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La rentrée de Gigio
Alors que la plupart des mecs de son âge viennent d’entamer leur dernière année de lycée, Gianluigi Donnarumma continue de brûler les étapes en étant déjà remplaçant de Buffon en sélection. Le bac attendra.
Ce jour-là, le 16 mai 2015, les curieux qui occupaient les travées du Beroe Stadium de Stara Zagora étaient surtout venus admirer un autre gardien de but. Un certain Luca Zidane qui gardait les cages de l’équipe de France et n’avait pas été inquiété durant cette rencontre à sens unique. Tout le contraire de son homologue d’en face. Par trois fois, Gianluigi Donnarumma était allé recueillir un ballon envoyé au fond des filets par Nanitamo Ikone et Odsonne Edouard en deux occasions. L’Italie s’arrêtait ainsi en quarts de finale de l’Euro U17. Quinze mois plus tard, Gigio retrouve les Bleus, passant de Bilal Boutobba à Antoine Griezmann. La folle ascension continue.
Un Guiness book à lui tout seul
Gigio 1 – Gigi 0. Et encore, le score ne reflète pas la physionomie du match, puisque Donnarumma, dix-sept ans et demi, a mis deux ans et deux mois dans la vue de son illustre prédécesseur. Buffon a beau avoir fait ses grands débuts en sélection à l’âge de dix-neuf ans et neuf mois, il ne figure qu’au 31e rang du classement de la précocité, tandis que le portier du Milan est carrément venu se placer sur un podium dont les deux premières places sont occupées par Pietro Gavinelli et Renzo De Vecchi depuis… 1911 ! Il est ainsi devenu le plus jeune gardien à endosser le maillot azzurro, effaçant des tablettes Piero Campelli, d’un an son aîné au moment d’étrenner sa première cape contre la Finlande lors des J.O de 1912.
La carrière de ce surdoué continue d’être constellée de chiffres les plus fous les uns que les autres. Déjà plus jeune joueur de l’histoire des Espoirs italiens, il n’y aura finalement effectué qu’un bref passage, trois sélections entre mars et août de cette année. Contrairement à Antonio Conte, Giampiero Ventura a décidé de ne pas attendre une minute de plus et l’a intégré directement à la Nazionale A. Une décision facilitée par une concurrence de qualité, mais qui tend à stagner (Marchetti, Sportiello, Perin, Viviano, Consigli, etc.), par les dix étrangers titulaires au poste en Serie A et la situation immuable de Sirigu passé de remplaçant de Trapp à doublure de Rico.
Nouveau chouchou
« Je ne suis pas surpris de le voir ici, il réalise des choses exceptionnelles, c’est un prédestiné. Mais attention, on ne lui a rien offert, il a certes le talent et la classe, mais il possède aussi un sens du sacrifice et une culture du travail. » Gigi Buffon ne perd pas une occasion pour adouber son successeur, or, il ne fait que constater son évolution. Depuis ses grands débuts chez les pros il y a moins d’un an, Donnarumma n’a cessé de confirmer ses qualités techniques, allant jusqu’à être le meilleur élément d’un Milan toujours en souffrance. Surtout, il fait montre d’une incroyable maturité, transmettant toute son assurance à une arrière-garde souvent fébrile. En privé, il est encore probablement un ado de dix-sept piges, en public, et surtout au boulot, il en fait dix de plus. C’est d’ailleurs pour cet aspect que le néo-sélectionneur en a fait le nouveau remplaçant de Buffon. Car oui, son entrée en jeu à la mi-temps du match amical contre la France entérine déjà ce statut.
Jeudi soir, le public de Bari n’était pas dupe et a accompagné ses débuts d’applaudissements nourris. Le talent et l’attitude du gamin charment tout le monde, à tel point qu’on peut déjà parler de nouvelle coqueluche des tifosi italiens qui ont presque exulté lorsqu’il a touché son premier ballon, une parade facile à ras du sol sur une frappe de Payet. Vingt minutes plus tard, le gamin commet une évidente erreur d’appréciation sur le but de Kurzawa anticipant un centre en retrait fantôme. « Un joueur, même très jeune, doit respirer avant tout le vestiaire de la sélection, et s’il doit payer un prix pour ses débuts, mieux vaut que ce soit dans un match où le résultat ne compte pas » , a analysé Ventura en conférence d’après-match. Une bévue qui n’est pas sans rappeler ce coup franc encaissé sur son poteau lors de son premier match pro face à Sassuolo. Un petit pas à gauche et une parade démarrée en retard. De quoi remettre en cause le timing de son baptême du feu, mais le reste de la saison a vite mis les choses au clair. Gigio n’est pas surfait et Gigi a peut-être bien trouvé un successeur à sa hauteur. Qui l’aurait cru ?
Par Valentin Pauluzzi