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La légende discrète du général Cambiasso

Par Markus Kaufmann
La légende discrète du général Cambiasso

En 2009, José Mourinho avait dit de Cambiasso : « C’est le joueur le plus rapide que j’ai entraîné. Et quand je dis rapide, je parle de là où ça sert le plus… » C'est-à-dire dans la tête. Un footballeur intelligent, promis à un avenir d’entraîneur brillant, et encore indispensable dans l’Inter de Stramaccioni. Après quelques années passées sous les radars de la grandeur médiatique, « El Cuchu » a tout de même trouvé le temps de devenir l’Argentin le plus titré de l’histoire du football. Une légende discrète.

Formé au Club Social y Deportivo del Parque par Roman Maddoni, Cambiasso est vite présenté comme l’héritier de Fernando Redondo. Mais trop chauve, trop discret et trop travailleur pour être perçu comme un joueur élégant, Cambiasso ne devient ni artiste, ni virtuose. En 1998, il aurait accepté de se couper les cheveux pour Passarella, lui. Car sur le rectangle vert, « El Cuchu » a été, est et sera toujours un militaire en mission, un chef, un leader qui mène ses troupes au moins autant qu’il joue au ballon. Un joueur au profil unique, et souvent méconnu.

Le général Cambiasso

L’Argentin fait partie de cette catégorie rare des joueurs dont la principale valeur ajoutée est de savoir gagner des matchs de football. Ni rapides, ni brillamment techniques, et pourtant plus importants que tous les autres. Comme Xabi Alonso au Real ou Thiago Motta au PSG, Cambiasso le joueur est avant tout un cerveau. Toujours lucide, tel un aigle survolant le champ de bataille, l’ex de River replace, pense et ordonne les mouvements de son équipe. Dans l’expédition commando du Juventus Stadium, Cambiasso est bien le seul à ne pas perdre pied lors des dix premières minutes de folie. Le lendemain, la Gazzetta fait son éloge : « Il est le point de référence, l’homme qui, au moment le plus difficile – quand il serait facile de se cacher derrière l’erreur du juge de ligne – prend l’équipe par la main et lui fait comprendre que rien n’est perdu. » Ce même leadership qui avait tant manqué à l’Albiceleste contre l’Allemagne en Afrique du Sud…

Le 28 avril 2010 au Camp Nou, l’Inter est réduite à dix après le « coup de théâtre » Busquets. Avec Zanetti, Eto’o, Lúcio, Samuel, Maicon, Júlio César, Milito ou Chivu, il y a assez d’expérience pour former deux équipes de vétérans. Mais dans la moitié de terrain assiégée par les assauts des Barcelonais, on n’entend que la voix du 19, qui annonce les systèmes de jeu à ses coéquipiers comme un point guard. Pas un hasard pour un type qui a grandi dans un club de basket : « J’en ai gardé une vision d’ensemble du jeu, plus panoramique : le meneur de jeu doit contrôler les mouvements de ses coéquipiers. » Cambiasso, c’est Jason Kidd en crampons.

Le bras droit du Stramaléon

Si Strama se fait surnommer « Stramaléon » (Stramaleonte en VO) en Italie, il le doit en partie à l’adaptabilité de Cambiasso. Homme du match dans une position de milieu central face à Catane, le weekend suivant il sort une passe décisive et un but à Bologne dans un rôle de trequartista. C’est aussi lui qui courbe le coup franc qui amène le seul but du dernier Derby. Et dimanche dernier, surprise énorme : le Mister demande au 19 de jouer libéro, façon seventies, loin derrière la ligne des centraux. Du presque (plus) jamais vu. « J’avais besoin d’un libéro. (…) Je ne voulais pas qu’il y ait de l’espace entre la ligne défensive et mon gardien, pour empêcher Cavani de prendre la profondeur. » Résultat : Cambiasso joue aux abords de sa propre surface, à l’ancienne, et Andrea Schianchi écrit dans la Gazzetta qu’ « on aurait cru voir le Picchi de la Grande Inter » .

L’Italie est habituée aux prouesses tactiques de Cuchu. Cette saison, après avoir laissé sa place à Mudingayi contre la Fiorentina, personne n’a été étonné de le voir donner des consignes au bord du terrain. En septembre 2009, Mourinho est expulsé face à Cagliari. Pour la conférence de presse suivante, le Portugais n’envoie ni son adjoint ni son capitaine, mais bien Cambiasso, qui s’en va répondre aux questions tactiques des journalistes transalpins. Zanetti n’a d’ailleurs aucun doute quant à la reconversion de Cuchu : « El Cuchu sera entraîneur, c’est certain. Aujourd’hui il l’est déjà sur le terrain. C’est commeEl Cholo (Diego Simeone, ndlr), on a toujours vu qu’il était amené à entraîner. » En mars, le nom de Cambiasso est même évoqué pour remplacer Ranieri. Et il n’a que 32 ans.

Nul n’est prophète en son pays

Ce n’est pas un hasard si son arrivée en Italie coïncide avec le début du cycle victorieux de l’Inter de 2004 à 2011. En tout cas, certainement pas pour Mourinho, qui présente à Florentino Pérez l’arrivée de l’Argentin comme une priorité du Real en 2010. Mais avec « seulement » 52 sélections, Esteban semble avoir été la victime d’un certain boycott dans son pays. Largué en 2010 par Maradona alors qu’il est au top de sa carrière, Cuchu n’est pas rancunier : « Il faut tout donner à l’équipe nationale et ne jamais rien lui demander. » Quand Batista le rappelle, l’Albiceleste bat l’invincible Espagne 4-1 en amical. Mais le téléphone de Cambiasso ne sonne plus. Peut-être à cause de ce foutu pénalty raté face à l’Allemagne en 2006…

Si Cuchu avait joué pour l’Italie, dont sa famille est originaire (Serra Riccò, province de Gênes), peut-être serait-on en train de parler d’une centaine de sélections et d’un mélange de Gattuso et Pirlo. En attendant sa convocation, Cambiasso forge sa légende à l’Inter. Arrivé gratuitement du Real pour faire le remplaçant de Veron et Davids, Cambiasso en est devenu l’éternel futur capitaine ( « Zanetti arrêtera certainement bien après moi… » ). Lors des célébrations de titres, c’est lui qui vient enfiler le maillot des années 1960 floqué du numéro 3 de Facchetti. Du coup, quand on lui parle d’un avenir de coach, Esteban est clair : « C’est impossible de dire non à l’Inter, quel que soit le rôle proposé. » Pour ensuite faire enfin gagner l’Albiceleste ?

À visiter :

Le site Faute Tactique

Le blog Faute Tactique sur SoFoot.com

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