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La Ligue 2 est-elle autre chose que le paillasson de la Ligue 1 ?

Par Jérémie Baron et Maxime Renaudet
La Ligue 2 est-elle autre chose que le paillasson de la Ligue 1 ?

Comme sa grande sœur, la Ligue 2 s'est clôturée ce jeudi après que la Ligue de football professionnel (LFP) a décidé de mettre fin à la saison 2019-2020. Lorient est donc sacré champion, et grimpera à l'étage supérieur avec son dauphin Lens, alors que derrière, les frustrés sont nombreux. En revanche, preuve que cette fin de saison pose encore de nombreuses questions, aucune décision n'a pour l'heure été prise en ce qui concerne la queue de peloton.

Le Covid-19 est-il un complot anti-corse ? « Si Le Havre était à notre place, il aurait une chance… Ajaccio, bon, on peut toujours rêver. » Il a beau ne plus être à la tête de son AC Ajaccio chéri, Alain Orsoni n’a pour autant pas abandonné sa langue bien pendue. Dans le mouchoir de poche dans lequel se sont retrouvées les équipes de tête au moment où le pays s’est mis à l’arrêt, le club corse (52 points) se retrouve piégé à une minuscule unité d’un strapontin direct vers la Ligue 1, celui désormais promis à Lens (53). Et alors que l’ACA avait cravaché depuis juillet pour pointer à ce stade à la dernière place du podium normalement synonyme de ballottage favorable pour les playoffs, on lui a fait comprendre qu’il n’aurait que ses yeux pour pleurer. La faute à « des instances qui envisagent de programmer la finale de la Coupe de France, mais pas les barrages », comme n’a pas manqué de le souligner le président Christian Leca à France 3 Corse. Difficile de ne pas se mettre à leur place.

La Ligue 2 est-elle autre chose que le paillasson de la Ligue 1 ? Dans cette histoire qui n’offrira que deux montées-descentes entre l’élite et son antichambre, ce sont aussi les méritants Troyes et Clermont (juste derrière à 51 et 50), qui se retrouvent floués, déjà qu’on leur enlève 10 journées pour tenter de se défendre quant aux deux premières places, largement accessibles. L’instauration, il y a trois ans, d’un barrage L1-L2 avait déjà eu pour conséquence de protéger les clubs de l’élite (Toulouse et Dijon ne diront pas le contraire) ; mais cette saison, on vient de repousser les limites de la décence. Un document de travail réalisé par l’ACA, Clermont Foot et l’ESTAC avec le soutien du troisième de National Boulogne (qui risque lui aussi d’être privé de barrage de montée vers l’étage supérieur) a été envoyé à tous les autres présidents de L1 et L2 pour espérer faire bouger les choses : il propose de régler tout ça rapido et sportivement « dans une région isolée, pas loin de Lyon par exemple », explique le président clermontois Ahmet Schaefer sur Sport-Auvergne.fr. « Il s’agirait de confiner tout le monde, les joueurs, les arbitres, les staffs, mais sans les dirigeants et évidemment à huis clos, et de jouer les matchs comme prévu dans un seul endroit. Au maximum, une équipe séjournerait dix jours sur place, et les éliminés pourraient rentrer aussitôt chez eux. » Pas sûr que Nîmes et Niort soient emballés.

Le RC Lens méritait-il vraiment sa montée ? Depuis ce jeudi et l’annonce de la montée du RC Lens en Ligue 1, cinq ans après l’avoir quittée, les supporters sang et or n’ont pas boudé leur plaisir. Ils ne sont pas les seuls puisqu’une multitude d’acteurs du football français se sont félicités de ce retour parmi l’élite. Il est vrai que les résidents de Bollaert le méritaient plus que n’importe quel autre public de Ligue 2. En revanche, sur le terrain, Lens n’a pas montré une qualité de jeu à la hauteur des moyens déployés et de l’effectif à disposition de Philippe Montanier. Remplacé par Franck Haise fin février, l’ancien coach du Stade rennais aura quitté le navire en laissant l’équipe à la troisième place du championnat, mais avec un fonds de jeu critiquable. Souvent poussifs, pas toujours inspirés et régulièrement friables, les Lensois accèdent certes à l’élite, mais au regard du niveau de jeu affiché, Ajaccio, Troyes, Clermont et Le Havre peuvent avoir de sérieux regrets. Mais Bollaert et Marek s’en moquent et ils ont bien raison.

Pourquoi le HAC s’est-il fait rouler dans la farine dans le deal Kadewere ? L’hiver dernier, le phénomène Tino Kadewere (17 pions à la mi-saison, 20 au total) était devenu trop énorme pour que Le Havre puisse rester insensible aux avances de quelques grosses écuries. À ce petit jeu, c’est Jean-Michel Aulas qui a été le plus vif et a su séduire le Zimbabwéen ainsi que les dirigeants normands. Si le HAC a été emballé par l’affaire, c’est certainement parce que l’OL permettait aux Ciel et Marine de conserver l’ex-buteur du Djurgårdens IF jusqu’à la fin de saison en prêt, quitte à s’asseoir sans doute sur une partie du joli pactole de la vente (12 millions hors bonus finalement, tout de même). Le jeu en valait la chandelle pensait-on : avec son maître à jouer, les hommes de Paul Le Guen étaient bien décidés à enfin faire remonter le doyen des clubs français, privé d’élite depuis douze ans. C’est là que tout s’est cassé la gueule. Sorti sur blessure avant l’heure de jeu face à Lens fin janvier (22e journée), l’attaquant de 24 ans n’est en fait réapparu qu’un mois plus tard à cause d’une cuisse capricieuse. Entre-temps, le HAC, sans son guide, a piétiné pendant quatre journées (deux défaites, deux nuls). Au moment de son retour, le wagon était passé. Le Kad’ a planté lors des 27e et 28e journées et semblait repartir de plus belle, jusqu’à ce que les gros bonnets du foot français baissent le rideau aux deux tiers du championnat en laissant Le Havre à la 6e place. Voilà : entre le 22 janvier, date de sa signature à retardement à Lyon, et le 29 avril qui a sonné la fin de son aventure havraise, le beau Tino a disputé quatre matchs et inscrit deux buts. La belle affaire.


Le Mans s’en remettra-t-il ? L’été dernier, après six ans de purgatoire et un but dans les dernières secondes lors d’un barrage épique contre le Gazélec Ajaccio, Le Mans compostait son ticket pour la Ligue 2. Mais après cinq matchs et autant de défaites pour commencer la saison, l’équipe de Richard Déziré se rend compte qu’elle devra batailler jusque dans les dernières journées pour se sauver. Problème, après la 28e et dernière journée, les Manceaux sont avant-derniers. La faute à un classement figé tel quel, ce qui permet à Niort – qui a encaissé quatre buts de moins que les Sarthois – de se maintenir. Alors qu’à l’inverse, la différence particulière, en apparence plus logique, aurait condamné les Chamois.

Une injustice dont le promu aura bien du mal à se relever si elle est confirmée. « Je pense qu’il sera important de remettre le club en ordre de bataille. On le sait : un club qui est relégué est toujours en difficulté. On l’a vue avec le Gazélec Ajaccio et Béziers cette saison qui vont probablement descendre en N2. Il est capital de préparer demain pour rebondir le plus rapidement possible », constate le président du club Thierry Gómez dans Ouest France, déçu, mais loin d’être résigné. Car une issue pourrait encore sauver son club, celle d’une Ligue 2 à 22.


Un championnat à 22 est-il envisageable ? Si Lorient et Lens sont assurés de grimper à l’étage supérieur, alors qu’Amiens et Toulouse vont faire le chemin inverse, la question des descentes et des montées entre la Ligue 2 et le National est encore loin d’être actée. Pour l’heure, si les barrages semblent difficilement organisables, la perspective d’une Ligue 2 à 22 clubs n’est pas à écarter. « La majorité des clubs de L2 s’est prononcée en faveur d’une Ligue 2 à 22 clubs une année seulement, malgré l’opposition de la FFF », confirmait le président du Paris FC, Pierre Ferracci, en direct sur L’Équipe. Mais une Ligue 2 à 22 (avec Le Mans, Orléans, Pau et Dunkerque) pourrait être un véritable casse-tête à organiser. Car malgré les trous laissés par l’arrêt de la Coupe de la Ligue, il conviendrait de trouver quatre dates de plus, sans oublier que le championnat reprendra plus tard qu’à l’accoutumée. Pour statuer, il y aura donc un vote lors de l’assemblée générale du 20 mai, de la part des clubs de L1 (55 voix), ceux de L2 (35 voix) et les familles du foot (10 voix). Après cela, ce sera au comité exécutif de la FFF de trancher. Et là, pas certain que l’idée d’une antichambre à 22 fasse consensus.
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