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- Juventus-Monaco (2-1)
La maîtresse et son élève
Largement supérieure à l’aller, la Vieille Dame a répété mardi soir sa leçon face à des Monégasques volontaires et qui auront attendu soixante-quinze minutes pour vraiment bomber le torse. Mais cette défaite doit avant tout être la base d’un futur qui ne peut être qu’heureux.
Deux jours après la marche solennelle d’un président fraîchement élu, élève devenu mari de son ancienne prof de français, sur les envolées de L’Hymne à la joie, l’histoire s’est donc répétée en mondovision : un petit étudiant s’est une nouvelle fois laissé charmer par une maîtresse pleine d’expérience. Pour y assister, il fallait être au Juventus Stadium de Turin mardi soir où tout était presque déjà écrit d’avance. Une semaine plus tôt, la démonstration de puissance d’une Vieille Dame face à des princes rêveurs avait déjà eu lieu. Une baffe de maîtrise en quatre-vingt-dix minutes et une manche retour qui se dessinait comme la dégustation acide d’un Mont Ventoux. Cette fois, pas de Charly Gaul, pas d’Eddy Merckx, ni d’Eros Poli ou d’Iban Mayo. Seulement un technicien portugais – Leonardo Jardim – enfoncé dans une parka à peine assez épaisse pour supporter le souffle qu’il allait recevoir. La force de l’entraîneur de l’AS Monaco, c’est qu’il y était préparé et qu’au fond, il ne devait pas se retrouver là. En juillet dernier, lorsque le marathon européen de l’ASM a débuté à Istanbul lors d’une défaite face au Fenerbahçe (1-2), l’objectif fixé par les dirigeants était avant tout d’atteindre les poules de la Ligue des champions, en aucun cas de rêver d’un dernier carré. Sa mission était ailleurs, elle était nationale et avait la gueule d’un Hexagoal que les Monégasques devraient soulever dans quelques jours, quelques semaines. Alors, au moment de venir dire au revoir à la C1 mardi soir, Jardim a vidé ses tripes sur un 3-4-2-1 audacieux pour ne rien regretter et éviter de mourir avec ses questionnements. La démarche est louable et aurait pu marcher. Le frisson aura finalement eu une durée de vie de quinze grosses minutes.
L’envie d’y croire, la leçon au tableau
Tout simplement parce qu’en face, c’était la Juventus. La Juve d’Allegri, celle qui file vers un sixième titre national, qui se connaît par cœur et qui ne peut plus se contenter d’un simple Scudetto. Cette Vieille Dame insolente de puissance, de maîtrise, de cynisme aussi et qui était programmée pour atteindre la neuvième finale de C1 de son histoire, la deuxième de l’ère Allegri et la troisième des années 2000. En 180 minutes, l’AS Monaco sera tombée sur plus forte qu’elle pour la première fois de la saison, se heurtant à une organisation qu’elle n’avait jamais rencontrée et qui n’était pas faite pour lui réussir. Au fond, on le savait dès le tirage au sort, mais on avait envie d’y croire. Puis, on a regardé la leçon, les leçons et on a au moins autant appris que les hommes de Jardim. Cette ASM n’avait pas les armes pour passer, même collectivement, et ne se sera réveillée psychologiquement qu’après le premier but encaissé par la Juve sur la scène européenne depuis le 22 novembre dernier. Un but de Kylian Mbappé, évidemment, ce gosse de dix-huit ans qui rêvait de marquer face à Gianluigi Buffon et qui se rappellera forcément de cette soirée au moins autant que de la main gantée posée par la légende de Carrare lors de la manche aller. Alors, on gardera aussi les larmes de Gonzalo Higuaín face à la frustration de Glik ou la gueule possédée de l’historique Raggi. Pour l’honneur et soigner le tableau. Un tableau où, comme en 2015, la maîtresse – ou plutôt le maître tactique Allegri – aura donné la leçon à un élève qui a encore de l’expérience à empiler pour espérer regarder les grands dans les yeux. Ce même élève qui aura pour autant fait rêver la France du foot. Et ce n’est qu’un début, c’est une certitude.
Par Maxime Brigand