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La procédure de l’OM envers Adil Rami est-elle réglo ?

Par Simon Butel
La procédure de l’OM envers Adil Rami est-elle réglo ?

Visé depuis le 1er juillet par une procédure disciplinaire, reçu dix jours plus tard par sa direction pour un entretien préalable à une sanction, Adil Rami est, pour l'heure, toujours un joueur de l'Olympique de Marseille. Parce que les faits qui lui sont reprochés sont trop légers pour justifier une rupture de contrat ? Il y a sans doute un peu de ça.

C’est un speech plutôt malvenu, eu égard à sa saison et à celle de l’Olympique de Marseille, grand absent du tableau d’honneur de la Ligue 1 cuvée 2018-2019. Une séquence faisant rapidement entrer le malaise pour ne le laisser partir que quand elle s’achève. Ce 19 mai 2019, c’est donc à un joueur en exercice – une première –, Adil Rami, que revient la responsabilité de remettre leur prix aux meilleurs arbitres de Ligue 1 et de Ligue 2. Blancs, vannes moisies, sourires crispés dans la salle, regard sceptique de Didier Drogba, rire gêné de Pamela, tout y passe. Bref, l’intervention orale du défenseur international français est aussi foirée que ses interventions défensives des derniers mois. Ce dont Rami semble conscient : « Rigolez, demain je rentre pas à Marseille ! » Prophétique, ou presque.

Cachotteries, défilé de mode et gala écourté

Car Adil Rami est finalement rentré à Marseille. Pas le 1er juillet, date de la reprise de l’entraînement, mais dix jours plus tard, le 11. Surtout, il ne s’y est pas éternisé : juste assez pour se faire recevoir par sa direction pour un entretien préalable à une sanction, procédure expliquant d’ailleurs son absence le jour de la rentrée. L’objet du courroux des dirigeants marseillais ? Il diffère, selon les sources. Il y a d’abord cette remise de prix, le 19 mai, dont le champion du monde 2018 n’aurait pas averti son club, ainsi que son absence à l’entraînement du lendemain, officiellement pour « raisons familiales » . Pourtant blessé, Rami participait en fait à l’enregistrement d’un épisode de Fort Boyard. Il y a aussi cette autre absence, en tribunes, lors du dernier match de la saison marseillaise, le 24 mai contre Montpellier (1-0), pour assister à un défilé de mode à Monaco. Mais aussi son départ précipité, avant même le discours du proprio du club Frank McCourt, lors du gala de la Fondation OM, le 23 avril. Chronologiquement, ce dernier motif ne tient pas, selon Jules Plancque, avocat spécialisé dans le droit du sport à Paris.

S’appuyant sur l’article L. 1332-4 du Code du travail, lequel prévoit qu’ « aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales » . Ce qui n’est pas le cas. « Sur ce point, poursuit-il, il semblerait donc que les faits qui lui sont reprochés auraient dû faire l’objet de poursuites disciplinaires au plus tard le 23 juin 2019. Or, la procédure aurait été enclenchée le 1er juillet 2019 par la convocation du joueur à un entretien préalable. Outre le fait qu’il semblerait que les faits soient prescrits, la question qui se pose reste : un tel départ rend-il impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, même un jour de plus ? Si tel avait été le cas, la procédure aurait été enclenchée dès le lendemain, ou dans un délai très court, quitte à ce que le club prenne le temps de prendre la sanction adéquate, mais pas plusieurs semaines après. »

Des motifs futiles ?

Sur la question des absences du défenseur marseillais, l’avocat parisien en appelle à un autre texte, la Charte du football professionnel, et à son article 606. Celui-ci stipule que « toute absence ou retard injustifié entraînera une retenue sur salaire proportionnelle au temps de travail non effectué par le joueur dans l’entreprise. Cette retenue n’étant pas une sanction disciplinaire, mais la contrepartie de l’absence de travail, elle ne nécessite aucune procédure disciplinaire. » « Pour ce qui est des sanctions, complète Jules Plancque, l’article 614.1 ne prévoit la possibilité de rompre le contrat de travail que dans le cas où le joueur ne s’est pas mis à la disposition de son club pendant dix jours consécutifs. En tout état de cause, une absence d’une journée, dès lors qu’elle ne s’inscrit pas dans un contexte de récidive, paraît difficilement pouvoir être caractéristique d’une faute grave en justifiant la rupture anticipée d’un contrat de travail. »

Et son absence au Vélodrome le 24 mai ? « Il faudrait voir si son contrat ou le règlement intérieur du club lui imposait d’être présent à tous les matchs de son équipe, suggère celui qui officie au sein du cabinet Bertrand et Associés, spécialisé dans la défense des intérêts des sportifs. Quand bien même ce serait le cas, encore une fois, la faute grave est difficilement caractérisable. Si tel n’est pas le cas, le fait qu’il ait été à un défilé de mode est sans incidence puisque, ne faisant pas partie du groupe convoqué pour ce match, il ne se situait pas sur son temps de travail. » Quid, enfin, de cette remise de prix aux trophées UNFP ? « Il m’apparaît délicat de soutenir ici encore qu’un tel comportement serait même fautif dès lors que le déplacement du joueur et la remise de ce prix l’ont été sur son temps libre. Durant cette remise, il n’a en aucun cas manqué de respect à son employeur ou quoi que ce soit qui pourrait l’inscrire en faux par rapport à son obligation de loyauté vis-à-vis de l’OM » , estime l’avocat, dont les propos vont globalement dans le sens de ceux de l’UNFP.

Jeu dangereux

« Si l’OM veut rompre le contrat d’Adil Rami parce qu’il a raté un entraînement, le club va perdre, promettait ainsi, le 2 juillet dans les colonnes de L’Équipe, Philippe Piat, le co-président de l’UNFP, le syndicat des joueurs pros. Ils vont se casser les dents devant la commission juridique de la Ligue. » Cette dernière, précise Jules Plancque, n’a d’ailleurs pas été saisie par l’OM aux fins de conciliation, comme le veut l’article 265 de la Charte du football professionnel. « À mon sens, conclut l’avocat, l’OM a enclenché cette procédure au motif qu’il ne compte plus sur le joueur, qui, lui, a manifesté sa volonté de rester au club, et que sa valeur marchande est aujourd’hui inférieure à la charge qu’il représente sur un plan purement économique, comptable. Aucun club ne rompra le contrat d’un joueur pro pour faute grave s’il présente une valeur marchande supérieure à la charge qu’il représente, en témoigne le cas Serge Aurier au PSG. » Ce qui n’est pas le cas de Rami, dont l’OM ne peut espérer aucune indemnité de transfert, compte tenu de son âge (il aura 34 ans en fin d’année) et de ses récents états de service.

À défaut, un départ du natif de Bastia aurait pour effet immédiat « un gain de trésorerie non négligeable » , à l’heure où le fair-play financier assombrit l’horizon phocéen. Une rupture de contrat également. Quitte à payer les pots cassés plus tard : « Dans l’hypothèse où l’OM prononcerait la rupture anticipée du contrat de travail d’Adil Rami pour faute grave, le club ne lui versera aucune indemnité de rupture. Adil Rami pourra alors, comme tout salarié, se tourner vers la juridiction prud’homale. À supposer que cette rupture serait déclarée abusive par un Conseil de prud’hommes et/ou une Cour d’appel, le joueur serait a minima fondé à obtenir des dommages et intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat, voire des dommages et intérêts complémentaires et distincts, ce qui peut vite chiffrer. Les clubs misent parfois sur la longueur des procédures, qui peuvent prendre cinq ans, pour provisionner un tel montant. » Ce qui laisse aussi du temps à Adil Rami pour bosser ses vannes.

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Par Simon Butel

Propos de JP recueillis par SB

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