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La montée de Jesse Marsch

Par Maxime Brigand
5 minutes
La montée de Jesse Marsch

Repoussé au départ par ses supporters, Jesse Marsch a finalement mis le Red Bull Salzbourg dans sa poche et est devenu mi-septembre le premier entraîneur américain de l'histoire à remporter un match de Ligue des champions. Le voilà désormais face à son modèle absolu : le Liverpool de Klopp.

Et pourtant, ils ne voulaient pas en entendre parler. Un coach américain, disciple de Ralf Rangnick ? Jamais. « Nein » , avaient-ils même alors écrit sur une banderole, déployée à la mi-temps d’un anonyme match de Bundesliga autrichienne, au printemps dernier. Le 14 avril 2019, pour être précis. Ce jour-là, Salzbourg avait attrapé la même chose qu’à chaque fois – trois points, face à un Sturm Graz qui menait pourtant à la pause -, mais personne n’en avait rien à cogner. Il n’y en avait que pour lui : Jesse Marsch, 45 ans, balancé dans la tempête sans avoir rien demandé à personne et successeur désigné de Marco Rose, dont le départ pour le Borussia Mönchengladabach venait d’être acté quelques jours plus tôt. « Nein zu Marsch » ( « Non à Marsch » en V.F.), voilà pour l’accueil d’un type qui était alors assis à plus de 400 kilomètres de là, sur un banc de la Red Bull Arena de Leipzig, devant un RB Leipzig-Wolfsburg. En Allemagne, Marsch bouclait alors sa saison d’apprentissage au football européen, aux côtés de Rangnick, suite logique d’un CV dopé à la taurine et à la caféine. Il y avait eu les Red Bulls de New York (2015-2018), puis le RB Leipzig, le Red Bull Salzbourg était donc une suite logique, malgré le rejet profond qui a suivi sa nomination. Résultat ? En un peu plus de cinq mois, le bilan est clair et net : 12 rencontres dirigées toutes compétitions confondues, 11 victoires, un nul, 55 buts marqués, 13 encaissés. C’est tout ? Non, Marsch a également écrit l’histoire de son pays, puisque aucun coach américain n’avait eu la chance de se retrouver sur un banc en Ligue des champions, compétition dont Salzbourg dispute les poules pour la première fois après de multiples échecs en barrages. Encore ? Oui : le quadragénaire a profité de son dépucelage pour défoncer les portes de l’Europe du foot.

L’art et la manière

C’était le 17 septembre dernier, face à Genk, et personne n’est passé à côté de l’affaire. Parce qu’un gosse de 19 piges, Erling Braut Håland, a réussi l’exploit de planter un triplé en une mi-temps, d’abord, mais aussi car il est difficile de fermer les yeux sur une telle performance : mettre six buts à Sankt Pölten en championnat, pourquoi pas, mais répéter l’addition en C1 face au champion de Belgique en titre, c’est une autre histoire. Au-delà du résultat brut, c’est surtout la manière qui a attrapé les mirettes puisqu’en quelques semaines, Marsch a réussi à faire évoluer le Salzbourg que lui avait laissé Marco Rose en faisant sauter le milieu en losange cher à l’entraîneur allemand et en installant un 4-4-2 plus modulable. Ainsi, le monstre autrichien est devenu une machine encore plus puissante, portée par des principes non négociables et un contre-pressing permanent qui lui permet d’économiser du temps et de l’énergie. En phase de possession, cela se traduit par un 4-2-2-2 très difficile à désorganiser avec des ailiers (Szoboszlai, Minamino) qui s’insèrent dans le cœur du jeu afin de laisser les latéraux jouer très haut (notamment le latéral gauche et capitaine Andreas Ulmer).

Autre caractéristique du Salzbourg version Jesse Marsch : sa relance, favorisée par son schéma modulable, et par le rôle du jeune Antoine Bernede, 20 piges et débarqué du PSG il y a quelques mois.

Milieu le plus reculé du système de Marsch, le Français est l’un des pions les plus influents du néo-Salzbourg et est utilisé pour créer une supériorité numérique permanente entre Ramalho et Wöber afin de déclencher rapidement la verticalité demandée par son entraîneur américain, qui n’aura mis que quelques semaines avant d’imposer sa patte au sein d’un effectif toujours aussi jeune (seuls six joueurs de l’effectif sont âgés de plus de 24 ans).

« Tout ce que nous faisons bien, Liverpool le fait mieux »

Mercredi, c’est un autre monde que s’apprêtent à découvrir Jesse Marsch et Salzbourg, facile leader de son championnat avec une différence de buts ridicule (+31 après neuf journées). Un monde que Marsch connaît parfaitement puisqu’il était déjà venu à Liverpool à la fin des années 1980, ce qu’il a raconté au Times ce week-end : « Lorsque je jouais à l’université de Princeton, nous avions été invités à disputer un tournoi au nord de Liverpool et nous avions réussi à trouver, à l’époque, des places pour aller voir Liverpool jouer. C’était quelques mois après le drame d’Hillsborough, il y avait Barnes, Beardsley, McMahon… » L’Américain n’a jamais oublié la ville et concède même une certaine passion pour les Beatles, au point d’appeler l’un de ses fils Lennon, en hommage à John. Cette fois, c’est en tant qu’entraîneur principal qu’il s’apprête à débouler à Anfield et à défier l’une de ses influences, Jürgen Klopp, avec qui il partage de nombreuses idées. Ce qui pourrait être son principal problème du soir : « Dans un sens, c’est un match assez terrible pour nous, parce que tout ce que nous faisons bien, Liverpool le fait mieux. Ils sentent le jeu de la même manière que nous, avec les mêmes principes, donc je pense que, tactiquement, le défi est assez immense pour nous. Nous allons devoir être parfait, mais je peux vous assurer qu’on vient à Anfield pour gagner. » L’histoire serait belle et viendrait remplir la vie déjà musclée de Marsch, élu coach de l’année de MLS en 2015, mais qui avait aussi décidé de tout plaquer durant quelques mois après son départ de l’Impact de Montréal en 2012. Jesse Marsch avait alors pris ses valises et parcouru le monde avec sa famille afin de tester ce qu’il appelle aujourd’hui le transfer time, soit le temps nécessaire pour s’adapter à un nouvel environnement. Pour arracher une banderole, il n’aura eu besoin que de quelques semaines.

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