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La roche Joubert

Par Maxime Brigand, à Toulouse
7 minutes
La roche Joubert

Formé au FC Metz dans les années 1990 et ancien pensionnaire des catégories de jeunes de l'équipe de France, Jonathan Joubert a écœuré les Bleus dimanche soir à Toulouse (0-0). Et ce, alors que le gardien luxembourgeois de 37 ans vivait sans doute l'une de ses dernières apparitions avec les Roud Léiwen.

Train d’enfer, bruit d’enfer, les Bleus foncent dans la nuit sur le bitume qui sépare la zone mixte du Stadium de Toulouse du bus qui doit les sortir du piège. Quelques mètres plus loin, Didier Deschamps, lui, est en pleine plaidoirie : « Sortir d’un match avec au moins douze occasions sans le gagner, c’est dur. Je tiens à féliciter le Luxembourg, qui, à l’image de son gardien, a été héroïque.(…)On avait prévenu les joueurs. Quand on ne fait pas ce qu’il faut, on peut s’en vouloir. Là, bien sûr, on peut toujours faire mieux, mais on a eu les occasions. Alors, expliquer l’inexplicable après… » Ce mystère, qui a plus de solutions que ce que le sélectionneur avance à cet instant – un niveau offensif affligeant, le manque de compétition de plusieurs cadres (Koscielny, Griezmann), les centres en papier mâché de Kurzawa, le fait qu’il n’a absolument rien tenté tactiquement pour bousculer un scénario angoissant -, Luc Holtz, le sélectionneur des Roud Léiwen, ne veut pas en entendre parler.

Chemise froissée par 90 minutes passées à s’agiter dans un cadre en pointillé, l’ancien international luxembourgeois et joueur du Montceau-les-Mines de Guy Stéphan affirme que « le seul reproche [qui peut être fait à l’équipe de France, ndlr], c’est de ne pas avoir concrétisé leurs occasions de but. Mais dans le football, quand une équipe joue bas, comme nous aujourd’hui, il y a souvent une jambe ou une tête qui contre. » Qu’on se le dise : Holtz se fiche pas mal de ce que pense Deschamps après le nul historique décroché par le Luxembourg (0-0) à Toulouse dimanche soir. Il le sait, « un point contre une nation du top mondial, c’est extrêmement rare. C’est un jour de gloire pour le football luxembourgeois. Avant le match, Joubert, notre gardien, avait dit que c’était un match de gala pour lui. C’était le cas pour tous les joueurs. »

Le sourire de Griezmann, le projo du Stadium

Un héros qui dépasse dans cette histoire : Jonathan Joubert, 37 ans, vient de vivre, à Toulouse, ce qui ressemble « logiquement » à son dernier match international avec le Luxembourg. « Un 0-0, pour nous, est tout simplement magnifique, lâche-t-il dans les coulisses du Stadium, toujours en costume et alors que le vestiaire des siens vient d’être transformé en boîte de nuit avant de partir poursuivre la fête en ville avec les supporters. Je ne sais pas si c’est mon meilleur match en sélection, mais, étant d’origine française, je vais dire que c’est le plus abouti. » Soit une copie parfaite, mêlant réflexes sur sa ligne, aide précieuse de sa barre et solidité dans les airs, même si sa sortie ratée sur la tête de Giroud en première période aurait pu lui coûter cher. Au lendemain de l’exploit, il se marre : « Il faut rétablir la vérité sur cette sortie. Quand je vois le ballon arriver, je suis sûr de l’avoir, mais en sautant, je suis aveuglé par la lumière du stade. Heureusement, derrière, j’ai la chance de sortir la frappe de Griezmann. » Le même Griezmann qui l’a fait décoller pour dévier un coup franc sur la barre. « Après, il m’a regardé, m’a fait un sourire et m’a dit : « Tu fais chier… » Je suis allé le voir à la mi-temps pour récupérer son maillot à la fin du match » , rembobine l’homme aux onze titres de champion du Luxembourg.

« Je n’avais aucune idée d’où je mettais les pieds »

Drôle de destin que celui d’un homme né à Metz à la fin des années 1970 et devenu légende chez le voisin luxembourgeois. Un mec qui pèse son poids, mais surtout plus de 400 matchs en Division Nationale (D1 luxembourgeoise), un record, entre le CS Grevenmacher, où il a débarqué du FC Metz avec des cheveux en 1999, et le F91 Dudelange. La bascule : « Dans ma tête, en partant de Metz, j’étais sûr de trouver un club pro. Le problème, c’est que je n’avais pas de manager. J’ai multiplié les essais : à Rennes, à Caen, à Tours qui était en CFA à l’époque. Je cherchais au minimum de la Ligue 2 et je me suis retrouvé sans proposition avant de partir dans l’inconnu. » L’inconnu, c’est donc Grevenmacher, situé à la frontière allemande, où il décide de s’installer pour éviter d’avaler les kilomètres tous les jours. « J’avais bien fait un ou deux matchs avec le FC Metz au Luxembourg, mais je n’avais aucune idée d’où je mettais les pieds, reprend-il. Et, au bout de cinq ans, c’est devenu très difficile de repartir. » Pour une raison simple : depuis son arrivée au Grand-Duché, Joubert n’a connu que la vie de titulaire. En avril 2006, il décide alors de prendre la nationalité luxembourgeoise, quelques années après avoir connu les catégories de jeunes – U15, U16, U17 – de l’équipe de France avec Anthony Réveillère, Steed Malbranque, Julien Escudé et Sébastien Frey. « La double nationalité n’existant pas, j’ai dû renier ma nationalité française à la préfecture. Et deux mois plus tard, j’ai connu ma première sélection contre le Portugal chez moi, à Metz. Le Luxembourg venait de prendre un 7-0 contre l’Allemagne, je devais donc faire un bon match. En face, il y avait Figo, Cristiano Ronaldo… et je m’en suis sorti avec un 3-0 dont un penalty. J’étais donc assez satisfait de moi. »

Le refus du banc et les messages

Sur sa route internationale, il croise deux premières fois la France lors des qualifications à l’Euro 2012 – deux défaites (2-0, 2-0) dont certains partenaires gardent un souvenir amer face aux comportements des Bleus de l’époque -, vit la première victoire du Luxembourg depuis douze ans en 2007 en Biélorussie (1-0), une sale baffe contre la Slovénie à domicile (0-3) la même année où il doit affronter les insultes de ses propres supporters, mais cumule surtout 88 sélections depuis dimanche soir entre les nombreux titres décrochés avec le F91 Dudelange. « Au début de la dernière campagne, en septembre, Luc Holtz m’a convoqué et on a eu une discussion, détaille Jonathan Joubert. Il m’a expliqué qu’il souhaitait me mettre numéro 2, mais je lui ai répondu qu’après dix ans passés en tant que titulaire, je n’étais pas prêt à aller sur le banc. Je suis revenu pour jouer en Bulgarie (défaite 4-3), puis plus rien jusqu’à cet été où il a fallu beaucoup de circonstances pour que je fasse mon retour. » Ces circonstances sont simples : les absences cumulées de Ralph Schon et d’Anthony Moris alors que Holtz était déjà contraint au bricolage face à une hécatombe invraisemblable.

Joubert relance : « Finalement, je rentre chez moi avec quatre points pris en deux matchs, aucun but encaissé face à la Biélorussie (1-0) et en France (0-0) et une grosse fierté. Je n’ai plus rien à prouver à personne, si ce n’est à ma famille. Je sais que je suis l’un des meilleurs gardiens du pays, mais revenir contre la France était forcément particulier. Madame regardait le match à la maison avec sa famille, j’ai reçu des centaines de messages après la rencontre… Ça fait toujours plaisir. Maintenant, je suis prêt pour la suite même si je sais que j’arrive à la fin de ma carrière. Je ne repartirai pas pour une nouvelle campagne, mais il reste deux matchs. » Retour à la réalité avec un choc prévu face au promu Rodange dimanche au stade Jos-Nosbaum. Il n’y aura plus de mystère, plus d’héroïsme, c’est aussi ça la vie d’une légende anonyme.

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Par Maxime Brigand, à Toulouse

Tous propos recueillis par MB.

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