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La mélodie d’Alisson
Portier titulaire de la Seleção, mais relégué à un rôle de doublure derrière Szczęsny sur le banc de la Roma lors du précédent exercice... La première saison d'Alisson Becker avec la Louve avait des airs de partition inachevée. Pas de quoi décourager l'ex-gardien de l'Internacional, dont les prestations impeccables lui permettent désormais de s'affirmer comme le patron incontesté de la cage des Giallorossi.
« C’est le numéro un des gardiens brésiliens, la Roma a bien fait de l’acheter. » Voilà comment Doni, l’ancien gardien brésilien de la Roma, parlait d’Alisson Becker à l’été 2016. Alors âgé de 23 ans, l’ex-portier de l’International était déjà titulaire dans les cages de la Seleção. Le voir poser son fessier sur le banc de la Roma en Serie A, pour ne le voir évoluer qu’en Coppa et en C3, avait donc quelque chose de paradoxal. La faute à Wojciech Szczęsny, bien installé dans les buts du club de la capitale. Seulement, l’ex-Gunner s’en est allé jouer les doublures de Gigi Buffon à la Juventus au dernier mercato estival. Laissant le champ libre à Alisson, qui démontre que la Louve n’a pas perdu au change en choisissant de lui faire confiance pour assurer la succession du Polonais.
Le roi du silence
Si la Roma est actuellement la meilleure défense de la Serie A avec cinq petits buts encaissés (tous à domicile, aucun à l’extérieur !), elle le doit en grande partie aux prestations de son portier. Alisson en a fait une nouvelle fois la démonstration la semaine dernière face à Bologne, en dégainant une parade réflexe somptueuse, sur une tête à bout portant. Même refrain en Ligue des champions : impeccable sur sa ligne face à Chelsea en milieu de semaine, il a aussi marqué les esprits mi-septembre en délivrant une symphonie harmonieuse d’arrêts face à l’Atlético, qui permettait à la Roma d’accrocher le nul. De quoi bluffer Diego Simeone : « Alisson a fait un match incroyable. On ne peut que le féliciter. » Une rencontre référence, qui souligne le début de saison taille patron du portier auriverde.
Pour en arriver là, le gardien du temple de la Seleção a construit méthodiquement son succès dans la capitale. D’abord en rodant comme il se doit son discours médiatique. Alors qu’Alisson cirait le banc de la Louve au profit de Szczęsny, qui joue la saison dernière tous les matchs de championnat, les médias brésiliens ne cessent de s’interroger quant à son avenir, le pressant de trouver une solution pour gagner en temps de jeu. Mais Becker temporise. Pas son style de mettre le boxon dans le vestiaire. Le portier sait bien que s’il veut s’imposer durablement du côté de Rome, il doit d’abord faire ses preuves pas à pas. Plutôt que de faire pression sur sa direction pour exiger d’être plus régulièrement aligné sur le pré, il préfère agir dans l’intérêt du collectif : « Je suis quelqu’un de calme, je n’aime pas parler. Je ne me sentais pas légitime de reprocher à Spalletti de ne pas me faire jouer, alors qu’il devait choisir entre deux gardiens de haut niveau. Et puis, il me faisait évoluer en Coupe… De toute façon, la direction m’apprécie beaucoup et je suis sûr qu’ils comptent sur moi. C’est seulement un test de patience. »
Guitar hero
Entre deux matchs de C3, Alisson vit donc tranquillement avec son statut de doublure. Et tire parti de sa rivalité avec Szczęsny pour progresser au quotidien : « Nous voyons tous les deux cette concurrence comme une opportunité de nous améliorer. Je suis déjà un meilleur gardien que quand je suis arrivé à la Roma » , déclare-t-il dès novembre 2016. Une humilité qui lui permet de gagner la sympathie des tifosi de la Louve, qu’il séduit aussi en mettant en scène sur les réseaux sociaux ses talents de mélomane. Du ukulele à la guitare en passant par le chant, le registre musical du Brésilien est vaste. « La musique est ma grande passion. Pour moi, c’est une façon de récupérer et de se relaxer. J’aime jouer à la guitare de la musique de mon pays, tout particulièrement du sertanejo(de la musique country brésilienne, ndlr).Mais je suis aussi un grand fan d’artistes rock et pop comme John Mayer. »
Bien dans ses baskets en Italie, l’international auriverde n’en reste pas moins déterminé. Et s’attaque frontalement à son problème pendant l’été 2017. Alisson le sait : si son statut de titulaire avec la Seleção a jusqu’ici été préservé, il n’est plus l’heure de temporiser avec la Louve. Car cette saison est celle de la Coupe du monde 2018 en Russie. « Tite m’a conseillé de demander plus de temps de jeu à Rome. Donc j’en ai parlé à Monchi (le nouveau directeur sportif du club, nommé cet été, ndlr) et on s’est mis d’accord. Ma préférence était de ne pas quitter Rome, mais sans garantie de jouer plus, je m’en serais allé. C’est l’année la plus importante de ma carrière. Alors j’ai pris conscience que je dois penser à moi-même et à mes objectifs. »
Un pari gagnant sur toute la ligne, aussi bien pour la Roma que pour son gardien. Avec Džeko et Kolarov, le Brésilien est le joueur giallorosso le plus déterminant depuis le début de la saison. Et ne compte pas s’arrêter en si bon chemin, en continuant d’affiner sa technique : « Au Brésil, on se concentre d’abord sur l’explosivité et la force pour former les gardiens. En Italie, on travaille avant tout la dimension technique et le positionnement. Mon objectif est de lier ces deux écoles, pour continuer de m’améliorer. » Sans oublier de progresser également dans son autre domaine de prédilection : « J’ai acheté un piano récemment… Je me débrouille bien guitare en main, mais je veux maîtriser d’autres instruments… » Signe définitif qu’à Rome, sur comme en dehors du pré, la mélodie d’Alisson n’a sans doute pas fini de gagner en dimension.
Par Adrien Candau