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La « rotativité » de Lopetegui à l’épreuve du temps
Les saisons sont longues et éprouvantes, les matchs et les efforts de plus en plus intenses et donc, a fortiori, les blessures plus fréquentes. Afin de préserver ses joueurs sur toute la saison, Julen Lopetegui mise sur ce qu’il appelle la « rotativité ». Si la version classique, celle de Guardiola, a déjà fait ses preuves, la variante du Basque n’a, elle, rapporté aucun titre au FC Porto.
Quand Julen Lopetegui débarque sur le littoral portugais, un immense chantier l’attend. Le passage de Paulo Fonseca au FC Porto a ébranlé le club qui, après une décevante troisième place en 2013-2014, très loin derrière le champion benfiquista, se doit de réagir. Et rebondir. Tout jeune entraîneur, l’ancien portier blaugrana possède dans son carnet d’adresses de quoi enchanter le public du Dragão. Grâce à lui, Brahimi, Óliver Torres, Casemiro et Marcano débarquent à l’été 2014. Plus que des noms, plus qu’un agenda bien garni, Lopetegui, c’est aussi et surtout un concept, la « rotativité » ( « rotatividade » , en portugais). Le néologisme désigne la rotation de l’effectif classique, que l’on retrouve par exemple chez un Wenger, poussée à l’extrême. Cette forme de gestion de l’effectif n’est pas nouvelle, puisqu’elle était déjà utilisée depuis plusieurs années par Pep Guardiola, modèle à suivre pour le technicien basque de Porto. Pour pousser la définition un peu plus loin, la « rotativité » détruit presque les rôles de titulaire indiscutable et de remplaçant régulier. Dans un tel cadre, tout le monde joue et tout le monde se retrouve à un moment ou l’autre sur le banc. Le modèle de gestion de Lopetegui insinue un voire deux changements dans le onze de départ d’un match à l’autre. La saison dernière, les Azuis e Brancos ont dû attendre 33 matchs (20e journée de Liga Nos) avant de débuter deux fois de suite avec les mêmes têtes. Une nouvelle manière de voir le football qui n’est pas forcément du goût de tout le monde dans la ville invaincue. À la manière d’un Leonardo Jardim à son arrivée à Monaco, fustigé pour l’absence d’entraînement sans ballon dans sa méthode, l’Espagnol aurait été prié de faire ses valises fin 2014 si cela dépendait de l’avis du socio lambda. Car si la « rotativité » se montre rentable en Ligue des champions, elle ne convainc personne sur le plan national. Jorge Jesus, qui ne fait tourner que lors des matchs déjà gagnés ou en Coupe de la Ligue, n’a-t-il pas remporté le championnat à plusieurs reprises ?
Ego, manque d’automatismes et difficultés à court terme
Si l’efficacité d’une idéologie, d’un concept, se mesure aux titres obtenus, force est de constater que la manière de bosser de l’ancien sélectionneur de la jeune Roja n’est pas bonne, ou du moins pas adaptée au football lusitanien. L’année dernière, Porto n’a rien gagné. Il est néanmoins bon de souligner que dans son malheur, la formation portista est devenue meilleure deuxième de l’histoire du football national avec 82 points (en 34 journées). Cet échec est en grande partie dû à un début de saison très moyen. D’août à décembre 2014, le FCP n’a enregistré « que » 64,28% de succès en Liga Nos, avec une série de trois nuls consécutifs entre les 4e et 6e journées. Sur cette période, aucune ligne – pas même aux cages – n’est restée intacte. Seuls Danilo, Ruben Neves, Herrera et Jackson Martínez ont la chance de garder leurs places de titulaire sur ladite période. C’est là l’un des points faibles de la « rotativité » . En changeant aussi souvent son onze, l’entraîneur empêche le joueur de se familiariser avec son rôle dans le collectif. Et quand bien même il venait à l’assimiler rapidement, il ne disposerait que de peu d’automatismes avec les autres maillons de la chaîne, eux aussi rarement fixes. La « rotativité » , c’est presque le suicide du court terme d’un point de vue collectif. L’individuel est également affecté. Comment permettre à un homme en mal de confiance de retrouver son assurance sans temps de jeu ? Comment gérer le cas des indiscutables qui n’acceptent que trop peu de vouloir passer du temps sur le banc des remplaçants (comme Quaresma avant de retourner au Beşiktaş) ? Enfin, la « rotativité » a-t-elle un sens lorsqu’on n’a pas l’effectif du Bayern Munich ? Rien n’est moins sûr.
Un diesel et peu de blessures
Si elle présente de nombreux points noirs dans l’immédiat, la méthode présente en revanche beaucoup d’avantages au fur et à mesure que le temps passe. Moins de blessures que les autres formations de son calibre, une plus grande fraîcheur physique et, enfin, la récolte des premiers automatismes semés en automne. De janvier à mai 2015, le FC Porto a enregistré 80% de victoires en Liga portugaise. En mars, alors que Porto venait de se qualifier pour les quarts de finale de la Ligue des champions aux dépens de Bâle, Lopetegui savourait : « Les saisons sont longues. Il faut gérer son effectif. Peut-être que maintenant, vous comprenez que la rotativité sert à ça. » À ça, mais pas seulement. Humainement, ce concept a également du bon. Si les gros égos ont la désagréable certitude qu’ils feront forcément quelques tours sur le banc, les petits calibres, eux, ont le luxe de se dire qu’ils auront à un moment ou l’autre leur chance en bossant bien à l’entraînement. Et si personne ne connaît personne en début de saison, tout le monde sait comment évoluer avec tel ou tel partenaire à partir de janvier/février. Si Lopetegui avait un effectif plus stable sur la durée, il n’aurait probablement pas à repasser éternellement par la première étape. Mais, à l’instar d’un Jardim à Monaco, il est en quelque sorte victime de la politique de vente massive de talents chaque été. En Liga Nos et en Ligue des champions, son bilan est pour le moment strictement identique à celui de 2014/2015. Reste à savoir si Porto atteindra de nouveau les quarts de C1 en 2016 et s’il bouclera sa saison avec 82 unités en championnat. Le Basque signerait bien pour un tel scénario. À une seule condition : terminer l’exercice sur le trône du foot lusitanien.
Par William Pereira