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La semaine folle de Berahino
À tout juste 20 ans, Saido Berahino vient de vivre une semaine dont il se souviendra longtemps. Mercredi, il marque contre Arsenal en League Cup, même si son club s’incline aux tirs au but. Samedi, il récidive, et donne cette fois la victoire à West Brom’ sur la pelouse de Manchester United.
Aussi improbable soit-il, Saido Berahino, 20 ans, a marqué autant de buts cette saison, toutes compétitions confondues, que Zlatan, Cavani ou Falcao. Sept réalisations, pour lui, très exactement, comme le Colombien, et un de plus que les deux Parisiens. Quatre en League Cup, deux avec les Espoirs anglais et un en Premier League. C’est évidemment avec le dernier en date que Berahino a explosé aux yeux du grand public. On joue la 67e minute à Old Trafford. Manchester United vient d’égaliser. Mais West Bromwich croit dur comme fer en ses chances et se rue à l’attaque. Amalfitano, auteur du premier buteur de WBA, offre un ballon en or à Berahino. Le jeune espoir ne se pose pas de questions et fusille De Gea d’une frappe soudaine du pied gauche. 2-1. Pour la première fois depuis 35 ans, West Bromwich s’impose à Old Trafford. Grâce à Amalfitano, certes, mais surtout grâce à ce but décisif de Berahino. L’histoire est belle : au coup d’envoi de la rencontre, le joueur du Burundi est sur le banc. Mais à la 13e minute, Scott Sinclair se blesse. Steve Clarke lance alors dans le bain sa jeune pépite, qui, jusque-là, vantait une expérience de 28 minutes en Premier League. Trois jours plus tôt, c’est déjà lui qui avait fait trembler Arsenal, en égalisant lors d’un match de League Cup. Les Gunners se sont finalement qualifiés aux tirs au but, mais, là encore, Berahino a bien failli être le héros.
Sept buts en un mois
Alors, d’où sort-il, ce Berahino ? De West Bromwich Albion, tout simplement. L’attaquant est formé au club et a intégré le centre de formation à l’âge de 11 ans. Néanmoins, il ne dispute pas la moindre minute avec l’équipe première jusqu’à cette année. Le 1er décembre 2010, alors qu’il n’a que 17 ans, il est amené sur le banc pour un match de League Cup contre Ipswich. Mais il n’entrera pas et assiste impuissant à la défaite 1-0 des siens. Berahino accumule du temps de jeu avec la réserve, mais comprend vite qu’il va falloir partir faire ses armes ailleurs avant de débuter avec l’équipe première. Commence alors une série de prêts, qui vont l’emmener tour à tour à Northampton (trois mois, d’octobre 2011 à janvier 2012), puis à Peterborough (deux mois, d’octobre à décembre 2012). Là-bas, il joue pratiquement tous les matchs et marque quelques buts, mais pas de quoi s’émerveiller devant ses prestations. Entre deux prêts, il dispute 7 misérables minutes d’un premier tour de League Cup avec West Bromwich, le 28 août 2012, sa première apparition officielle avec les pros. Bref, la route semble longue et tortueuse pour lui. Mais il insiste.
De janvier à mai 2013, il reste à West Brom’, s’assoit sur le banc à pratiquement tous les matchs, mais n’entre jamais en jeu. Même pas une petite minute, rien. L’été arrive et la question se pose : partir en prêt en deuxième division, ou bien insister à West Brom’ ? Le joueur hésite, et choisit finalement l’option la plus compliquée. Il reste. Bon choix. Le 27 août 2013, un an tout rond après sa seule apparition avec WBA, c’est le tournant. Berahino est titulaire pour la première fois, pour un match de League Cup contre le modeste Newport County. Le mec est en feu et claque le premier triplé de sa carrière, pour une victoire 3-0. L’engouement est alors énorme autour de ce gamin qui vient à peine de fêter ses 20 ans. Trois jours plus tard, Clarke lui fait faire ses grands débuts en Premier League, face à Swansea. Le moment doré se poursuit, et Berahino marque lors des deux matchs de qualification à l’Euro 2015 U21, avec les Espoirs anglais. Un pion contre la Moldavie (1-0) et un autre contre la Finlande (1-1). Puis le but contre Arsenal, et enfin celui contre Manchester. Tout cela en l’espace d’un mois. Folle ascension.
Dieu est bon
À y regarder de plus près, ce qui arrive en ce moment à Berahino est une belle leçon de vie. Car celle du joueur n’a pas toujours été rose, loin de là. Son enfance, le petit Saido la passe au Burundi, son pays natal. Mais très vite, il va devoir fuir. Le Burundi est un pays en guerre, et le futur joueur quitte sa patrie avec sa mère Liliane, son frère et ses sœurs. Il est alors âgé de 10 ans, et il débarque en Angleterre. « La guerre n’est pas quelque chose dont j’aime parler, mais cela a été une très mauvaise expérience. Je remercie juste Dieu de m’avoir donné une autre opportunité de venir en Angleterre et de commencer une nouvelle vie » , raconte-t-il. Sa famille obtient l’asile politique à Newton, près de Birmingham. Saido doit alors tout reconstruire : sa vie, son entourage. Et le football est là pour l’y aider. Il intègre d’abord le petit club de Phoenix United, puis, en 2004, il est repéré par les émissaires de West Bromwich Albion et intègre ainsi le Centre of Excellence du club. Sept années plus tard, il signera son premier contrat pro avec les Baggies, dont il est désormais l’un des grands espoirs.
Pourtant, malgré les grandes attentes placées en lui, Berahino ne gagne aujourd’hui que 1000 euros par semaine, soit 270 fois moins que Rooney. Et visiblement, pour le moment, il s’en tape. La preuve : ce week-end, sur Twitter, le joueur a lâché un statut biblique : « Ceux qui aiment l’argent n’en auront jamais assez. Il est insensé de penser que la richesse peut apporter le vrai bonheur. » Classe. D’ailleurs, dans pratiquement tous ses statuts, Berahino fait référence à Dieu et à Jésus. Lorsque WBA est éliminé aux tirs au but par Arsenal, lui se dit « déçu » , mais il « remercie Dieu pour ce nouveau but » . Idem, après la victoire à Old Trafford, il publie une photo du vestiaire, avec comme commentaire « Dieu est bon » . Dieu est bon, certes, mais le petit Berahino, lui aussi, n’est pas mal non plus. L’Angleterre aura l’occasion de le découvrir tout au long de la saison. Amen.
Eric Maggiori