mieux que n’importe quelle analyse.

Eric Maggiori

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