ACTU MERCATO
La Serie A, l’eldorado des trentenaires ?
Depuis des années, la Serie A est devenue l’une des destinations préférées des trentenaires (encore) à la recherche de sensations fortes. Mais de l’autre côté des Alpes, ces pré-retraités ne débarquent pas pour enfiler des perles et s’offrent souvent une jolie dernière danse. Mais qu’est-ce qui explique ces mariages plus vieux ?
Le 16 juillet dernier, seulement quelques jours après s’être installé sur le toit de l’Europe, Alvaro Morata débarquait à Milan pour parapher son contrat avec les Rossoneri, avant de s’autoriser quelques jours de congé bien mérités. Après Zlatan Ibrahimović et Olivier Giroud, le septuple champion d’Europe a de nouveau décidé de confier les rênes de son attaque à un trentenaire (31 ans). Toujours dans la cité lombarde, l’Inter s’est elle aussi attachée les services de trentenaires, à savoir Mehdi Taremi (32 ans) et de Piotr Zieliński (30) pour la somme rondelette de 0€. Autre club à miser sur l’expérience, le Como 1907 – tout juste promu – qui a ramené en Lombardie Alberto Moreno (32), Pepe Reina (41 berges), sans oublier Raphaël Varane (31) qui devrait débarquer dans les prochains jours.
✍ @AlvaroMorata is Rossonero 🔴⚫
Adding a touch of 𝑅𝑜𝑗𝑜 to our #DNACMilan 🧬#SempreMilan
— AC Milan (@acmilan) July 19, 2024
Le modèle Inter
« L’expérience est le commencement de la sagesse », disait ce bon vieux Alcman de Sardes. Une citation qui continue d’inspirer les écuries de Serie A, toujours prêtes à ouvrir leurs portes aux vieux briscards. Les exemples sont à la pelle : Franck Ribery à la Fiorentina, Zlatan Ibrahimović au Milan, Guillermo Ochoa à la Salernitana, Ángel Di María à la Juve, Henrikh Mkhitaryan à l’Inter, sans oublier Olivier Giroud au Milan. Des joueurs considérés comme plus aptes pour le football de haut niveau et qui sont parvenus à montrer qu’ils en avaient encore un peu sous la semelle. « En arrivant à la Fiorentina, beaucoup pensaient que j’étais en fin de carrière, mais on m’a fait confiance, ce qui m’a permis de performer et de continuer sur mes standards du Bayern », expliquait Franck Ribery dans un entretien en 2020 pour la Gazzetta dello Sport. Mais alors, pourquoi le Calcio plaît tant à ces joueurs de seconde main ?
Si le championnat transalpin se veut plus offensif et moins cadenassé depuis la vague des Gasperini, De Zerbi ou encore Sarri, il garde néanmoins son exigence et sa rigueur tactique. Une Serie A qui se veut moins intense et moins rythmée que les championnats anglais ou allemand, permettant aux trentenaires de plus miser sur leur science du jeu que sur leurs qualités physiques, pour le dire vulgairement. « Lorsque je débarque à Milan, j’avais 33 ans. J’ai donc de l’expérience et donc une capacité d’adaptation beaucoup plus forte par rapport à un jeune moins expérimenté. C’est plus simple d’appréhender une nouvelle culture, dans un pays réputé pour son exigence tactique », soulignait Olivier Giroud en janvier 2022, dans un entretien pour Colinterview. « Quand j’ai signé à l’Inter à 33 ans, beaucoup pensaient que je débarquais pour compléter l’effectif. On m’a sous-estimé, mais j’ai tout de suite fait comprendre que je venais ici pour jouer et pour devenir un titulaire. En Italie, peu importe l’âge, si tu es bon, tu joues », argumentait en janvier dernier Henrikh Mkhitaryan à la Gazzetta dello Sport.
L’international arménien et l’Inter illustrent finalement parfaitement ce flirt entre les clubs de la Botte et les trentenaires. Faire du neuf avec du vieux, telle est la politique des Nerazzurri : Mkhitaryan donc, mais également Darmian, Acerbi, Sommer. Des joueurs considérés comme sur la pente descendante ailleurs en Europe, mais qui ont été des artisans majeurs de la réussite de l’Inter ces dernières saisons, en attestent la finale de Ligue des champions contre Manchester City en 2023 et le Scudetto glané la saison dernière. Avec un effectif composé en grande majorité de profils de plus de 30 ans (40% de l’effectif interiste a plus de 30 ans, contre seulement 2,9% au PSG), l’écurie milanaise peut se targuer d’obtenir des résultats probants en recrutant des joueurs à moindre coup. L’argument économique pèse forcément dans la balance, surtout pour l’Inter qui connaissait certaines difficultés financières avec le prêt (qui n’a finalement pas été remboursé) contracté par l’ancien président Steven Zhang auprès d’Oaktree, qui a repris le club. Mais si pour les Nerazzurri, cette politique a fonctionné (du moins sportivement), d’autres en revanche n’ont pas eu autant de réussite. Le dernier exemple en date est la Salernitana qui a décidé de miser sur les vieux briscards la saison dernière pour la bataille du maintien. Mais malgré les arrivées au mercato hivernal de Jérôme Boateng et de Kōstas Manōlas, l’expérience a tourné au vinaigre et les Granata ont terminé bons derniers.
Le revers de la médaille
Si les clubs de Serie A ont toujours une appétence pour les joueurs expérimentés, ils savent aussi pertinemment qu’adopter une politique uniquement basée sur des profils à l’âge avancé n’est pas viable. « Je ne pense pas que le Milan est amoureux des joueurs trentenaires. Ces dernières années, nous avons bâti notre projet sur des jeunes joueurs, avec toujours quelques profils plus expérimentés, car c’est important d’en avoir dans son équipe », nuance un membre de la direction sportive du Milan. Des écuries italiennes qui apprécient les baroudeurs, mais qui ne misent pas uniquement sur ces derniers. Lorsque l’Inter recrute Sommer l’été dernier, elle attrape dans le même temps Frattesi et Bisseck, lorsque le Milan enrôle Morata, il recrute aussi Pavlović (23 ans), lorsque la Roma prioche Rui Patrício, elle recrute Tammy Abraham. Un alliage entre insouciance et expérience est souvent gage de réussite, pas seulement en Italie.
⚪️ @PReina25 is a biancoblu 🔵 pic.twitter.com/0NVRiSM78t
— Como1907 (@Como_1907) July 18, 2024
Néanmoins, le problème reste le même de l’autre côté des Alpes : le manque de confiance accordée aux jeunes talents. En effet, si les écuries transalpines recrutent aussi bien des joueurs trentenaires que des gamins de la génération Z hors-Italie, ce sont toujours les mêmes qui en pâtissent : les jeunes talents italiens. C’est simple, en moyenne en Serie A, un joueur âgé de 32 ans joue en une saison 1750 minutes, contre à peine 300 pour un ragazzo de 19 ans. Si les instances italiennes ont décidé de supprimer le fameux Decreto Crescita pour favoriser la formation italienne, le problème persiste. Les clubs transalpins ne font pas encore confiance à leur jeunesse et préfèrent miser sur des joueurs expérimentés donc (ou bien des jeunes prospects étrangers), comme le fraîchement promu Como, qui a décidé de ramener des Pepe Reina, Gerard Moreno, Raphaël Varane ou encore Andrea Belotti. Une politique globale qui a un impact direct sur la Nazionale : « Nos jeunes joueurs sont talentueux, mais manquent cruellement de confiance, ils jouent avec beaucoup de crainte et de peur. Et ça, c’est aussi car nos clubs ne les font pas assez jouer tout au long de la saison », nous expliquait justement Claudio Gentile il y a quelques semaines. Pour voir Francesco Camarda en pointe de l’attaque milanaise, il va donc falloir encore attendre.
Par Tristan Pubert