- Ligue 1 – Stade Brestois
La revanche de Bernard
Quatre ans après avoir quitté la Ligue 1 sur une énième saison compliquée avec le PSG, ce bon vieux Bernard Mendy est de retour dans nos contrées. À Brest, l’ancienne tête de turc du Parc a pour mission d’aider son nouveau club à se maintenir, enrichi de plus d’une décennie d’expérience du haut niveau et d’un état d’esprit ô combien revanchard.
Il faut être honnête, on avait un peu zappé Bernard Mendy. Depuis son départ du PSG à l’été 2008, direction l’Angleterre et le pas-du-tout-sexy club d’Hull City, que sait-on exactement ? Qu’il a passé une première honnête saison en Premier League, sous les ordres de Phil Brown, l’ex-assistant de Sam Allardyce à Bolton, club où il s’était relancé en prêt en 2002/2003. Qu’il a nettement plus galéré la seconde, se noyant avec l’équipe dans les bas-fonds du classement et préférant résilier son contrat pour mieux se relancer. Qu’il s’est alors manqué dans les grandes largeurs, traînant trop pour choisir un nouvel employeur et se retrouvant huit mois au chômage. Qu’il a finalement atterri à Odense au Danemark, où il a fait le métier, en pro, mais sans se fouler non plus, trop loin de la France et de sa famille qui y était restée pour être totalement épanoui.
Tantôt placé latéral droit, son poste de prédilection, tantôt balancé sur le flanc gauche, parfois utilisé au milieu de terrain pour la cause, le bon « Narbé » a fermé une gueule qu’il ouvrait un peu trop par le passé et laissé filer le temps dans l’anonyme championnat Danois. C’est en Scandinavie qu’il a fêté ses 30 ans en août dernier et, très honnêtement, ça commençait à sentir franchement le sapin pour sa carrière, entamée douze ans plus tôt à Caen, son club formateur. Et puis miracle, le Stade Brestois s’est manifesté. La formation bretonne, en quête d’un arrière droit de métier pour remplacer Omar Daf, reparti à Sochaux, a sorti une carte un peu identique à celle jouée la saison dernière lorsqu’elle avait recruté Jonathan Zebina : celle de l’éphémère international français à la carrière déliquescente à l’étranger et désireux de revenir au bercail pour se relancer, fort d’un état d’esprit revanchard.
Mendy, Paris, même combat
Car oui, Bernard a une revanche à prendre. Sur lui-même d’abord, a-t-il dit à la signature de son nouveau contrat, mais aussi sur les autres. Les « autres » , ça comprend pas mal de monde en vérité : les suiveurs du foot, les anonymes qui l’ont souvent pris en grippe dans toutes les tribunes de France, Parc des Princes compris, où le public censé l’encourager du temps où il portait la tunique parisienne n’a pas toujours été des plus délicats avec lui. Les journalistes et chroniqueurs sportifs aussi en ont fait une tête de turc un peu facile. Plombé en 2006, raillé pour sa propension à centrer comme une brêle, pointé du doigt pour son insouciance teintée d’insolence, il a semblé cristalliser toutes les rancœurs et les moqueries entourant le PSG de la période de difficile transition entre l’ère Canal et l’arrivée manquée de Colony Capital.
Sans qu’il ne l’ait jamais revendiqué, Bernard Mendy a durant plusieurs saisons été le symbole du club parisien. C’est limite même plus que ça : il était le PSG fait homme. Attachant quoiqu’arrogant, parfois fantastique, parfois embarrassant, le plus souvent moyen, brillant un match durant, brouillon les cinq suivants. C’est en 2000 qu’il a débarqué à la capitale, après seulement un an d’apprentissage du haut niveau en D2 avec Caen. C’est l’époque folie des grandeurs de Laurent Perpère, qui enrôle Nicolas Anelka, Peter Luccin et Stéphane Dalmat. Pourtant les résultats sont décevants. Bernard choppe quelques titularisations, mais est barré le plus souvent par Cristobal. Prêté une saison à Bolton, il mûrit au contact des Okocha, Djorkaeff, N’Gotty et Laville. Son retour en France lors de la saison 2003/2004 constitue l’incontestable sommet de sa carrière. Avec Déhu, Heinze, Pierre-Fanfan puis Sorín, il forme une défense solide. Son entente offensive à droite avec Fabrice Fiorèse est également parfaite. Le PSG d’Halilhodžić termine cette saison-là vice-champion de France, à trois points de Lyon, et vainqueur de la Coupe de France 1-0 face à Châteauroux.
Roberto Carlos enrhumé
Le numéro 5 parisien marche sur l’eau. Et prend le melon, un peu. Retenu par Santini pour disputer un match France/Brésil commémorant le centenaire de la Fifa, il entre en jeu en seconde période et, sur une accélération, enrhume Roberto Carlos avant d’adresser un centre en retrait parfait pour Wiltord. L’action fait le tour du monde et constitue tout à la fois pour Bernard le plus grand et le pire moment de sa carrière. La presse s’enflamme, le public s’enflamme, lui-même s’enflamme. Sauf qu’une action, si superbe soit-elle, n’aurait pas dû masquer l’essentiel : le natif d’Évreux est un honnête latéral, mais certainement pas plus. Formé à la va-comme-je-te-pousse, balancé dans le grand bain sans avoir bien révisé ses gammes tactiquement, Mendy a souvent pêché par excès de fougue et sautes de concentration. Trop généreux, pas assez lucide, c’était le genre à foncer tête baissée et à centrer sans la relever, à privilégier la quantité à la qualité. D’où cette multiplication de centres au troisième poteau qui feront sa réputation, parfois un peu dure avouons-le.
Les quatre saisons suivantes – ses quatre dernières au PSG – déçoivent, forcément. Il s’énerve, il énerve. Quand le club s’enfonce dans la crise, multiplie les entraîneurs et ne peut viser mieux qu’un ventre mou, c’est lui qui prend pour toute l’équipe. Ce n’est pas toujours mérité pourtant. Lassé, il finit par quitter la capitale en 2008, non sans avoir remporté une nouvelle Coupe de France en 2006 et une Coupe de la Ligue en 2008, avec le péno de la gagne transformé au bout des arrêts de jeu en guise de cadeau d’adieu. La suite, c’est donc l’Angleterre, le chômage, le Danemark et ce retour en Ligue 1 avec le Stade Brestois. Bernard Mendy aura 31 ans en août. Seulement, serait-on tenté de dire. Il se dit heureux d’avoir trouvé un « club familial » avec « beaucoup de valeurs » . Heureux aussi de retrouver des potes : Tripy Makonda et Ahmed Kantari de l’époque parisienne, Bruno Grougi et Benoît Lesoimier, qu’il a connu en Normandie. Heureux enfin d’avoir un nouveau défi en France, au contact de sa famille, avec une pression bien moindre qu’à l’époque du PSG. Avec son expérience, son bon esprit, sa sagesse nouvelle et sa polyvalence, Narbé le revanchard pourrait bien constituer un pari gagnant pour Brest.
Régis Delanoë