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La Ligue 1 à 18 clubs : un opportunisme mal placé

Par Clément Gavard
5 minutes
La Ligue 1 à 18 clubs : un opportunisme mal placé

À quelques encablures d'une fin de saison passionnante, le sujet d'un passage de la Ligue 1 de vingt à dix-huit clubs a fait son retour sur la table des dirigeants du football hexagonal. Une envie soudaine motivée par la crise des droits TV, qui a fait de Canal + le maître du jeu, plus que par le souhait de renforcer la compétitivité de l'élite.

Le sprint final passionnant et indécis de cette Ligue 1 cuvée 2020-2021 n’est pas encore terminé qu’un vieux serpent de mer est réapparu la semaine dernière, rendant le futur proche de notre championnat incertain : le passage de l’élite à dix-huit clubs. Moins de deux mois après son élection à la présidence de la LFP en septembre dernier, Vincent Labrune n’avait déjà pas caché son attirance pour un resserrement de la L1 dans une interview donnée au JDD… avant d’opérer une légère machine arrière dans la foulée. Mais aujourd’hui, l’ancien dirigeant de l’OM ne se cache plus. « De toute façon, même si on dit que c’est pour l’intérêt du foot, on mentira tous, a-t-il admis au Parisien. La réalité, c’est que le gâteau des droits télé étant en train de fondre, il faut absolument réduire le nombre de bénéficiaires. C’est humain, non ? »

Plus qu’une idée en l’air, le retour d’une première division hexagonale à dix-huit clubs pourrait bientôt devenir une réalité. Dans un mois tout pile, le 3 juin, le sujet sera mis sur la table lors de l’assemblée générale de la Ligue, avec une réflexion pour acter cette minirévolution le plus rapidement possible, soit à compter de la saison 2022-2023. D’ici là, les différents acteurs ont le temps de se déchirer autour de la question, mais également d’en poser une essentielle : le passage de vingt à dix-huit clubs peut-il vraiment sauver le football français ?

De l’extérieur, je conçois que cela ressemble à une bataille de requins, mais la réalité, c’est que beaucoup de présidents se disent que, si pour survivre, il faut laisser crever le voisin, ils le feront.

Au royaume des diffuseurs

Les préoccupations pour la compétitivité de notre élite et la réussite de nos clubs sur la scène européenne ne sont que des jolis prétextes pour masquer, difficilement c’est vrai, le nerf de chaque guerre : les gros sous. La crise des droits TV n’est pas terminée, Canal + ayant prévenu qu’il ne comptait pas diffuser l’intégralité de la Ligue 1 la saison prochaine, et chacun aimerait une plus grosse part du gâteau. « En fait, il faut donner des gages à Maxime Saada, le patron de Canal, qui a demandé cette réduction, expliquait honnêtement, mais anonymement un président de club au Parisien. Passer à dix-huit clubs, cela ferait déjà 38 matchs de championnat en moins à diffuser. » La loi de la jungle, ou plutôt celle d’un diffuseur en position de force.

Les présidents, eux, sont démunis. Même ceux des clubs moins huppés ne sont pas fermés à l’idée d’accepter cette réforme, qui pourrait soi-disant aider à leur survie. Un membre du CA assurait encore au quotidien francilien que « les problèmes financiers de Bordeaux, Saint-Étienne ou d’autres peuvent amener des dépôts de bilan. Et là, il suffirait de ne pas les remplacer par d’autres. De l’extérieur, je conçois que cela ressemble à une bataille de requins, mais la réalité, c’est que beaucoup de présidents se disent que, si pour survivre, il faut laisser crever le voisin, ils le feront. Alors franchement, 18 clubs au lieu de 20, ce serait vraiment un moindre mal. » Tout sauf une surprise : les dernières crises du football français (arrêt des championnats, fiasco de Mediapro, etc.) ont confirmé aux derniers rêveurs que le monde du ballon n’était pas celui des Bisounours. Même Laurent Nicollin, président exemplaire cette dernière année, s’interroge dans L’Équipe : « Si c’est pour gagner deux, trois, quatre ou cinq millions de plus par club, c’est magnifique. Si c’est pour gagner 500 000 euros… » Les grands patrons ont besoin de garanties, de faire rentrer quelques millions en plus dans les caisses, et un passage à dix-huit irait visiblement dans ce sens.

Le paillasson de l’UEFA et de la FIFA

La semaine dernière, les entraîneurs de l’élite n’ont pas suivi les présidents. Ceux qui ont été interrogés sur l’éventualité d’un passage à dix-huit ont (quasiment) tous grogné. Niko Kovač a répété qu’il « aimait la Ligue 1 à 20 clubs », Claude Puel a déploré « un passage en force », et Rudi Garcia s’est annoncé « solidaire de tous les coachs » sur le sujet. Ces derniers devront être convaincus par les dirigeants de la Ligue lors d’une réunion prévue cette semaine, alors qu’ils n’ont que deux voix sur 101 à l’assemblée générale de la LFP, qui tranchera ce dossier le mois prochain. À ce moment-là, il sera important de se rappeler que le dernier quinquennat (1997-2002) de l’élite à dix-huit n’aura pas été une franche réussite, même si la première division avait accouché d’un champion différent sur les cinq éditions. Une époque lointaine où le fossé entre les concurrents n’était pas aussi important.

Puis, au lendemain des grandes indignations contre la Superligue des douze salopards, cette envie soudaine de resserrer l’élite de l’Hexagone ressemble à une vaste hypocrisie. Si l’idée de professionnaliser le troisième échelon est séduisante, elle n’empêchera pas les écarts entre les clubs et les divisions de se creuser un peu plus chaque année. Dans les faits, cet allégement du calendrier national — déjà amputé de la Coupe de la Ligue — ferait surtout les affaires de l’UEFA et de la FIFA, et de leurs nouvelles compétitions loufoques aux agendas surchargés. Encore une fois, le bien-être des joueurs ne compte pas. Il faut faire de la place à la nouvelle Ligue des champions, qui devrait malheureusement voir le jour en 2024, et à ses cent matchs supplémentaires, et pourquoi pas à la prochaine invention clownesque de Gianni Infantino (une Coupe du monde des clubs pendant l’été, aux dernières nouvelles). Pour le bien de la Ligue 1, vraiment ? Laissez-nous rire.

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