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La Grèce, en route pour une nouvelle épopée ?
La Grèce retrouve l’Angleterre jeudi, un mois après sa victoire historique à Wembley en Ligue des nations. Un stade plein, un pays derrière son sélectionneur, et une nation qui, dix ans après sa meilleure performance en Coupe du monde, a retrouvé l’espoir de connaître une nouvelle épopée.
Qui aurait pu croire qu’un pays attende avec impatience une trêve internationale ? Mieux, qu’il scrute avec attention le tirage au sort de la phase de poules des éliminatoires de la prochaine Coupe du monde (ce sera le 13 décembre, pour info) ? Encore mieux : qu’il remplisse son stade olympique en une journée seulement pour un match de Ligue des nations ? C’est l’idylle que vit actuellement le football grec avec son équipe nationale, qui a pourtant accompli l’exploit de ne pas se qualifier pour un Euro à 24 équipes deux fois d’affilée. La sélection s’était fait une place en Coupe du monde lors des éditions 2010 et 2014 (un huitième de finale, son meilleur résultat), puis plus rien, si ce n’est les frasques estivales de Harry Maguire ou la fuite de Sokrátis Papastathópoulos. Alors, ce n’est pas devenu Byzance en l’espace de quelques mois, mais l’espoir d’un renouveau existe.
Salade grecque
Toute épopée qui se respecte possède sa tragédie inaugurale. Celle de la Grèce démarre en Géorgie fin mars. Une défaite aux tirs au but synonyme d’une énième absence en compétition internationale depuis 2014. L’ancien coach de Bordeaux Gustavo Poyet, entraîneur depuis 2022, est remercié. Un tournoi majeur sans les Grecs, encore une fois. La génération de Giorgios Karagounis ou Ángelos Charistéas, vainqueurs de l’Euro 2004, est partie depuis belle lurette dans son nuage, dans un pays qui a participé à trois Coupes du monde et quatre Euros. Le premier cité le déplorait l’année dernière dans So Foot : « Il n’y a jamais eu de bonnes infrastructures, et avec la crise économique, de nombreux investissements dans le football ont été coupés. C’est très difficile de construire, beaucoup plus facile de détruire. Et une fois que tu es dans une spirale négative, c’est très difficile de tout reconstruire. »
La recette ? Un nouveau coach, déjà. Ivan Jovanović débarque à Athènes fin août. Pour la partie clinquante du CV : Al-Nassr avant Cristiano Ronaldo, et deux coupes de Grèce avec le Panathinaïkos. Depuis, le Serbo-Grec, bourreau de l’OL avec l’APOEL Nicosie en 2012, rappelle les bons souvenirs d’Otto Rehagel, guide de l’épopée portugaise, ou de Fernando Santos, sélectionneur en 2014. Alors que son bail s’étire jusqu’à la Coupe du monde 2026, le sexagénaire aux cheveux tout blancs et au petit bouc a déjà des principes : un jeu de position qui repart de derrière et beaucoup de possession.
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Ses débuts sont réussis : les Grecs trônent à la première place de leur groupe de Ligue des nations. Devant l’Angleterre et l’Irlande, avec quatre victoires en autant de rencontres et un but encaissé. Au classement FIFA, le pays a grimpé de douze places en un an (42e), dépassant des sélections présentes à l’Euro comme la Roumanie ou la Tchéquie. L’Ethniki est même à deux victoires d’égaler le meilleur départ de l’histoire d’un sélectionneur grec, stat atteinte dans les années 1990 en disposant entre autres des Îles Féroé, de la Finlande ou de Saint-Marin.
L’effectif n’est pourtant pas des plus clinquants, mais l’alchimie est certaine : une savante salade de jeunesse formée localement (Giannis Konstantelias ou le deuxième gardien Konstantínos Tzolákis), de talent (Pavlidis, Konstantelias), joueurs de l’étranger (Konstantinos Koulierakis de Woflsburg, Chrístos Tzólis, aujourd’hui au Club Brugge, ou Christos Zafeiris, qui a donné le tournis à Lille avec le Slavia en barrage retour de Ligue des champions). En bref, des joueurs pas forcément baignés dans les rivalités locales. En ajoutant un brin de talent, comme chez Kóstas Tsimíkas de Liverpool ou d’expérience, chez le capitaine Tásos Bakasétas ou Pétros Mantalos, 33 ans, sortes de Benjamin André et Yunis Abdelhamid du football grec : discrets, bosseurs.
Greece 🇬🇷 with the 5th consecutive win, has now gone a full year without a defeat in competitive matches (PSO with 🇬🇪 is officially recorded as a draw).
Huge match coming up on 14 Nov when England 🏴comes to Athens. Greece 🇬🇷 needs only a draw to secure promotion to League A! pic.twitter.com/jx11449P5X
— Football Meets Data (@fmeetsdata) October 13, 2024
Le corps et l’âme
Les Bleu ciel et Blanc se sont également réveillés à l’aube de la dernière trêve avec le triste décès prématuré de George Baldock, 31 ans, retrouvé noyé dans sa piscine, une bouteille de vodka au bord de l’eau. L’international évoluait au Panathinaïkos. Le lendemain, ses coéquipiers lui dédiaient la victoire au bout du temps additionnel en Angleterre. « Nous avons donné notre âme pour George », décrivait le double buteur face à l’Angleterre Vangélis Pavlídis, avec l’étrange syndrome du survivant. La première victoire de l’histoire du football grec contre l’Angleterre.
Les soucis du football hellène sont eux toujours latents, même avec Anthony Martial et Mathieu Valbuena. Les matchs avec le plus d’enjeux sont toujours difficiles à arbitrer, Stéphanie Frappart peut en témoigner, corruption et violence gangrènent encore le pays d’Hippocrate, obligé d’imposer un huis clos total de ses tribunes pendant deux mois la saison dernière. C’est dans ce contexte que l’équipe nationale a retrouvé des possibles et une belle perspective. Avec en ligne de mire une Coupe du monde à 48, l’épopée démarre maintenant.
Par Ulysse Llamas