- Ligue 1
- J28
- Lille-Lyon
La reconversion de Maxwel Cornet à Lyon : les anciens donnent leur avis
La question peut commencer à se poser : Maxwel Cornet peut-il réussir sa reconversion ? Depuis plusieurs semaines, Rudi Garcia a fait le choix de faire reculer l'attaquant de 23 ans sur le terrain pour l'utiliser comme latéral ou piston, en fonction des systèmes, dans le couloir gauche. Remis sur pied après une petite entorse et renforcé par sa prestation contre la Juventus à l'aller, Cornet pourrait s'imposer comme une solution crédible à ce poste inhabituel pour les grandes échéances à venir. Jérémie Bréchet, Aly Cissokho et Jérémy Berthod, trois anciens latéraux de l'OL, donnent leur avis sur la question.
Casting : Jérémie Bréchet : Ancien latéral gauche et défenseur central formé à l’Olympique lyonnais, passé par le club rhondanien de 1998 à 2003. Vainqueur notamment de deux championnats de France avec l’OL (2002 et 2003) et de la Coupe des confédérations 2001 avec les Bleus. Actuellement entraîneur chez les jeunes à Lyon. Jérémy Berthod : Ancien latéral gauche formé à l’OL, passé par le club entre 2003 et 2007 pour quatre titres de champion de France. Comme Bréchet, il est actuellement entraîneur chez les jeunes à Lyon.Aly Cissokho : Latéral gauche passé par l’OL de 2009 à 2012, un club avec lequel il a remporté la Coupe de France 2012. Actuellement sous contrat avec Antalyaspor, en Turquie.
Avez-vous été surpris de voir Rudi Garcia faire reculer Maxwel Cornet d’un ou deux crans sur le terrain ces dernières semaines ? Jérémie Bréchet : Surpris, non. C’est quelque chose qui se fait de plus en plus dans le foot moderne. J’ai surtout été surpris que ce ne soit pas un jeune qui profite de la cascade de blessures, mais finalement Maxwel est performant à ce poste. Je me suis posé cette question au départ : a-t-il les ressources défensives ? Car c’est dur pour un attaquant de passer latéral en compétition, c’est quelque chose qui se prépare. Aly Cissokho : Au début, ça m’a beaucoup surpris. Mais c’est vrai que c’est devenu très commun aujourd’hui.
Il y a tellement de matchs, de rythme, que ça facilite les blessures ou les suspensions. Résultat, un club comme l’OL doit savoir s’adapter pour pallier certains manques. Jérémy Berthod : Je n’avais pas forcément pensé à lui, je ne vais pas mentir. Je trouvais qu’il était déjà performant offensivement, qu’il apportait, donc c’était surprenant. Mais après quelques matchs, je me dis que c’est une bonne idée. Il m’a même bluffé. Il faut aussi dire qu’il y a une évolution du poste : on demande aux latéraux de créer le surnombre, d’avoir des qualités de vitesse et de centre. Ça correspond à ses qualités.
Justement, Maxwel Cornet a-t-il les qualités nécessaires pour évoluer à ce nouveau poste ? JBe : Je trouve qu’il a plein de qualités. Il a cette générosité, cette puissance. Quand il jouait plus haut, il savait déjà se placer pour fermer l’intervalle avec le joueur à sa droite. Il sait aussi former une ligne de quatre derrière parce qu’il sait la former plus haut sur le terrain. Quand il jouait ailier, les coachs voulaient déjà bloquer le latéral adverse, donc il sait faire. Je trouve aussi qu’il a un très bon jeu de tête, une bonne détente et il n’est pas si mauvais dans les un-contre-un. JBr : C’est vrai que lorsqu’il jouait excentré dans le 4-3-3 lyonnais, il avait déjà la capacité à bien défendre. Je pense que le 3-5-2 ou 3-4-3 sont les systèmes qui lui vont le mieux. Comme on dit en Espagne, il est carrillero, c’est-à-dire qu’il prend tout le côté. Tout dépend aussi de l’animation de l’équipe. Si celle de l’OL permet à Cornet de rester très haut à la transition et de défendre en avançant, même dans une défense à quatre, il a largement les qualités pour assurer à ce poste. AC : Il a des qualités naturelles de puissance, de vitesse, mais aussi physiques. Il a cette capacité à répéter les efforts. Lyon est une équipe qui joue pour gagner tous les matchs, donc les latéraux vont généralement jouer plus haut. Il peut toujours compter sur ses qualités offensives, puis il y aura sûrement des détails à peaufiner défensivement. Il faut qu’il comprenne l’importance de minimiser le risque.
Comment fait-on pour adopter les bons réflexes défensifs lorsqu’on a surtout été formé pour attaquer ? AC : Ce n’est pas évident du tout, surtout qu’il se retrouve à ce poste dans des matchs de haut niveau, où il ne faut quasiment faire aucune erreur. Le coach doit lui montrer beaucoup de vidéos et je sais que Gérald (Baticle, l’adjoint historique à l’OL, N.D.L.R.) aime faire travailler les joueurs en individuel. Il faut travailler les gestes défensifs au quotidien. JBe : Il y a plus de ressources qu’à mon époque, ça aide. Il y a déjà la vidéo, de plus en plus utilisée, et je pense qu’il travaille énormément là-dessus.
Dans le staff, Cláudio Caçapa doit faire un travail individuel avec lui pour le briefer. Pour tout ce qui est placement, il était déjà discipliné en étant plus haut, il savait fermer son couloir, il savait défendre, donc je pense qu’il n’y a pas une grande transformation pour lui. JBr : Il y a deux choses : les réflexes et l’âme défensive. Est-ce qu’il aime défendre ? Ce n’est pas seulement reculer, attendre l’adversaire, c’est aussi presser, aller chercher dans les pieds. Cornet est capable d’adapter son agressivité offensive en agressivité défensive. Sincèrement, aujourd’hui tous les joueurs sont capables de jouer à un nouveau poste. Ce sont surtout des repères à prendre et un QI foot à développer.
Rudi Garcia l’a déjà aligné deux fois comme latéral gauche (contre Reims et Amiens), mais il semble plutôt enclin à l’utiliser comme piston dans une défense à cinq. Quelles sont les différences entre les deux postes ? JBr : Dans le système avec le piston, il va être couvert par Marçal ou Andersen, c’est du confort ! En plus, ça lui permet de partir de plus loin et ça lui donne plus de libertés, d’espaces. Le piston n’est plus vraiment un latéral, c’est un milieu de terrain.
Le problème dans une défense à quatre, c’est qu’il n’est pas couvert dans son dos. AC : Et il a forcément plus de responsabilités défensives dans un système à quatre derrière. Ça lui demande de fermer l’axe. Le travail défensif est lourd et prioritaire. Le poste de piston lui offre plus de libertés, il a tout le couloir pour lui, il peut animer son côté. C’est vrai que ça demande beaucoup d’efforts, du cardio, mais je pense qu’il y est plus à l’aise. JBe : C’est sûr que je le trouve aussi plus intéressant dans une défense à cinq. Il reste beaucoup d’inconnues pour lui dans une défense à quatre : comment va-t-il gérer les un-contre-un ? Comment va-t-il s’adapter quand l’équipe jouera plus haut et qu’il faudra gérer la profondeur dans son dos ? Cornet aime surtout défendre quand le jeu est face à lui. Il a clairement plus de sécurité en tant que piston, le central gauche peut venir le couvrir, c’est parfait. Comme latéral pur, il peut vite se retrouver exposé et prendre le bouillon.
Peut-on s’attendre à ce qu’il prenne vraiment le bouillon face à un gros client lillois, parisien ou turinois si Rudi Garcia décide encore de l’aligner à ce poste ?AC : (Rires.) C’est à lui de bosser pour que ça n’arrive pas ! C’est sûr qu’il peut être en difficulté pour gérer les contres adverses, surtout s’il se retrouve face à un joueur très rapide. Mais c’est en enchaînant les matchs, les entraînements, qu’il minimisera les risques de se faire manger. JBe : Je ne pense vraiment pas parce qu’il est suffisamment intelligent pour bien se placer et le central gauche sera là pour l’aider. Jouer à ce poste contre Lille, Paris ou encore la Juventus, ce sont des bons tests pour lui. Mais il faut se dire qu’il y a une défense collective.
Et je pense qu’il est capable de rattraper son manque d’expérience avec sa vitesse et sa puissance. JBr : Ça peut quand même être très dur. Par exemple, en un contre un dans une zone défensive, il peut ne pas avoir les bons réflexes : emmener le joueur sur son côté, ne pas se jeter. On parle souvent du tacle d’attaquant, mais être juste dans ses interventions, c’est quelque chose qui vient avec l’expérience. Dans ces cas-là, il faut qu’il prenne rapidement l’avantage défensivement et qu’il se dise une chose : il n’est pas seul.
Jouer en piston gauche face à Metz en Ligue 1 ou face à la Juventus en C1 trois jours plus tard, c’est le même boulot ? AC : Ah non, pas du tout ! La Ligue des champions, c’est autre chose, une autre dimension, un autre niveau. L’exigence est beaucoup plus élevée, le jeu plus rapide et il y a une équipe en face à laquelle il faut s’adapter après un match de Ligue 1.JBe : Quand on joue Metz en championnat, il y a forcément plus de consignes offensives pour créer le surnombre, sachant qu’une équipe comme Lyon doit avoir le ballon. Mais c’est aussi dans ce genre de match que Cornet peut avoir des courses de repli à faire et des contres à gérer. A contrario, face à la Juve les consignes sont plus axées sur la rigueur et sur l’importance de se projeter rapidement vers l’avant. JBr : C’est comme un salaire, il y a une part fixe et une part variable. Le fixe : les besoins de l’équipe sont les mêmes pour tous les matchs et les objectifs du poste ne bougent pas beaucoup. La variable, c’est l’adversaire. Comment joue Metz ? Comment joue la Juventus ? Comment jouera le suivant ? Ça va surtout dépendre du système adopté en face. L’important n’est pas de s’adapter pour défendre, mais pour faire basculer le rapport de force en sa faveur.
À l’instar de Bouna Sarr, Cornet est-il capable de s’installer à ce poste dans la durée ? JBr : Il est en train de le prouver, non ? Les postes changent. Quand j’ai commencé, Roberto Carlos avait complètement révolutionné le poste.
On a eu des latéraux très hauts, aujourd’hui on revient à un système à trois derrière qui est à la mode. On ne parle plus de latéraux ou de pistons, mais de joueurs de côté. Et Cornet fait partie de ceux-là. JBe : Ce qui est bien, c’est qu’il ajoute une corde à son arc. Il est performant devant, il peut aussi l’être plus bas. On sait qu’il y a peu de joueurs au poste de latéral aujourd’hui, ça peut lui permettre de s’imposer, et à mon avis ce n’est pas seulement un coup d’essai à cause de blessures. Il est devenu un vrai concurrent à ce poste pour les spécialistes comme Marçal ou Koné. AC : C’est au coach et au joueur d’avoir une conversation pour savoir s’il a la motivation pour s’installer à ce poste, mais il a déjà montré qu’il était capable de s’adapter. Il va surtout devoir se mettre en tête qu’il ne sera plus trop un buteur, mais aussi un défenseur. Et ça demande un petit changement de mentalité.
Propos recueillis par Clément Gavard