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La Maison Tellier : « En 2006, Zidane a choisi sa sortie »
Si Helmut Tellier, chanteur du groupe La Maison Tellier, porte un nom à consonance germanique, c'est en revanche loin du cœur qu'il porte les Teutons. La faute à un funeste soir de juillet 1982. Car oui, Helmut est avant tout fan de l'équipe de France. Sans doute parce qu'il vient d'une ville, Rouen, qui n'a jamais été taillée pour le foot.
Quel est ton rapport au football ?En amateur éclairé, disons. J’ai jamais pratiqué, par exemple, mais je suis le championnat et les grosses compétitions avec attention. C’est un truc qui me rappelle beaucoup de souvenirs. Voir mon père s’exciter sur certains matchs, notamment. Je me souviens de l’équipe de France époque Platini et Giresse, le Mexique 1986 et l’Espagne 1982. Ça rappelle des moments magiques. Surtout que moi, je suis rouennais, donc, au niveau football, c’est pas trop ça. Le FC Rouen, ouais, non merci. Ils ont eu une grande période dans les années 80 et il y a eu ce seizième de Coupe de France en 1993, quand on va défier l’OM et qu’on se fait voler par M. Batta, l’arbitre. Un penalty est sifflé alors que le joueur est quatre mètres en dehors de la surface. On n’a pas souvent des raisons d’être fier de cette équipe, donc en 1993, c’était important. Mais depuis, Rouen est plus une ville de basket et de hockey. J’aimerais bien pouvoir emmener mes gamins aux matchs le dimanche, mais dans l’état actuel des choses – avec un club en DH – c’est pas possible. Le foot, ça me manque un peu.
Tu peux toujours suivre Le Havre. Ou Caen, à la rigueur.Je suis normand d’origine, donc oui, ce serait plutôt la bonne solution. Mais j’ai du mal à m’attacher. Et puis Le Havre et Caen, c’est pas la fête non plus. Et la rivalité Haute-Normandie contre Basse-Normandie fait que ça semble pas logique de suivre le SM Caen. Pour te donner un exemple, c’était tellement compliqué de se trouver un club que pendant mon enfance, je suis devenu fan de Metz juste parce que je trouvais leur écusson trop cool dans les albums Panini. En fait, je crois que ce que j’apprécie surtout dans le foot, c’est cette ambiance fédératrice. Avec le groupe, on s’est retrouvés entre deux concerts à regarder le match aller de barrages Ukraine-France. Pour le coup, c’était pas un super souvenir. Ça a été un peu dur à vivre, mais il n’y a pas des masses d’occasions d’avoir autant de cohésion dans le pays, notamment sur un sujet cool comme le foot. Et puis il y a ce parallèle entre le foot et la musique. Nous, on est un groupe, on n’est pas un artiste avec des musiciens derrière. Notre but, c’est de garder le collectif sur pied et d’avancer, même quand tu en chies. D’ailleurs, on a toujours déconné avec notre manager en lui disant qu’il aurait aussi bien pu être manager de groupe qu’agent de joueur ! Il nous a pris en DH et il va nous faire arriver en Ligue des champions. Une petite finale, au moins, allez… (rires) Plus sérieusement, je crois qu’il faudrait qu’on fonctionne comme en Angleterre.
C’est-à-dire ?Avoir une longue histoire commune, des clubs de foot liés aux artistes ou aux intellectuels. Une déculpabilisation de l’amour du foot parce qu’en France, si tu aimes ce sport, tu passes pour un beauf. Tu prends des mecs comme Elton John qui a été président de Watford, comme Rod Stewart. Même Sephen Fry, qui a été au board de Norwich. Ce mec est génial, c’est le Oscar Wilde du XXIe siècle. Donc je sais pas si ça finira par marcher en France. Mais c’est possible : j’ai un pote musicien, Amara, qui est de Bordeaux. Ben, le mec a la cinquantaine, il fait sa musique et il était au centre de formation du PSG quand il était ado. Quand il parle de foot, tu l’écoutes.
Tu disais avoir regardé le match aller Ukraine-France. T’as regardé le retour, aussi ?Oui, avec beaucoup de recul, parce que ça m’aurait fait chier de concéder la défaite et que le lendemain, ton pote t’appelle et te dise « Tu vois, je te l’avais dit qu’ils allaient perdre ! » Moi, j’avais envie qu’ils le fassent et je me transportais au mois de juin prochain : je serai en tournée et après un bon concert, je pourrai me caler pépère devant les matchs. C’est cool. D’ailleurs, avec mes potes, on se fait des pronostics et j’imagine pas l’Espagne gagner à nouveau, parce que c’est la fin d’une génération. Je vois bien le Brésil parce qu’ils sont à domicile. Ou une victoire de l’Allemagne parce que je me suis remis de Schumacher et Battiston depuis le temps.
Si tu devais garder un seul moment de l’équipe de France, ce serait lequel ?Désolé, tout le monde doit te dire ça, mais le coup de boule de Zidane en finale du Mondial 2006. J’ai trouvé ça génial. J’étais pour parce que si le mec gagne le match, ça devient une espèce de Dieu vivant. Il donnait tellement l’impression de maîtriser son sujet qu’il pouvait choisir de gagner ou de perdre. Et il a choisi sa sortie. Je me souviens aussi de Schumacher sur Battiston en 1982. J’avais sept ans. En plus, dans les médias, on te présentait les joueurs français différemment. Il y avait de l’empathie. On voyait Joël Bats qui rentrait dans sa famille des Landes pour faire des échasses. Donc l’agression sur Battiston, tu comprends pas tout ce qui se passe parce que t’es trop jeune, mais tu te dis : « Merde ! On touche à ma patrie ! » Qui plus est venant d’un Allemand. On leur avait à peine pardonné ! (rires) Si on ajoute le penalty raté par Platini en 1986, ça t’apprend à être français. À intégrer le fait que tu trébucheras toujours à deux doigts du bol de sangria.
Le dernier album de La Maison Tellier, Beauté pour tous, est sorti le 14 octobre dernier chez AT(h)Ome/Wagram La Maison Tellier sera en concert au Trabendo le 12 mars prochainLe site de La Maison Tellier La page Facebook de La Maison Tellier
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Propos recueillis par Matthieu Rostac