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La Roja et l’épineux cas Diego Costa
Encore une fois absent du rassemblement de l'équipe d'Espagne, Diego Costa ne cesse d'alimenter ses détracteurs et de multiplier les interrogations. Naturalisé à la hâte avant le Mondial, attendu comme la pointe qui manquait à la Roja, il reste un mystère. Sauf pour Del Bosque, qui ne cesse de le défendre.
Les Tigers ont eu raison de la Bestia. Car lors de ce duel dominical des plus animaliers, Diego Costa a frappé, a marqué, mais s’est surtout blessé. La victoire de Chelsea, poussive et providentielle face à Hull City, n’a ainsi pas empêché José Mourinho de ronchonner après-match. « Il a cette fragilité » , bougonnait le Portugais au sujet de la santé bancale de sa pointe hispano-brésilienne. Avec ce nouveau pépin physique – une tendinite au pied gauche -, l’ancien Colchonero a, de fait, déclaré forfait pour les deux prochaines rencontres de la Roja face à l’Ukraine et aux Pays-Bas. Une redondance depuis son choix de sélection pré-Mondial brésilien. Entre absence sur blessure, interrogation sur son engagement et doute quant à son intégration sur le pré, il cristallise tous les tâtonnements de cette génération espagnole renouvelée. Même si Vicente del Bosque ne le lâche pas, la vérité du terrain ne parle pas en sa faveur. Son petit pion en sept sélections encore moins. Celui qui devait être la relève de David Villa et de Fernando Torres ne serait-il pas en train de se muer en un fardeau trop imposant ?
« Nous ne pouvons douter de lui »
Cet affolement médiatique trouve sa genèse avant même sa première cape sous la liquette des champions du monde et doubles champions d’Europe. Retour à la mi-octobre de l’an 2013, donc : toujours sans sélection fixe, la RFEF reçoit la si désirée documentation pour naturaliser sportivement le goleador de l’époque de l’Atlético Madrid. Le branle-bas de combat instauré à las Rozas par Vicente del Bosque fonctionne, et Scolari lâche du lest. Le début de la fin, ou la fin dès le début, c’est selon. Sa convocation du 7 novembre pour une tournée en Guinée équatoriale, ce « processus logique » dixit son sélectionneur, est un fiasco. Sur le flan quatre jours plus tard avec l’Atléti, il déclare forfait. Il étrenne finalement la camiseta roja dans son Vicente-Calderón face à l’Italie. Ce dernier rassemblement avant le Mondial brésilien suffit à l’installer dans l’escouade des tenants du titre. Et ce, malgré une blessure récurrente et semble-t-il incurable au biceps fémoral de la jambe droite qui lui coûte, quelques semaines plus tôt, une place de protagoniste en finale de Liga et de Ligue des champions.
Plus chaotique encore, le Mondial des hommes de Del Bosque ouvre grand la porte à un renouvellement de générations. Avec ses 25 printemps, Diego Costa fait figure d’étendard de ce revêtement de façade. Encore une fois, raté. Tandis qu’il flambe sous ses nouvelles couleurs londoniennes, il répond par la négative à sa convocation, prétextant une grosse fatigue physique. Le tout alors qu’il enfile les buts comme des perles avec Chelsea. Sergio Ramos en vient même à le critiquer publiquement, à l’instar de son comparse Fàbregas : « Cela peut générer quelques doutes, pas seulement auprès des coéquipiers, mais également du public. Ça ouvre un débat » . Des propos qui provoquent un tollé outre-Pyrénées. En bon père de famille, Vincent sort du bois et appelle au calme. « Diego Costa est spécial, clame-t-il d’entrée. Si nous doutons de lui pour son engagement, c’est un faux débat. Encore plus avec un joueur qui est brésilien et qui s’est fait naturaliser espagnol. Nous ne pouvons douter de lui après ce qu’il nous a donné. » Outre un changement de passeport, son apport reste bien maigre jusqu’à aujourd’hui : un pion en sept sélections.
Contre vents et marées
« Mon histoire avec la sélection n’a toujours pas commencé, regrette-t-il dans les colonnes de Marca. Je n’ai toujours rien fait. La sélection est une chose que j’ai en tête. Je suis désolé de ne pouvoir apporter ce que je voulais. » Encore une fois absent du rassemblement espagnol, la Bestia tente de désamorcer une situation étouffante. Surtout, il sait qu’elle ne peut empirer puisque le fond a été touché. Raclé, même. Dans cette Espagne new look, orpheline de Xavi et Xabi, son profil demeure une option plus qu’intéressante. Moins maître du tempo, plus versatile, la Roja a besoin de cet attaquant véloce et complet. Ses concurrents, Alcácer, Negredo, Fernando Torres et Sergio Garcia, gardent une longueur de retard, de par leurs profils et leurs performances en club. Surtout, dans la tête d’un Vicente del Bosque qui l’a défendu contre vents et marées, il dispose toujours d’une cote élevée. Lui écoute « les critiques sur (s)on rendement » , mais fait fi des « critiques sur (s)on engagement » . Car entre ses petits trafics juvéniles à la frontière entre Brésil et Uruguay et son parcours professionnel tortueux, la Bestia a au moins pour elle un mental à toute épreuve.
Par Robin Delorme