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La Premier League est-elle faussée ?
« Si vous regardez le classement, avant de vous pencher sur la colonne des points, regardez la colonne des matchs joués. Quand toutes les équipes auront le même nombre de matchs, je ne sais pas quand, peut-être pas avant la dernière journée, alors seulement on pourra dire que le classement a une certaine valeur. Mais pour l'instant, c'est un faux classement. » Dans ce marasme ambiant, José Mourinho himself ne sait plus où donner de la tête. Des calculs alambiqués pour savoir qui squatte telle ou telle position, des matchs prévus en novembre qui prennent une importance capitale... Tout cela augmente le suspense de la Premier League. Mais est-elle faussée pour autant ?
Sur les bords de la Tamise, le Happy One fait une nouvelle fois parler de lui. Stratégie de communication ou non, la question des matchs en retard est un marronnier du championnat anglais. Cette année, il n’y a qu’à observer l’écart de matchs joués entre toutes les équipes : sur vingt clubs, seulement sept sont dans les temps de passage prévus initialement par la FA, dont le leader Chelsea, avec 30 rencontres effectuées. À l’inverse, deux équipes sont à 27 matchs joués et représentent les cas les plus extrêmes : Sunderland, en position de relégable, mais à seulement trois points de la dix-septième place, et Manchester City, classé quatrième à six points des Londoniens. Pour Christophe Lollichon, coach des gardiens de Chelsea, cette situation est assez facile à gérer : « Tout le monde est conscient que ce classement est un faux classement. On sait que des équipes extrêmement fortes peuvent nous rattraper, voire nous dépasser, ce qui est le cas de Manchester City, qui a une différence de buts meilleure que la nôtre. Par contre, on peut penser que nos adversaires ont la pression, car eux doivent gagner tous leurs matchs pour nous rattraper. La pression est certainement plus sur nos adversaires que sur nous. » Dès lors, un rapport de force mental se crée entre les deux clubs, forcés de poursuivre un rythme effréné.
Trop de matchs tuent le match
Un contexte qu’on peut retrouver dans plusieurs sports bien distincts. « Il est certain que cela peut créer un caractère dissymétrique, entre chasseurs et chassés, explique Christophe Bagot, médecin psychothérapeute, spécialiste du stress et de l’anxiété de performance. Si l’on observe bien, ce ne serait pas le seul cas dans le sport : par exemple le patinage artistique, ou encore les épreuves du contre-la-montre dans le cyclisme… Dans chacune de ces situations, les athlètes doivent se concentrer sur leur performance tout en chassant le premier provisoire. » Pas de classement faussé alors, juste une autre façon de voir un finish sur les Champs-Élysées entre Greg Lemon et Laurent Fignon. Quel rôle les Blues vont-ils endosser ? Il serait trop tôt et trop hasardeux de le dire maintenant. Une chose est sûre : cette situation incertaine plonge le futur adversaire du Paris Saint-Germain en Ligue des champions dans l’expectative, et amène le coach à préparer ses troupes psychologiquement en fonction du contexte. « Le nombre de matchs qu’il reste à jouer est très important, explique Lollichon. Si vous êtes à 3 matchs de la fin et qu’il faut gagner un match en retard pour repasser en tête, forcément l’entraîneur va être réaliste, mais sans être alarmant. Il y a une adaptation nécessaire de la part de l’entraîneur et du staff. » Un replay de match de Coupe d’Angleterre par-ci, une League Cup par-là… Il faut le dire, le calendrier des clubs anglais est particulièrement difficile à planifier du fait de la FA Cup. Il suffit de voir deux ou trois clubs finir sur un match nul pour être sûr que ça va tout chambouler.
Show must go on
Simplifier la donne constitue un sacré casse-tête, puisque changer le fonctionnement de la Football Association Challenge Cup relèverait du sacrilège. La doyenne des compétitions nationales fonctionne ainsi depuis 1871, et les clubs ne comptent pas la snober. « La FA Cup est extrêmement considérée, tranche Lollichon. Peut-être la Coupe de la Ligue… Mais même, les supporters d’Arsenal se souviennent de leur défaite il y a deux ans face à Birmingham. En Angleterre, on a vraiment pas tendance à sous-estimer les coupes, contrairement à d’autres pays, notamment en France. » C’est ainsi qu’en février dernier, Francis Gilllot se plaignait du report de Bordeaux-Lorient : « Je n’aime pas ça, je n’aime pas avoir un match en retard. C’est embêtant, parce que certaines équipes vous passent devant. Et les matchs à rejouer ne sont pas forcément gagnés… On passe de cinq matchs en quinze jours, à zéro match en autant de temps. » Un phénomène de conflit d’intérêts qui a tendance à se généraliser, donc. Et comporte des risques pour la santé des joueurs, qui peuvent également se blesser. « Le championnat peut être faussé, conclut Lollichon. Un club peut jouer un match en retard avec des joueurs indisponibles qui étaient en forme auparavant, ou au contraire, récupérer des joueurs blessés à la date initiale du match. Quand on sait que la FA Cup est prioritaire sur le championnat, il suffit que vous alliez loin pour se retrouver dans ce type de situation. » Mais à l’arrivée, match en retard ou pas match en retard, la problématique n’est-elle pas au fond la même pour tout le monde : gagner le plus de matchs pour finir premier ?
Par Antoine Donnarieix et Paul Piquard