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La relève de la Garde
L'agonie est longue, mais l'issue est désormais certaine. La saison prochaine, Aston Villa jouera pour la première fois de son histoire hors de la Premier League avec un chantier total. Mardi soir, Rémi Garde a posé sa démission seulement 147 jours après son arrivée à Birmingham, avec le constat terrible de n'avoir rien pu changer dans un club qui brûle de l'intérieur.
Son visage était devenu familier. Birmingham avait fait de lui le symbole du renouveau d’un monument qui flottait avec de nombreuses incertitudes sous sa coque. Dans les bras de Villa Park, Martin O’Neill était devenu un repère. Une figure sur qui l’on aimait se reposer et en qui on avait confiance. Dès sa première prise de parole, le 4 août 2006, l’entraîneur nord-irlandais avait insisté sur « le poids de l’histoire » d’un club qui n’a jamais quitté la Premier League, dont il était l’un des fondateurs, et qui restera à jamais l’un des cinq clubs anglais à avoir remporté une Ligue des champions, en 1982, contre le Bayern Munich. Au cœur du Royaume, Aston Villa est un pilier de l’histoire du football. O’Neill était arrivé suite au règne mitigé de David O’Leary. C’était pour la révolution sportive. Au-dessus, dans les bureaux, un vent de fraîcheur filait aussi dans les couloirs de Villa Park. Après vingt-trois ans à la tête du club, Doug Ellis avait décidé de laisser la main à un investisseur américain ambitieux. Un gars de Brooklyn qui approchait la cinquantaine, Randy Lerner. Aston Villa devait démarrer une nouvelle parenthèse. Celle du renouveau, du retour au premier plan et de la fin des chamboulements incessants. L’instant aussi d’un nouveau logo, d’un nouveau sponsor, d’une nouvelle politique. C’était il y a maintenant dix ans. Aujourd’hui, la page est proche de se déchirer.
Garde, monsieur 10%
Tout a vrillé comme ça. C’était à l’été 2010, cinq jours avant le début de la saison. La femme de Martin O’Neill, Geraldine, vient d’entamer une longue bataille contre le cancer. Le coach parlera plus tard « du match de sa vie » . Aston Villa venait alors de terminer sixième du championnat d’Angleterre pour la troisième saison consécutive. Le projet Lerner semblait lancé, la fuite des talents allait arriver et les problèmes avec. Car avant de partir subitement, O’Neill se battait depuis de longs mois avec sa direction pour ne pas laisser partir James Milner à Manchester City. Milner était le poumon des Villans, élu meilleur joueur de l’année par les habitués de Villa Park et meilleur jeune du championnat. Et Milner est parti quelques jours après O’Neill pour 22 millions d’euros à Manchester. La danse vient de démarrer entre une valse permanente des entraîneurs, des stars vendues chaque année (Young, Downing, Collins, Benteke et Delph) et des sommes folles mal utilisées. L’arrivée massive de joueurs français l’été dernier n’a été que la dernière pierre d’un projet qui n’a plus de sens et qui a découlé ces dernières semaines sur les départs du directeur sportif, Hendrik Almstadt, et du directeur général, Tom Fox. Comme une entreprise en totale reconstruction.
Depuis 2010, Aston Villa se bat contre son destin et une lente descente annoncée. Après 31 journées de Premier League, cette saison, le club de Birmingham est dernier, n’a remporté que trois rencontres et a déjà grillé deux entraîneurs (Tim Sherwood et Rémi Garde). Dans la soirée de mardi, l’entraîneur français a quitté un poste qu’il occupait depuis seulement 147 jours avec un triste bilan (10% de victoires, deux en vingt matchs dirigés) malgré un engagement initial jusqu’en 2019. Aujourd’hui, l’heure est grave autour de Villa Park, qui prépare déjà sa reconstruction future en Championship avec les arrivées récentes d’un nouveau président (Steve Hollis), du conseiller Brian Little et de David Bernstein dans le board. Le bilan est terrible, et la gifle tout autant, car, après 31 matchs de championnat, seuls Derby (2007-08) et Sunderland (2005-06) ont fait pire au cours de l’histoire. Tout pourrait aller bien si le problème n’était que comptable, mais il est plus profond, car la fronde gronde autour des promesses non tenues de Randy Lerner qui n’a réussi à attirer personne au mercato hivernal, alors que le club avait déjà la gueule au fond du trou.
Villa loca
La scène s’est répétée pendant de longs mois. On y voit Rémi Garde souffler, s’emporter et poser son visage froid, crispé, face à la presse. Plusieurs fois, l’entraîneur français a menacé d’abandonner une mission qui apparaissait comme une voie sans issue possible. Lors de son arrivée en novembre, Lerner avait loué « les qualités de formateur » de l’ancien entraîneur de Lyon, mais, à Villa, Garde n’a jamais réussi à imposer ses idées avec des moyens trop limités et des joueurs ne souhaitant pas le rejoindre en janvier. Il est souvent apparu comme isolé, malgré la volonté dont il a toujours fait preuve de ne pas lâcher les supporters dans leur détresse. La descente en fin de saison est maintenant actée, le club est toujours en vente, et plusieurs noms circulent sans qu’on sache à quelle piste s’en tenir entre David Moyes, Nigel Pearson et Garry Monk. Pour le moment, l’ancien entraîneur de Manchester United tiendrait la corde, d’autant qu’il a souvent avoué son affection particulière pour Villa. Garde, lui, devrait rentrer en France, alors que la rumeur d’un retour à l’OL circule depuis quelques semaines. Le point final est posé. Aston Villa s’en va mourir, en silence. Sa reconstruction sera longue. La Villa loca.
Par Maxime Brigand