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Deschamps, ou l’art de la « tout doux » liste
La première étape vers l’Euro 2024 est passée pour les Bleus, Didier Deschamps ayant annoncé sa liste de 25 joueurs pour le tournoi qui débutera en Allemagne dans un mois. Un simple exercice de communication pour le sélectionneur, qui sait mieux que personne que la route vers le premier match (contre l’Autriche) est longue et incertaine.
Il ne fait pas encore un temps à se balader dehors sans une petite veste jusqu’à tard le soir, mais voir Didier Deschamps réciter sa liste pour une grande compétition face à Gilles Bouleau est le signe que les beaux jours approchent. C’est une routine que le sélectionneur connaît par cœur, à force de le répéter à peu près tous les deux ans depuis 2014. Il est parfaitement réglé, préparé et rodé pour répondre – à sa manière parfois – à toutes les questions posées, du plateau du JT à l’auditorium de la tour TF1, où la conférence de presse l’a occupé pendant 40 minutes ce jeudi soir. Dans son habituel costume bleu nuit, DD a fait de la pédagogie, de la langue de bois, glissé des petits tacles et quelques vannes, peut-être moins qu’en mars dernier, sans oublier de rappeler une chose avec prudence : ce n’est que le début d’un long chemin semé d’embûches et d’obstacles. Ne comptez pas sur lui pour faire des prédictions ou s’avancer sur le visage que présentera l’équipe de France dans un mois en Allemagne, c’est trop dangereux. Trop tôt, aussi. L’Euro, ce n’est pas tout à fait demain, mais presque.
Une liste et des risques
Ce rendez-vous de la mi-mai est un passage obligatoire pour Deschamps. Un moment attendu par les Français, en tout cas ceux qui guettent les aventures estivales des Bleus. Un exercice de communication plutôt que le premier jour de l’Euro. Ce n’est qu’une première échéance, une première liste, susceptible d’être légèrement chamboulée en fonction des aléas. Le double D l’a répété deux ou trois fois : « La date importante, c’est le 7 juin au soir, quand je vais transmettre ma liste définitive à l’UEFA. » Il ne s’agit pas de porter l’œil à ses joueurs, mais de prévenir plutôt que d’avoir à guérir. « Je n’espère pas pour ceux qui sont là, mais je peux être amené à apporter des modifications. J’ai même jusqu’au 16 juin pour changer, a-t-il insisté. Tous les joueurs sur la préliste sont censés être prêts. » En novembre 2022, Randal Kolo Muani avait été appelé pour pallier le forfait de Christopher Nkunku, apprenant la nouvelle alors qu’il était en stage au Japon avec l’Eintracht Francfort. Un mois plus tard, il aurait pu devenir un héros national sans la maudite jambe gauche d’Emiliano Martinez. La preuve, s’il en fallait encore une, qu’un grand tournoi international ne se décide pas au moment de la présentation de la fameuse liste.
Celui qui s’apprête à disputer sa sixième compétition majeure dans le costume de sélectionneur des Bleus sait comment mener sa barque, gérer les égos et les blessés. Mike Maignan (adducteurs), Aurélien Tchouaméni (fracture de fatigue au métatarse du pied gauche) et Kingsley Coman (adducteur, phase de reprise) font partie des 25 noms égrenés par DD, malgré leur état de forme incertain. « On va s’adapter et anticiper nos options. Il y a un travail en lien avec les clubs et le docteur Franck Le Gall pour avoir un maximum d’informations, a-t-il déroulé. Maignan a repris les séances d’entraînement spécifiques. Il n’y aura aucun risque pris ce week-end. Tchouaméni est en phase de recicatrisation. Il nous rejoindra après la finale de Ligue des champions. Coman est dans une phase de réathlétisation, si tout se passe bien, il sera disponible au début du stage pour s’entraîner avec le collectif. » Si tout se passe bien, donc.
Un sélectionneur n’est jamais trop prudent
Deschamps anticipe tout, c’est son job, son obsession, et c’est normal. « On fait en sorte d’avoir trois options à chaque poste. On ne sait pas ce qui peut se passer, a continué le roi de la prudence. Par exemple, c’était le cas avec Varane en 2022. Je ne lui ai pas fait jouer le premier match, mais il était guéri pour jouer la suite, même si j’aurais pu le préserver un peu plus. On n’est pas à l’abri. Il y a des joueurs qui sont aujourd’hui à 100%, mais qui ont des matchs. Certains jouent ce soir, d’autres ce week-end, les derniers (Eduardo Camavinga, Aurélien Tchouaméni, Ferland Mendy) joueront la finale de la Ligue des champions. Il y a toujours des risques. Quand je prends un joueur, ce n’est pas prendre pour voir, ça demande de passer par des étapes. » Voilà à quoi ressemble la route vers une grande compétition, à une succession de dos d’ânes et de nids-de-poule.
Il n’est pas dit que tout le monde connaisse déjà par cœur le programme des Bleus en juin prochain, mais le compte à rebours est lancé. Chaque petit pépin peut devenir un gros problème, alors qu’ils seront huit parmi les vingt-cinq convoqués à voir leur saison avec leurs clubs respectifs prendre fin ce week-end. Deschamps a rappelé avec le sourire que personne ne pouvait entrer dans sa tête, où se trouve l’équipe qu’il « aimerait voir débuter ». Le champ des possibles est immense : Tchouaméni pourrait se retrouver à dépanner en défense centrale, comme au Real Madrid, quand « les sept milieux pourraient être titulaires », selon les mots de DD. Ce dernier sait aussi que des évidences s’imposent parfois en plein tournoi : une charnière capable de faire l’affaire, Blaise Matuidi replacé ailier gauche, Olivier Giroud redevenu indispensable, etc. Surtout que ces Bleus manquent de certitudes et de garanties.
Le calendrier est resserré, les options nombreuses, mais elles peuvent s’amenuiser très rapidement. Le patron des Bleus aura plus de temps pour jauger son groupe qu’avant le Qatar, heureusement, même s’il a rappelé qu’ils avaient eu 28 jours de préparation au Brésil (« Waouh ! »). Ce n’est que ce que veut l’époque : le groupe sera au complet le 3 juin, les amicaux contre le Luxembourg et le Canada s’enchaîneront en quatre jours (le 5 et le 9), puis il sera temps de se rendre au camp de base de Bad Lippspringe, près de Paderborn, le 12 juin, avant de lancer les hostilités face à l’Autriche cinq jours plus tard. L’Euro pourra enfin commencer. Sur le terrain, cette fois.
Par Clément Gavard, à Boulogne-Billancourt
Propos recueillis par CG.