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La réincarnation de Götze
Près d'un an après sa dernière sélection, Mario Götze enfilera de nouveau le maillot de la Nationalmannschaft, mardi soir, face à la France. Preuve supplémentaire du retour au premier plan du héros de la Coupe du monde 2014.
Même les plus grands détracteurs de Joachim Löw doivent bien le reconnaître : l’homme n’a pas tendance à laisser tomber ses joueurs. Avant la Coupe des confédérations, alors que Mario Götze séjourne dans une clinique du sud de l’Allemagne pour soigner une forme de myopathie, il assure au micro de la ZDF que le joueur du Borussia Dortmund « va mieux » et sera « bientôt de retour » en équipe d’Allemagne. Lorsque Götze apparaît, quelques semaines plus tard, avec une dizaine de kilos en trop et le visage bouffi au mariage de Manuel Neuer, le nombre de gens qui croient à un retour en grâce du milieu offensif s’amenuise.
Surtout qu’entre-temps, l’Allemagne a remporté la Coupe des confédérations et l’Euro U21. Le sélectionneur n’a donc que l’embarras du choix et dispose d’une quarantaine de joueurs à tester en vue de la Coupe du monde russe. Difficile alors d’imaginer un retour de Mario Götze en équipe nationale à la place des petits jeunes qui cartonnent. Mais l’ancien joueur du Bayern ne s’avoue pas vaincu pour autant, et reprend discrètement le chemin des terrains. De près, Joachim Löw suit sa progression, honorant sa promesse de ne pas le laisser (si possible) sur le tarmac au moment de rejoindre la Russie.
Réinvention forcée
Avec Dortmund, Mario Götze n’a pourtant pas forcément réalisé un début de saison idéal. Si les mois d’août et septembre ont été réussis pour le club de la Ruhr, avec notamment 19 points pris sur 21 possibles en Bundesliga, depuis le début du mois d’octobre, la morosité règne. Le BvB ne gagne plus, que ce soit en championnat ou en Ligue des champions, et a dû se contenter d’une victoire face à Magdebourg en Pokal pour sourire un peu. Alors que la crise pointe le bout de son nez, surtout après la défaite (3-1) face au Bayern Munich à domicile, Mario Götze est l’un des rares joueurs – avec Christian Pulisic et Andrei Yarmolenko – à ne pas être sous le feu des critiques. Ses notes dans le magazine Kicker sont même encourageantes. Avec une moyenne de 2,93/6 (note la plus basse), il est l’un des joueurs les mieux notés du BvB cette saison. Qu’importe si les résultats sont déconcertants, Joachim Löw a choisi de refaire confiance à Mario Götze.
Un choix logique selon Peter Bosz, l’entraîneur des Borussen. « Il mérite de revenir en équipe nationale. Il n’a pas joué pendant cinq mois, cela a été très dur pour lui. Il a énormément travaillé pour revenir sur les terrains. Je suis content pour lui » , a-t-il déclaré avant le match contre le Real Madrid en C1. Longtemps considéré comme un surdoué ayant du mal à se remettre en question, surtout lors de son passage au Bayern Munich, la maladie a forcé Mario Götze à se réinventer. « Iniesta est définitivement celui dont je me rapproche le plus en ce moment, celui auquel je m’identifie le plus » , affirmait-il alors il y a quelques mois à Spox. Si, aujourd’hui, il sait qu’il doit encore progresser pour intégrer parfaitement cette nouvelle façon d’évoluer sur le terrain, qui convient mieux à ses capacités physiques du moment, son retour en équipe nationale lui indique bien qu’il se trouve sur la bonne voie.
« Je ne serai sans doute plus jamais ce joueur-là »
Il y a quelques jours, en conférence de presse, Mario Götze est apparu détendu devant les journalistes. Il s’est dit « heureux d’être là » et prêt à se donner à « 100% » . Comme depuis cet été, il a répété que le plus important pour lui était d’être en « bonne santé » et de « pouvoir jouer » . Sera-t-il en Russie au mois de juin prochain ? Si sa maladie le laisse tranquille, il n’y a aucun doute. Est-ce qu’il y a d’autres joueurs en meilleure forme physique ou plus déterminants en club qui pourraient lui prendre sa place ? Peut-être. Mais Joachim Löw croit profondément à cette chère théorie du groupe, si décriée en France. Qu’il se passe du buteur de la finale de la Coupe du monde 2014 alors que Lukas Podolski a réussi à choper 130 sélections paraît hautement improbable.
Si, longtemps, Mario Götze n’a pas fait l’unanimité, son retour au BvB et sa maladie l’ont rendu plus sympathique auprès de la population allemande. Et au sein de l’équipe nationale, où on l’a toujours défendu, son aura reste importante. Arrivé depuis seulement un an au sein de la Nationalmannschaft, Niklas Süle n’a d’ailleurs pas hésité à clamer son admiration pour le joueur : « Je n’en reviens toujours pas de m’entraîner avec lui. Je me rappelle son but comme si c’était hier, j’étais avec mes potes à la maison, je n’oublierai jamais ce moment. » Techniquement, Mario Götze a sept mois pour redevenir ce joueur qui a fait, l’espace d’une seconde, rêver un pays tout entier ; néanmoins, il a déjà prévenu à de nombreuses reprises ces derniers mois qu’il ne serait « sans doute plus jamais ce joueur-là » . Du haut de ses 25 ans, Mario Götze a en tout cas du temps devant lui pour agglomérer ses précédentes identités footballistiques et s’en créer une nouvelle. Et si la première partie de la saison 2017-2018 est une indication, Joachim Löw a sans doute eu raison de croire en cette réincarnation.
Par Sophie Serbini