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La renaissance de l’Espanyol
Rachetés la saison passée par un richissime investisseur chinois, les Pericos rêvent à un destin loin de l’ombre du grand Barça. Pour ce, les nouveaux dirigeants ont sorti le chéquier et s’inscrivent dans un projet alléchant mené par Quique Sánchez Flores.
Lorsqu’il commence à lorgner du côté de Barcelone en janvier dernier, Chen Yangshen découvre, dans l’ombre de l’omnipotent FCB, le lilliputien de l’Espanyol. C’est que malgré ses 116 ans d’existence, ses quatre Copa del Rey et l’immuable souvenir de Dani Jarque, le fanion des Pericos ne tient pas la comparaison face au géant du Camp Nou. Pas sans histoire, mais bien sans véritable palmarès, il vogue, de saison en saison, dans le ventre mou de la Liga. Une étiquette de sparring-partner pour les gros et de cible pour les petits que ce Chen Yangshen espère bien changer. Mais plus que par des souhaits, cet entrepreneur millionnaire de l’Empire du Milieu est déjà passé à l’acte. En témoigne sa prise de contrôle de 99,7 % des actions du club et sa nomination en tant que 28e président de l’histoire de l’entité le 1er juillet dernier lors de la réunion des actionnaires. « Nous devons arrêter de souffrir, oublier le maintien et atteindre le top 8 de la Liga lors des prochaines saisons » , évoque-t-il pour ramener de l’ilusion parmi les supporters du Cornellà-El Prat. Un mélange d’enthousiasme et d’espoir qui se matérialise par un mercato alléchant et l’arrivée sur le banc de Quique Sánchez Flores.
Réduction de dette, budget augmenté et rêve éveillé
Ce retour au premier plan passe avant tout par un assainissement des comptes de l’Espanyol. Avec sa dette de 170 millions d’euros, il fait figure de mauvais élève du championnat. Pour le moment seulement, car depuis son arrivée, Chen Yangshen a déjà lâché la bagatelle de 137 millions d’euros : 111 pour racheter la dette, et 26 pour racheter son lot d’actions. Conseiller délégué du club, Ramon Robert prédit même le renouvellement de façade que souhaite s’imposer l’Espanyol : « En 2014, nous avions des revenus à hauteur de 48 millions d’euros. Pour 2020, nous espérons atteindre les 125. Quant à la dette, l’objectif est qu’elle se retrouve à zéro à l’horizon de la saison 2020-21. » Pour ce, l’Espanyol espère faire du club une entreprise grâce à son Plan Espanyol 2020. Avec ses 70 millions d’euros de budget pour la saison prochaine, le club fait un pas en avant. Toujours loin des FC Barcelone et Real Madrid – dont le budget avoisine les 600 millions d’euros –, il se rapproche ainsi de concurrents comme Villarreal (80) ou l’Athletic Bilbao (90). Chiffres toujours, 35 de ces millions sont destinés à l’équipe première, contre 18 la saison passée.
Cette croissance économique a pour objectif de rendre aux Pericos une place de choix dans cette Liga si compétitive. Une mise à niveau délicate à tout point de vue, comme celui, par exemple, de la formation. Peu renommée, la cantera locale va également connaître un bond en avant. Avec un objectif des plus clairs – « dans les prochaines saisons, nous souhaiterions que 40 % de l’équipe première soit composée de joueurs formés au club » , dixit Ramon Robert –, l’Espanyol veut remettre de la dignité dans ses gradins, et faire de ce sentiment d’appartenance aux couleurs azul et blanco une fierté. Malgré une fortune d’un peu plus d’un milliard d’euros, la 254e de Chine selon Forbes, Chen Yangshen ne s’imagine pas comme le sauveur providentiel. Malgré ce rachat, l’organigramme du club n’a pas connu de changement drastique. Mieux, le nouveau président souhaite s’offrir les services de Raúl Tamudo, légende du club à la retraite, pour remplir le rôle de relais entre l’équipe première et la direction. Un rôle qui pourrait même s’élargir, puisque la présidence aimerait en faire l’image institutionnelle du club.
« Construire et créer des émotions »
Plus que dans les offices, les recrues se font également sous la guérite. Après un exercice infernal, qui a vu le club se séparer de deux entraîneurs, puis terminer sur le modeste 13e strapontin, l’Espanyol s’est offert les services de Quique Sánchez Flores. Un entraîneur coté, donc, qui semble plus que séduit par un projet vierge où tout reste à bâtir : « J’aime les défis, pas ce qui est facile. Il y a eu un processus de conquête qui a fini par me séduire. À ce niveau de ma carrière, seul mon cœur me fait décider. Je sens qu’ici, je pourrai construire et créer des émotions pour que les gens viennent se divertir. » Pour autant, la comparaison avec un Atlético de Madrid renaissant de ses cendres et faisant jeu égal avec le Real Madrid est à proscrire, l’histoire, l’identité et la pression étant totalement différentes. Qualitativement, le début de mercato prête à l’optimisme. Avec des recrues tels que Roberto, l’ancien portier de l’Olympiakos, Reyes, le vieillissant Sévillan, Leo Baptistão, baladé de prêt en prêt, ou encore Jurado, ancien protégé de Quique Sánchez Flores, l’effectif de ce dernier permet d’envisager une saison plus calme que la précédente. Avant le grand saut vers l’inconnu.
Par Robin Delorme