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La possibilité du pire
Malgré les apparences, Mourinho est en train de gagner son pari au Real. Après avoir pris en main la politique sportive, il s'attaque maintenant au Barça. Mais à sa façon à lui. Par la face Nord.
Mourinho a fait pire que Pellegrini. Avec le chilien, les merengues n’avaient jamais été plus loin que 5 points. Depuis la défaite à Pampelune, le Real est à 7. Tout est perdu. Barcelone sera champion. Encore. Et le Real sera cocu. Encore. Pire, après deux mois d’affrontement avec sa direction, une liste de polémiques longue comme les titres de Marca (l’affaire Manolo Preciado, le complot arbitral anti-Mou, les auto-expulsions de la Champion’s, le 9 manquant ou la guerre anti-Valdano) et un putsch sur la politique sportive, le Special One a mis le feu au Real. Pourtant le Mou n’a jamais été aussi fort que depuis dimanche soir. Il a fallu mettre la Castille à feu et à sang mais il a gagné sa bataille. Mou règne sur un tas de cendres mais le club mange désormais dans sa main. Mourinho ou la politique du pire. Démonstration.
29 novembre 2010. Mourinho démarre sa saison. Le Real du Mou est en tête de la Liga, de la Champions, vient d’en coller 4 à l’Ajax chez lui et 5 à domicile contre Bilbao. Les merengues sont invincibles et Marca s’y voit déjà, à la fontaine de Cibelle. Mais ce soir-là, le réel rappelle qu’avant l’heure c’est pas l’heure. Les blaugranas en collent 5 au Real sans forcer. Mourinho ne réagit pas. En conf, il glisse la clé: « le barça est un produit fini, au Real il manque encore beaucoup de choses » . Par l’absurde et la grâce d’une défaite providentielle, Mourinho peut faire table rase des glorioles passées. Benzema, Ozil et Ronaldo sont translucides lors des grands rendez-vous, Marcelo est pathétique et Higuain est blessé. Qu’on se le tienne pour dit. Ce match est donc la base de travail pour la saison et le Real s’installe donc à son rang réel, le deuxième. Fin de l’acte I.
20 janvier 2011. Le Real se rend à Vicente-Calderon pour se qualifier pour les demi-finales de la Coupe du Roi. Ce soir-là, le Real joue en 4-3-3 sans 9 et s’accroche au milieu de terrain. Le Real l’emporte 1-0 et fait son match le plus laid mais aussi le plus sérieux de la saison. L’éliminatoire dans la poche, Mourinho menace de quitter le club en juin si Perez ne le laisse pas seul aux commandes. Mou donne la clé du problème le 26 janvier dans O Jogo en critiquant publiquement son employeur centenaire. Le Real manque « d’empathie fonctionnelle (…) Dans un club tout le monde doit travailler dans le même sens » . Perez ne met pas à pied son salarié mutin. Au contraire c’est sur Valdano que tombe la foudre présidentielle. L’argentin se couche : « S’il faut prendre un peu de distance pour que il se sente plus à l’aise, je la prendrai » . Le lendemain Adebayor arrive et le Mou a enfin son 9. Mourinho vient de prendre le pouvoir au Real. Fin de l’acte II.
30 janvier 2011. « Si nous sommes à plus de 6 points, le championnat est fini » . C’était il y a deux semaines. Mourinho avait tout prévu. Dimanche soir dans la salle de presse du Reyno de Navarra, le Mou enfonce le clou. « Ces points perdus ce soir coutent beaucoup plus cher que ceux perdus au Levante ou à Almeria (…). C’est dans ce genre de match qu’on perd un championnat » . Le Real est à 7 points du Barça est a bien l’air d’avoir perdu la Liga. Pourtant ce soir-là, il n’a de mots pour personne. L’arbitre ? « excellent » . Le public ? « fantastique » . Son équipe ? « rien à leur reprocher » . Mourinho vient de perdre la Liga mais ne bronche pas. Car Mourinho a un plan. Fin de l’acte III.
31 janvier 2011. Le Real vient de lâcher sa plus lourde croix et Marca tombe dans le panneau « à la pêche aux coupes » . Les madrilènes se font à l’idée de laisser le championnat aux invincibles catalans. Plutôt que de nager pour mourir sur le littoral, le Mou a préféré se débarrasser des aspirations trop encombrantes pour une première saison. La Liga ce sera pour l’année prochaine. Le triple changement hystérique de la 66ème minute (Alonso fiévreux, Kaka sur une jambe et Adebayor à peine déballé remplacent Lass, Albiol et Di Maria) contre Osasuna alors que son équipe est menée 1-0, ne servira qu’à mourir les armes à la main. L’objectif de la saison, c’est de gagner quelque chose coûte que coûte. L’objectif, c’est donc la Coupe du Roi. Fin de l’acte IV.
20 avril 2011, finale de la Coupe du Roi. C’est à cette semaine-là et à ce match-là que Mourinho prépare son équipe. Sa révolution opérée, le Mou peut enfin concentrer ses troupes sur son seul objectif réel. Dans la même semaine le Real peut jouer un ¼ finale retour de C1 (ou pas, le 13 avril) puis accueillir le Barça à Bernabeu (le 16). Mais ces deux matchs ne serviront qu’à préparer la seule rencontre véritablement importante, celle qui lavera tous les maux de la saison, celle qui fera oublier le Camp Nou, Osasusa et Valdano : vaincre le Barça en finale de Coupe du Roi. Mou a donné la clé : le clasico en championnat, il s’en fout: « je préfère affronter le Barça pendant des éliminatoires, c’est plus excitant » . La défaite d’Osasuna a remis les idées en place. Mais avant le dénouement du 20 avril, il y a Séville à Bernabeu en demi-finale retour, la mère de toutes les batailles. Mercredi 2 février vers 23h30 Fin de l’acte V.
Thibaud Leplat, à Madrid
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