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La Lega Sud
Palermo-Napoli ou le duel entre les deux villes phares du « midi » italien, mais surtout ses deux derniers représentants en Serie A. Une partie de l'Italie longtemps mise de côté par les institutions du football.
Marsala, 11 mai 1860, Giuseppe Garibaldi et 1088 patriotes débarquent dans le port, c’est la fameuse « Expédition des Mille » , le tournant de l’unification italienne. De là, et grâce aux révoltes provoquées dans les principales villes du Mezzogiorno, les chemises rouges remontent la péninsule et rencontrent le souverain sarde à Teano le 21 octobre. S’ensuit un plébiscite, le royaume des Deux-Siciles est officiellement annexé à celui de Piémont-Sardaigne et d’autres États « italiques » . L’Italie est née. À ce moment-là, Nord et Sud ont connu un développement plus ou moins identique. 37 ans plus tard, lorsque se déroule le premier championnat italien de football, les différences sont déjà très marquées. Les caisses de l’ex-florissant royaume sudiste ayant été pompées par ses nouveaux concitoyens. Industrie et agriculture accumulent déjà un retard considérable, la diffusion du football n’y échappe pas.
L’élitisme nordique
Et pourtant, les clubs de Palerme et Messine ont été fondés dès le tout début du XXe siècle, soit quelques années seulement après ceux qui ont pullulé du côté de Milan, Gênes et Turin. Naples fait connaissance avec le ballon rond en 1904, mais ces équipes doivent se contenter de matchs amicaux, ou au mieux de l’équivalent d’une seconde division pas encore bien définie. Ce n’est qu’en 1912 que la Fédération italienne daigne les convier à un championnat réservé jusque-là aux équipes du triangle industriel, ainsi que quelques pensionnaires de la Vénétie et de l’Émilie-Romagne. L’idée vient du duo Vavassarori-Faroppa, les deux vice-présidents fédéraux qui, après d’âpres négociations, réussissent à imposer un nouveau format basé sur six divisions régionales : trois au Nord, trois au centre-Sud.
En fait, il s’agit d’éliminatoires avant un affrontement final entre les meilleurs représentants des deux entités. Voilà comment deux équipes napolitaines font officiellement leurs débuts dans le championnat italien, l’Internazionale Napoli et Naples s’affrontant dans le groupe méridional. Le second l’emporte et s’arroge le droit de défier la Lazio dans la finale « Sud » , laquelle sort vainqueur de justesse (3-2 sur l’ensemble des deux matchs) avant de prendre une rouste 6-0 lors de la finale nationale contre la Pro Vercelli, affirmant l’existence d’un football à deux vitesses. Ce parcours du combattant, les équipes partenopee vont l’emprunter pendant une décennie.
Savoie ou bien ?
Mais il y a pire, la Sicile, les Pouilles et les régions plus au Sud doivent attendre 1922 et une brève scission au sein de la fédé qui donne naissance à la Confédération footballistique italienne. Deux tournois sont organisés, dans celui de la CCI, font enfin leur apparition des villes comme Tarente, Bari, Messine et Palerme, mais comme souvent, c’est un représentant romain (ou toscan) qui va disputer le titre à une puissance du Nord. Et lorsque tout revient à la normale dès la saison suivante avec un unique championnat, la formule reste inchangée et élitiste. Ironie du sort, la seule formation méridionale capable d’atteindre la finale nationale fut… celle de Savoia en 1924. Ce club de Torre Annunziata (dans la banlieue de Naples) qui porte le nom de la famille royale s’incline avec les honneurs contre le Genoa, mais reste l’exception qui confirme la règle de la disparité Nord/Sud.
Les bonnes résolutions fascistes
Cette dichotomie ne pouvait être tolérée par le nouveau régime en place et désireux de voir la nation footballistiquement unie. L’été 1926, les sbires de Mussolini instaurent une première division avec deux poules de dix. Problème, les trois équipes au sud de la Toscane (le Napoli et deux de la capitale) prennent volée sur volée et squattent les dernières places du classement. Les Romaines fusionnent, le Napoli est repêché, mais surtout, le gouvernement exige que des efforts soient faits afin que les représentants méridionaux fassent bonne figure. C’est ainsi que naît la Roma, tandis que le président napolitain Giorgio Ascari s’engage à renforcer son club. Le développement des infrastructures ferroviaires et autoroutières faisant le reste.
Lors de la saison 1929-30, celle de la toute première Serie A, c’est-à-dire un championnat à poule unique, le Napoli tient sa promesse avec une excellente 5e place, tandis que Bari et Palerme rejoignent quelques années plus tard. Toutefois, les Siciliens sont encore contraints de disputer leurs matchs à l’extérieur par paquet de trois et quatre. 86 ans plus tard, le bilan est sans appel. Sur les 66 équipes ayant participé au moins une fois à une édition de la Serie A, seules onze proviennent du Sud de Rome. Elles représentent un total de 241 participations sur 1489 dont presque la moitié du Napoli. Grosso modo, seules deux à trois équipes méridionales sont présentes chaque année parmi l’élite italienne. La géographie du football transalpin est figée, tout comme le déséquilibre économique du pays. Garibaldi se retourne dans sa tombe.
Par Valentin Pauluzzi