ACTU MERCATO
La Premier League veut raccourcir le mercato
Le 7 septembre prochain, les clubs de Premier League pourraient voter la fin du mercato d'été 2018 une semaine avant la reprise du championnat. Avec dans l'idée d'engendrer une évolution à l'échelle européenne ?
Le 7 septembre prochain, les clubs de Premier League se réuniront et voteront. L’objet ? Entériner dès l’été 2018 la clôture du mercato estival une semaine avant la reprise de la Premier League. À la nuance près que la mesure ne couvrirait que les transactions à l’intérieur du Royaume, et n’empêcherait pas une vente de dernière minute vers la France, l’Espagne ou l’Allemagne… « Après le Brexit politique, les Anglais préparent leur Brexit footballistique. Le problème, c’est qu’ils font cela de leur côté, un peu isolés du reste du monde » , s’amuse Christian Gourcuff. L’entraîneur de Rennes est plutôt favorable à l’évolution qui devrait naître en Angleterre : « Cela n’empêchera pas la dernière journée du mercato de partir dans tous les sens, mais au moins, cela donnera une semaine aux entraîneurs pour travailler sur leurs effectifs définitifs. » La fin de l’enchevêtrement du mercato avec la compétition est une demande récurrente des techniciens à travers le monde – Mourinho et Allegri les derniers en date –, toujours prompts à se plaindre du départ d’un joueur clé en cours de saison. Même du côté d’un agent comme Franck Belhassen, qui vient de placer Sébastien Corchia à Séville, le raccourcissement de la fenêtre des transferts serait une bonne nouvelle.
« Impossible de bosser avec les clubs anglais de mi-juin à mi-juillet. » Franck Belhassen, agent
« Nous, on prépare chaque période de transferts bien en amont, dès février ou mars pour un mercato d’été. » Le système actuel, c’est un casse-tête comparable à ceux des entraîneurs, car « cela déstabilise nos joueurs, alors qu’on préfère les voir faire la préparation d’avant-saison dans le club où ils vont évoluer » . Surtout, cela permettrait d’éviter de devoir affronter des demandes urgentes de clubs paniqués « après une ou deux journées de compétition qui ne se sont pas passées comme prévu » , surtout en Angleterre où l’on a l’habitude de travailler tardivement sur les transferts. « C’est impossible de travailler avec eux de mi-juin à mi-juillet. La saison terminée, les responsables sportifs partent en vacances en Espagne et ne bossent pas, cela semble aussi sacré que le tea break. Là, ils seraient obligés de s’y mettre plus tôt et de partir en vacances après… »
L’Angleterre avant toute l’Europe ?
Les clubs anglais pourraient donc changer leur agenda et leurs habitudes, ce qui intrigue le directeur général de l’UCPF Philippe Diallo : « On parle de la puissance économique de la Premier League, mais on oublie qu’il y a encore quelques années, avant la réglementation FIFA, on pouvait transférer des joueurs quasiment toute la saison en Angleterre. Eux que l’on dit opposés à toute régulation ont accepté de s’intégrer dans les réglementations internationales, et aujourd’hui, se positionnent même pour restreindre encore les dates de mercatos… » Et pourraient dans l’absolu entraîner une profonde réforme à l’échelle européenne, car malgré la concurrence de « quelques clubs comme le Real ou le Barça qui peuvent venir déloger un gros joueur dans un gros club » , la Premier League est l’un des moteurs du marché. « Même le 20e de Premier League touche 200 millions d’euros de droits télé, l’équivalent ou presque du budget de Lyon. Ils peuvent donc prendre cette initiative avec un risque d’effet secondaire limité. » Et avec la quasi-certitude que les autres championnats emboîtent plus ou moins le pas, car « le marché de l’emploi du football est ultra fluide et international. La Premier League, c’est 50% d’étrangers, la Ligue 1 autour de 30%… La mesure ne sera donc vraiment efficace qu’une fois adoptée à l’échelle européenne ou mondiale. »
Uniformiser les calendriers
Avant néanmoins, de voir tous les championnats européens accepter de clôturer leur marché avant la reprise de leur championnat, il faudra pour l’UEFA imposer une uniformisation des calendriers. « L’idée, ce serait que chacun fasse une concession : la Ligue 1 retarde d’une semaine, les autres avancent d’autant » , propose Christian Gourcuff, pour qui le dossier doit être piloté « par l’UEFA, voire la FIFA » . Pour éviter qu’un club comme Liverpool ne soit obligé de se priver d’un Coutinho – qui a la tête à Barcelone – pour un barrage de Ligue des champions… « Cette année, cela ne devrait pas faire de bruit, car ils ont gagné à Hoffenheim, mais s’ils avaient perdu 3-0, on aurait souligné l’influence néfaste du mercato… » Le vote du 7 septembre 2017 n’aura donc pas vocation à prémunir les clubs anglais face aux quelques mastodontes européens en mesure de faire leurs courses en Premier League. Mais pour Franck Belhassen, l’idée est là : « Ils veulent instaurer un mouvement qui va s’uniformiser et qui sera une sorte de protection pour eux. Car ils anticipent : ils ont les droits télé les plus élevés, mais ils savent que d’autres championnats, comme la Ligue 1 grâce à des joueurs comme Neymar, va tôt ou tard se rapprocher, même probablement dès le prochain appel d’offres. »
Par Nicolas Jucha
Tous propos recueillis par Nicolas Jucha