- Euro 2012
- Demi-finales
- Allemagne/Italie (1-2)
La revue de presse d’Allemagne-Italie
Presse italienne et presse allemande, difficile de ne pas être unanime. L'Italie a réalisé un très grand match, et l'Allemagne une toute petite rencontre. Voyons en détails ce qu'en disent les journaux sportifs des deux pays.
ITALIE
Évidemment, côté italien, c’est l’euphorie pour cette qualification en finale de l’Euro. D’une part, la joie de retrouver une finale de l’Euro, douze ans après la défaite contre les Bleus. De l’autre, le plaisir d’avoir éliminé la puissante Allemagne, avec forcément une symbolique politico-économique derrière tout ça. D’ailleurs, en Une du Corriere dello Sport, qui titre en énorme « Les géants d’Italie » , on peut apercevoir une photo d’Angela Merkel, avec l’annotation : « On vous a fait un spread gros comme ça » , un spread étant, en économie, le différentiel entre deux taux. D’un point de vue plus footballistique, le Corriere annonce que Balotelli a été « splendide » et que l’Italie a donné « une leçon de football aux Allemands » , avant de développer : « Les Azzurri de Prandelli battent l’Allemagne favorite 2-1 et s’envolent comme dans un rêve vers la finale de l’Euro contre l’Espagne, un objectif que même les plus optimistes n’auraient pas pu prévoir. » Dans son édito, le directeur adjoint du journal, Stefano Agresti, explique à quel point cette victoire « redonne de la joie à tout un pays » , en revenant sur une année pour le moins mouvementée en Italie (crise, tremblements de terre, Calcioscommesse…).
Célébrations également du côté de la Gazzetta dello Sport. Le quotidien rose titre « C’est nous !!! » avec une grosse photo de Balotelli et des clichés des moments forts du match. Petite pique dès les premières lignes : « Nous avons encore battu l’Allemagne (2-1). Et maintenant, l’Espagne. » À l’intérieur du journal, pas moins de 20 pages sont dédiées à la rencontre. Le premier gros titre est clair pour comprendre qui est le héros de la soirée : « Straordimario » , jeu de mot entre straordinario (extraordinaire) et Mario. L’attaquant de Manchester City prend d’ailleurs un 8,5, la meilleure note de son équipe : « Le canonnier qui est en Mario s’est réveillé. Fin de la léthargie. Quels buts, messieurs dames. Le premier, une tête, belle, mais normale. Mais le deuxième… Une fugue vers Neuer et une frappe folle, comparable à une arme improvisée. » À vrai dire, toutes les notes sont excellentes. Pirlo prend aussi son 8,5 ( « touché par la grâce, on dirait Mozart en train de composer son Requiem » ), tandis que Buffon, Balzaretti, Bonucci, De Rossi et Cassano reçoivent un 7,5. La Gazzetta est plus sévère avec les Allemands (normal). La meilleure note est pour Reus (6) et la pire est réservée à Mario Gómez, qui récolte un 4 avec le commentaire : « Et dire qu’on l’attendait comme le SuperMario allemand. En fait, c’est plutôt MiniMario… » C’est Bowser qui doit bien se marrer !
Le troisième quotidien sportif, Tuttosport, y va de sa petite vanne en Une. Comme sur tous les autres, c’est une photo de Balotelli qui orne la première page, ce coup-ci avec le commentaire « Li abbiamo fatti neri » . Là encore, jeu de mots : l’expression signifie « On les a démontés » , mais l’utilisation du mot neri (noirs) à côté de la photo de Balo torse nu n’est évidemment pas anodine. Le quotidien turinois, dithyrambique envers les Azzurri, n’élude toutefois pas la rage de Gigi Buffon à la fin de la rencontre, en reprenant sa déclaration : « J’étais énervé, on est train de jouer quelque chose de si prestigieux. Nous n’avons pas le droit de souffrir autant et de jouer avec le feu. Imaginez si, à la fin, sur un cafouillage, ils avaient égalisé… » Le coup de gueule est passé. Quant à la Repubblica, qui n’est pas un quotidien sportif, elle dédie également sa Une à la Nazionale, en titrant : « Le match parfait, les Azzurri en finale » , avant de préciser que 23 millions de téléspectateurs ont suivi l’exploit de l’équipe de Prandelli. Sur le site de la Republicca, l’éditorialiste Fabrizio Bocca assure qu’il s’agit là du « plus grand match de l’Italie depuis le Mondial 2006 » et pose une problématique en vue de l’été qui arrive : « Cette Nazionale, belle, est celle des Diamanti & Cie. Et pourtant, nos clubs continuent à chercher seulement des joueurs étrangers… » C’est dit.
ALLEMAGNE
L’Allemagne y croyait. Plus dure fut la chute. Élimination en demi-finale contre l’Italie. En perdant sans grand panache (2-1), hier, les hommes de Joachim Löw ont filé un sacré coup de blues à la presse allemande. « Pas de finale de rêve contre l’Espagne, pas de récompense pour un tournoi jusqu’alors si bon » , déplore Die Zeit. L’hebdomadaire généraliste rappelle que la Mannschaft court toujours après un titre depuis son sacre à l’Euro 1996… « Parce que les joueurs les plus importants de la Nationalmannschaft, comme Schweinsteiger et Özil, se sont rarement montrés inspirés contre l’Italie, l’Allemagne est éliminée » , expliquent les journalistes du mensuel 11 Freunde. Lesquels ont observé des joueurs « fatigués » , « découragés » , « désemparés » .
Aucun allant offensif, donc, et bien trop de largesses défensives. Il n’y a qu’à voir la facilité avec laquelle Mats Hummels s’est laissé enrhumer par Cassano sur le premier but italien. « Dommage quand même que celui qui a peut-être été le meilleur défenseur central du tournoi ait commis une telle faute de débutant à la 20e minute sur le côté droit de la défense contre Antonio Cassano. » Une erreur qui a permis à l’Italien de déposer la balle sur le crâne de Mario Balotelli. Et bing, ouverture du score ! Auteur des deux buts italiens, Super Mario s’est bien régalé devant la fébrilité d’un Hummels ou d’un Badstuber. Seule réplique de l’Allemagne : le but sur penalty d’Özil dans le temps additionnel. Pas de quoi apaiser la frustration du tabloïd Bild, quotidien le plus lu du pays, qui a remis en cause les choix tactiques du sélectionneur Jogi Löw. C’est-à-dire les titularisations de Gómez, Podolski et Kroos, respectivement en lieu et place de Klose, Schürrle et Reus. « Gómez et Podolski ont été un échec total. Les deux ont dû sortir à la mi-temps. Un aveu, de la part de Löw, qu’il s’était trompé. Mais la correction est venue trop tard. »
Pour la quatrième fois consécutive en demi-finales d’une compétition majeure, l’Allemagne vient à nouveau de se faire bouter par l’Italie aux portes de la finale. Comme au Mondial 2006 qu’elle avait organisé. Alors, le bihebdomadaire Kicker préfère prévenir : « Cette Mannschaft a du talent, de la classe, et c’est pour cela qu’elle a un avenir prometteur. Ces belles prédispositions demandent toutefois confirmation, c’est-à-dire enfin un titre. L’enthousiasme autour de cette sympathique Nationalmannschaft est joli à voir ; mais l’ambiance festive est une chose, le succès sportif en est une autre. » Philipp Lahm et Bastian Schweinsteiger n’étant plus tout jeunes, ils ont intérêt à avoir capté le message lors du Mondial 2014.
Eric Maggiori et Adrien Pécout